Vraie-fausse attaque-bouffe d’une “drôle de guerre”

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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Vraie-fausse attaque-bouffe d’une “drôle de guerre”

16 novembre 2022 (18H15) – ‘Ukrisis’ mène à tout, y compris aux missiles intempestifs qui débordent le champ de bataille et à l’un des plus bels effondrement financiers du XXIème siècle. C’était bien ce qu’il fallait s’attendre à y trouver, lorsque j’ai proposé le terme, – osant imaginer que cette crise ukrainienne pourrait bien embraser l’univers, mais sans aller jusqu’à y voir la matrice du déferlement sans pareil qui ne cesse de nous stupéfier, – alors qu’au départ, ce n’était simplement que ceci :

« ‘Ukrisis’ étant la contraction bien compréhensible des termes “Ukraine” et le ‘krisis’ grec (crise, jugement), le ‘k’ des deux mots correspondant parfaitement. »

Cette introduction grandiloquente pour saluer la première “attaque” russe, – non, pardon ukrainienne, – sur le territoire polonais, à partir d’une provocation maléfique, – non, pardon, russe, – contre le territoire ukrainien et ses réseaux dispensateurs de l’énergie électrique à laquelle notre monde au bord de l’asphyxie s’accroche désespérément. Donc, hier en fin d’après-midi, en soirée, la Russie a lancé une attaque d’engins guidés offensifs contre des stations du réseau électrique et divers autres objectifs, il s’agissait dit-on de missiles très puissants et de nouveaux types (notamment, selon Martyanov, des missiles de croisière ultra-moderne à technologies furtives supersoniques dérivés du X-101, avec une portée de 4 500 kilomètres). Cette attaque avait certainement une composante de communication, pour riposter aux interprétations faisant de l’évacuation de Kherson une défaite russe annonciatrice du pire et notamment l’inévitable effondrement de l’armée russe qui se répète avec une exemplaire régularité, je veux dire selon les thèses respectables et fleurissant sur les plateaux-TV parisiens. (La France est exemplaire dans cet exercice et dans ses très belles périodes, elle a si souvent retrouvé cette tendance avec une dextérité exemplaire pour faire de la conformité aux autorités supérieures l’acte lumineux d’une libre pensée.)

C’est dans ce cadre que fut annoncé hier soir qu’un missile russe avait atteint la Pologne. Ce fut en effet (le caractère russe de la chose) ce qu’annoncèrent divers fils et réseaux, puis l’un ou l’autre personnage officiel, – essentiellement des trois pays baltes et bien entendu d’Ukraine. Ainsi entendit-on Zelinski...

Car il faut bien savoir qu’écouter et entendre Zelenski est toujours instructif. D’un côté, il annonce que l’enfer des missiles russes s’abat sur l’Ukraine, de l’autre que la défense aérienne ukrainienne a fait un travail magnifique et abattu quasiment tous les missiles qui ont frappé l’Ukraine. Donc, je résume : les missiles russes ont détruit beaucoup, beaucoup de choses, mais ils ont été abattus avant qu’ils ne fassent leur sale besogne de détruire quoi que ce soit de sérieux, y compris “beaucoup, beaucoup de choses”. Ainsi raisonne-t-on dans nos étranges époques, comme des tambours de guerre... Et Maria Zakharova se moqua donc bien joyeusement de lui.

« Zelenski est assis dans un bunker et ne peut pas comprendre pourquoi sa version sur un 'missile russe en Pologne' a été rejetée même par les pires russophobes”, a écrit Maria Zakharova, porte-parole du ministère russe des affaires étrangères, sur les médias sociaux mercredi. Le président, a-t-elle ajouté, devrait se rendre compte que son travail consiste “à faire le sale boulot et non à dire à ses patrons ce qu'ils doivent faire.”

« Cette remarque est intervenue après l'incident survenu mardi soir dans le village de Przewodow, à la frontière polonaise avec l'Ukraine, au cours duquel deux habitants ont été tués. Zelenski s’est empressé de déclarer qu'il s'agissait d'une “frappe de missile russe sur la sécurité collective [de l'OTAN]” et a exhorté les pays occidentaux à “prendre des mesures”. »

Les officiels polonais restèrent, eux, plus prudents, il faut le leur reconnaître ; sans doute parce que, après tout, ils étaient en première ligne... Puis furent publiées les premières photos des débris du missile et il apparut assez vite qu’il s’agissait d’un S-300 russe d’un ancien modèle, soit un missile de défense anti-aérienne qui était nécessairement ukrainien selon les situations historiques et opérationnelles respectives.

Cela fut rapidement affirmé par les Russes, et pratiquement reconnu par les Polonais (le président de la Pologne), et même par Erdogan sur la foi d’une analyse impérative de la situation, et peut-être bien par Biden lui-même jugeant bien « improbable » qu’il puisse s’agir d’un missile russe avant d’épouser complètement la position du Pentagone qui avait déployé une très remarquable prudence vis-à-vis de cette affaire. Stoltenberg en profita pour nous informer qu’il ne croyait pas que la Russie envisageât d’attaquer l’OTAN. Ce fut comme une ronde folle de déclarations pacifistes et pacifiées ; on semblait nous dire : “Poutine ? Qu’est-ce que vous lui reprochez, à Poutine ?!”

Ce flot de nouvelles rassurantes suivait un flot non moins tumultueux venus, comme on l’a vu plus haut, de myriades de sources improbables mais capables de créer un bruit de fond tonitruant, et annonçant une attaque russe contre la Pologne. On a pu donc mesurer à cette occasion le degré de tension qui existe autour de cet affrontement à la fois radical, existentiel, et par bien des côtés fort étrange tant la communication y joue un rôle d’une extraordinaire puissance capable de brouiller bien des cartes et de déranger bien des certitudes. On a pu également mesurer l’exacerbation des sentiments, dans les deux sens d’ailleurs, pour un incident qui, en d’autres temps, et dans d’autres circonstances, y compris guerrières, n’auraient soulevé qu’un peu de poussières pour qu’on aille jouer avec... (Combien de victimes “accidentelles” sont ainsi restées inconnues, suite à de ces circonstances accompagnant les incursions diverses dont nous autres, civilisations qui savons que nous sommes mortelles, sont coutumières depuis bien plus d’un tiers de siècle.)

Je n’en démords pas malgré l’aspect tragique de victimes de cette sorte d’incident, celui du S-300 bêtement perdu en Pologne nous montre les conditions à la fois dérisoire et cosmique de cette crise qui a également une extraordinaire dimension tragique. Mais nous devons nous attacher à ce côté bouffe, car c’est lui qui permet de vaincre, s’il y a une possibilité de vaincre (vertu de l’ironie).

Et d’ailleurs... Et au fait...

Pour ajouter la dérision extraordinaire au bouffe cosmique, tout cela se place alors que s’effondre le schéma mis en place pour rassembler “l’aide à l’Ukraine”, sous la forme de la société FTX, en faillite depuis ler 11 novembre. Le site ‘Grayzone (attention, les vigilants ‘Factcheckers’, territoire poutiniste) définit et compare l’effondrement de FTX...

« Un village Potemkine sans actifs sous-jacents [...] La mort soudaine de FTX a été comparée à la désintégration de Lehman Brothers en 2008 qui a précipité la crise financière... »

... Et alors, Larry Johnson nous donne une autre interprétation de l’extrême prudentissime réaction des États-Unis, Joe Biden en tête, pour commenter la chute en Pologne d’un “missile” venu des cieux ukrainiens et surtout ne pas se précipiter sur une conclusion qui aggraverait la crise. Tout, absolument tout dans ce cas, se trouve dans FTX...

« Les États-Unis, en revanche, font preuve d'une grande prudence. Cette hésitation s'explique en partie par l'effondrement financier de FTX, qui révèle des preuves que les démocrates, certains républicains, les Ukrainiens et FTX ont organisé un système élaboré de pots-de-vin financiers. Ce système consistait à promettre aux membres du Congrès qui envoyaient de l'argent en Ukraine une contribution importante de la part d'un bienfaiteur démocrate. Dans ce cas, le propriétaire de FTX. Une fois les dollars américains crédités sur le compte de l'Ukraine, le président Zelenski et ses partenaires ont détourné une partie des fonds pour acheter de la crypto-monnaie à FTX. FTX, à son tour, a renvoyé une partie de ces fonds aux membres du Congrès et au Comité national démocrate qui ont coopéré. Ce schéma est en train de s'effilocher. Les idiots ont cru à tort que la crypto-monnaie était intraçable. C'est faux. Grâce à la Blockchain, éminemment traçable. »

Je n’y comprends rien, vous savez, la finance, ses rouages et ses ramages me sont si étrangers ; je comprends simplement que le fric US destiné à sauver la liberté de l’héroïque Ukraine passe par des filtres parsemant les eaux poissonneuses des Caraïbes, qui permettent, comme ça, en passant, d’alimenter les campagnes des partis démocrates, sans doute un peu des Biden, les comptes de certains Ukrainiens promis à rester pour l’histoire des oligarques tenant les première ligne de la bataille de la liberté et les divers intermédiaires communicants et communicatifs... Je crois que les comptables chargés de cette importante affaire sont à la recherche de plusieurs centaines de $millions, ou bien est-ce quelques $milliards disparus, je ne sais...

Je leur dirais, moi : allez donc voir du côté des restes du S-300 ukraino-non-russe. Après tout, peut-être bien qu’à la place d’une tête explosive, il avait des liasse de billets bien rangés qu’on espérait faire passer sans trop attirer l’attention... Des roubles je crois, bref une monnaie forte, destinés au montage d’un FTX-2.0 pour remplacer le premier du nom en si mauvais état.