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Article : Contrechant métahistorique

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Prolongement (métahistorique...)

jc

  06/06/2020

Marghescu: « Aristote nous apprend que dans la tragédie les événements s’enchaînent selon “la nécessité”. Cette nécessité n’est pas de nature logique mais de nature ontologique : elle ne désigne pas l’enchaînement cohérent des épisodes d’un récit, selon les lois de la rhétorique, mais l’enchaînement des actes humains et de leurs conséquences selon les lois de la vie. »

Je prolonge mon commentaire de https://www.dedefensa.org/article/tc-84-actes-consequences-tragedie en précisant la position de Thom sur la pensée d'Aristote, sachant le rôle de l'organon aristotélicien sur la pensée occidentale:

"Il me semble qu'il y a au coeur de l'aristotélisme un conflit latent (et permanent) entre un Aristote logicien, rhéteur (voire même sophiste lorsqu'il critique Platon et les Anciens) et un Aristote intuitif, phénoménologue, et topologue quasiment malgré lui. C'est avec le second Aristote que je travaille, et j'ai tendance à oublier le premier (8). Il a espéré faire la jonction avec le concept de séparation, fondamental dans sa Métaphysique. Dans Met Δ il est dit (...) que "la limite est la substance formelle de la chose et sa quiddité, car c'est la limite de la connaissance c'est la limite de la chose". (C'est presque esse est percipi!) La séparation est-elle purement métaphorique? Si elle a une portée ontologique, alors il faut un substrat étendu -continu- où les choses se découpent. Sinon, la séparation n'est qu'un Gedankenexperiment, sur lequel on ne saurait fonder l'objectivité." Note 8: "J'ai découvert depuis la rédaction de ce texte le livre de Daniel W. Graham, Aristotle's two systems,  qui expose de manière systématique cette opposition entre deux aristotélismes, selon lui incompatibles." (Esquisse d'une sémiophysique, pp.245-246 et 270)

Remarques.

1. Thom: "Mais le problème important -en matière de philosophie du langage- n'est pas celui de la vérité (affaire d'accident, Sumbebèkos, dirait Aristote), mais bien celui de l'acceptabilité sémantique, qui définit le monde des "possibles", lequel contient le sous-ensemble (éminemment variable) du réel." (ES, p.16)  Ainsi, si l'on suit Thom, le problème important n'est pas tant la recherche de la vérité perdue que celle du sens perdu ("... pour nous, la question de l’acceptabilité sémantique d’une assertion est un problème ontologiquement antérieur à celui de sa vérité. La vérité présuppose une signification. L’idéal des logiciens (et de certains mathématiciens) d’éliminer la signification au bénéfice de la seule vérité est un contre-sens philosophique."). La "narrative" comme vérité logique (rhétorique) et la "vérité de situation" comme réalité?

2. Bien que je sois très mal placé pour faire ce genre de remarque (car je lis fort peu), je pense que Margescu donne un intéressant critère permettant de distinguer un bon récit d'un mauvais. Le médiéviste Pierre Gallais a écrit à ce sujet des choses qui me semblent très pertinentes (distinction entre le "et" et le "ou" logiques et la conjonction et la disjonction topologiques): https://www.persee.fr/doc/ccmed_0007-9731_1975_num_18_69_1991