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110027 juillet 2005 — La crise entre Israël et les USA s’est brusquement aggravée avec l’annonce de l’annulation d’un voyage du ministre de la défense israélien à Washington. C’est le journal Haaretz qui l’annonce aujourd'hui, avec des précisions particulièrement impressionnantes sur la position américaine.
« Defense Minister Shaul Mofaz, who was about to leave for Washington for talks on the matter, canceled the trip following the increased U.S. demands. The crisis erupted over Israel's sale to China of replacement parts for Harpy attack drones.
» The U.S. wants to see Knesset legislation enacted within 18 months tightening oversight of military exports, and is demanding a memorandum of understanding be signed. The U.S. also wants a written apology from Israel and Mofaz.
» Opposition in Israel is mounting against the signing of such a memorandum. In any case, the agreement is not intended to end the crisis, but rather to stop it from gathering steam, by allowing for the gradual lifting of sanctions.
» The sanctions were imposed as the result of a bill passed last month by the U.S. House of Representatives, which placed a five-year ban on the purchase of defense items from any country that sells arms to China. »
Les exigences américaines sont impressionnantes et confirment les prévisions, tant sur la “chasse aux sorcières” que sur le “maccarthysme transatlantique, dans ce cas pour les Européens (ils ne perdent rien pour attendre un tout petit peu) et dont les Israéliens sont les premiers à goûter les fruits amers.
La partie de phrase la plus intéressante de l’article de
C’est une partie impressionnante qui est engagée entre Israël et les USA, avec la partie américaniste totalement obsédée par cette question des transferts d’armements vers la Chine, sans le moindre souci pour la souveraineté d’autrui, fût-ce l'allié israélien.
Pour l’instant, sur cette question, nous proposons en commentaire un extrait de la rubrique de defensa du numéro 20, Volume 20, de la livraison du 10 juillet 2005 de notre Lettre d’Analyse de defensa. Nous y traitions brièvement du cas d’Israël placé face à la perspective de l’allié “dévorant” que sont devenus les USA, notamment dans cette affaire des transferts de technologies vers la Chine. Nous y faisions preuve de pessimisme quant aux circonstances à court terme (capitulation probable d’Israël) et de réalisme à plus long terme (la crise USA-Israël ne pourra que s’aggraver). Le long terme pourrait s’avérer beaucoup plus proche que nous n’avions prévu.
Sans doute le cas israélien est-il la meilleure illustration de l'incapacité où nous nous trouvons de distinguer les véritables dimensions, voire les véritables constituants d'un phénomène décrit comme dramatique [NDLR : le phénomène de la perte d’identité et de souveraineté]. La question est, en effet, pour Israël, de savoir quelle est la principale menace contre son existence. La réponse habituelle, unanime, impérative est le terrorisme. Mais tout le monde ne dit pas cela. Certains souvenirs restent, qui méritent d'être rappelés.
Durant la guerre d'octobre 1973, Kissinger joua avec les délais divers pour retarder l'ouverture d'un pont aérien d'armements vers Israël alors en grandes difficultés face aux Syriens (Kissinger exigeait certaines concessions politiques d'Israël pour ordonner la livraison d'armes). Certains Israéliens purent alors se demander d'où venait la véritable menace contre l'existence d'Israël. La main-mise du système américaniste (essentiellement le complexe militaro-industriel) sur Israël s'est accélérée avec l'élimination du projet d'avion de combat national Lavi sous la pression du Pentagone, en 1986. Moshe Arens estimait qu'il s'agissait d'un revers dramatique pour la souveraineté nationale israélienne. Le même Moshe Arens, alors qu'il était ministre de la défense dans le gouvernement Shamir, eut un entretien orageux avec Bush-père à propos du rôle des missiles sol-air Patriot que les Américains avaient déployés en Israël contre les Scud irakiens durant la guerre du Golfe. Bush-père sermonna violemment Arens parce que celui-ci avait déclaré que l'efficacité des Patriot avait été nulle (aucun Scud détruit par les Patriot, selon lui). Raytheon, fabriquant des Patriot et bailleur de fonds des Bush, avait réclamé un sévère rappel à l'ordre, voire la tête du ministre israélien de la défense pour ses déclarations.
On observe, dans cette perspective, que la “guerre contre la terreur” n'a guère modifié la tradition, — car il s'agit bien d'une tradition, — et, des pressions de Douglas Feith (du DoD) jusqu'à l'intervention de Rice pour que les Israéliens cessent leurs livraisons de systèmes de technologies avancées aux Chinois, les événements ne sont pas accidentels. Ces pressions ont abouti à la capitulation annoncée d'Israël, qui pourrait envisager de cesser ses relations avec la Chine. Il y aura des compensations, certes, mais le coup porté à la souveraineté nationale est de la sorte qui ne se répare pas avec des $milliards.
L'exemple israélien doit être apprécié comme édifiant. Une perspective très concevable, et que nous jugeons probable, est que la difficulté grandissante (“dévorante”, pourrait-on dire) des relations avec les USA va prendre le pas sur la question du terrorisme, jusqu'à devenir l'hypothèque centrale pesant sur la souveraineté de l'État juif. La question réelle à laquelle Israël va faire face n'est pas celle de son existence au sens habituel qui est envisagé, parce que cette existence-là est évidemment assurée par sa puissance, mais bien celle de sa souveraineté et de son identité, — qui est une autre forme d'existence, peut-être plus essentielle à terme. Avec un allié comme les USA, c'est une question tout simplement fondamentale.