USA, puis DoD, le crash après le crash

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Parmi les plus pessimistes à propos d’une réforme du Pentagone, on trouve sans surprise excessive William S. Lind, le théoricien de la G4G qui est aussi un réformiste radical, très critique de la bureaucratie du Pentagone et de la direction politique washingtonienne. Lind examine les chances d’une éventuelle “réforme” du Pentagone par l’administration Obama et l’expédie prestement dans un article pour UPI (Spacewar.com), publié en deux parties, les 12 mars et 13 mars.

«U.S. President Barack Obama recently announced a bold new initiative to save up to $40 billion per year by reforming defense procurement. Like the Pentagon, I greeted his proclamation with a yawn.

» If there is one game the Pentagon knows how to play, it is “reforming defense procurement.” It has gone through the drill more times than it or I can remember. The script is always the same. A “reform” program is announced with great fanfare. Experts are convened – all from or on their way to the defense industry – commissions and panels meet, reports are issued and recommendations are offered. Then it all peters out, and nothing changes. The whole game is just another form of “rounding up the usual suspects.”»

Quelles sont les idées de Lind pour une réforme? Elles naviguent entre l’évidence, le bon sens et la dérision en apparence sans guère d’espoir. Pour Lind, il faut laisser toute espérance d’une réforme sophistiquée, calibrée sur la complexité inextricable et kafkaïesque du Pentagone, pour l’évidente raison qu’on se trouverait aussitôt aspirée, happée, mangée et digérée par le monstre (par Moby Dick). D’où quelques recettes qui feraient bondir un expert normal, assermenté, affichant son conformisme de jugement comme s’il s’agissait de l’audace même de la pensée.

«Based on marketplace prices for similar systems and components, we would determine what a given system should cost. Bids would not only be compared with each other but with the “should cost” figure. If all the bids were over the “should cost” figure, we would rebid or decide to do without the system. Prices would soon come down, especially if at the same time we made it easier for companies that now do no defense work to get into the business.

»Another simple procurement reform that would turn from state capitalism to the free market is buying off the shelf. When a service identifies a need, it would look around the world to see what is available to fill that need. Then we would build it here, under license if it were a foreign design.»

Mais tout cela, certes, n’a guère de chance d’être seulement considéré, si tant est que cela puisse jamais venir à l’esprit des bureaucrates du Pentagone. Lind est de toutes les façons d’un pessimisme inaltérable. Il considère que tous les gens de l’équipe Obama au Pentagone sont eux-mêmes issus du sérail, donc déjà corrompus psychologiquement par les procédures et les modes de pensée de la bureaucratie. Une seule personne échappe à son jugement radical et certainement fondé en bonne partie (Lind a énormément de connexion avec les milieux de la défense), le secrétaire à la défense Robert Gates, – «who seems to have some inclinations toward genuine reform...»

Alors, que faire? Prier pour le pire, nous indique Lind. C’est-à-dire un effondrement des structures financières nationales (US), entrainant une incapacité de fournir au Pentagone son budget. A ce moment, estime Lind, il s’agirait d’annoncer que l’on cherche à conserver toutes les unités de combat et que l’on liquide le reste, notamment et précisément les acquisitions.

«The one wild card that could change everything is the growing probability of national financial collapse. If that happens – or perhaps when it happens – defense procurement will be on the chopping block along with everything else. At that point, reformers' slogan should be, “Keep the combat units; cut everything else.”

»If the American people have a secretary of defense strong enough to do that – even though the bureaucracy will want to do the opposite – they will find that almost everything above the battalion level was waste, fraud and abuse of one sort or another.»

Ce que nous dit Lind, derrière un commentaire qui a l’air marqué d’un sarcasme sans beaucoup d’espoir, – ce qui serait le cas pour une situation normale, – c’est que la réforme du Pentagone ne peut passer que par une opération préliminaire de tabula rasa. Il faut tout casser des structures en place et reconstruire des processus complètement différents, dont la principale caractéristique serait qu’ils pourraient et devraient être conservés sous le contrôle du pouvoir politique. Notre première réaction doit être inévitablement: bien sûr, Lind n’a aucun espoir et il jette une proposition dont il sait bien qu’elle est une plaisanterie amère.

Ce n’est pas assuré à 100%. Il y a une conviction assez remarquable chez Lind que les USA vont effectivement vers un “effondrement financier”, que ce n’est plus une question de “si” mais une question de “quand”: «…the growing probability of national financial collapse. If that happens – or perhaps when it happens…». Il est manifeste par ailleurs que Lind exprime une opinion qui, pour radicale qu’elle soit, n’en reflète pas moins un sentiment général chez “les réformateurs du Pentagone”, qui sont de plus en plus influents, qui sont bien informés, qui ont des jugements réalistes. La nouveauté qu’il apporte dans sa réflexion, c’est l’idée de la nécessité d’un crash pour ouvrir la voie à une réforme, et l’opinion que ce crash est désormais possible, et qu’il se situerait aussi bien au niveau national (financier) qu’au niveau du Pentagone.


Mis en ligne le 16 mars 2009 à 08H45