Une pyramide est en cours d’écroulement

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Une pyramide est en cours d’écroulement

Trump s’était engagé à rapatrier des emplois industriels d’où sa pratique d’un protectionnisme agressif et à réduire sinon cesser l’interventionnisme militaire tout azimut des Usa. Bien sûr, il ne réussira ni l’un ni l’autre. L’opposition et l’hostilité qu’il continue de susciter, exaltées les profondeurs de l’Etat, la presse-système et la machinerie du renseignement et de l’armement, sont justement alimentées par ce programme électoral. L’entité née sur les décombres des empires anglais et français, devenue hégémonique depuis l’implosion du bloc soviétique, assure son hégémonie  grâce au dollar, un système d’échange et de réserve imprimable à volonté, que sécurise un appareil militaire en constante prolifération.  

Le projet d’un retour au fordisme et à l’ère industrielle du début du siècle dernier est irréalisable. Il ne serait rentable qu’en cas de réduction du Reste du Monde à un trou noir comme l’Irak mais le niveau de défense actuellement acquis par la Russie et la Chine l’interdisent. Le Toyotisme, production des pièces en flux tendus et sollicitation des ouvriers dans les processus d’amélioration de la qualité, a contribué à faire de Detroit  une ville-fantôme avant même que ne se soit affirmée la concurrence des émergents.

Les trois dettes et le nécessaire déficit commercial

Le Ponzi presque parfait.

L’entité gouvernée à Washington se débat depuis des décennies avec les effets de sa domination économique. 

En premier, le déficit commercial chronique et abyssal qui a connu une hausse importante de 12% en 2017 indique l’inefficacité au moins pour cette année des sanctions, la dépendance de la consommation en biens et services importés moins coûteux fait loi. Il est la traduction de la spécialisation du centre capitaliste mondial en dispensateur de services financiers, distribuer de la dette et faire porter le poids de la sienne par la périphérie qui se consacre à la production de ‘vrais biens’.

La dette fédérale, dépassant les US$ 21 000 est le deuxième terme qui configure l’économie étasunienne. Elle est condamnée à s’aggraver car les différents gouvernements ne cessent de la creuser par une baisse des revenus fiscaux, 1000 milliards de dollars en trois ans en raison de la dernière réforme fiscale de décembre 2017 et une augmentation du budget alloué à la défense. Voté par le Sénat, il est officiellement de 716,3 milliards pour 2019 avec un programme de modernisation de l’arsenal nucléaire et le développement d’armes nucléaires de petite puissance. L’AIEA, c’est juste pour l’Iran. La hausse présumée du PIB à 4%, fruit très temporaire de l’allègement des impôts, permet de la situer cette année à 105,4% du produit intérieur brut à peine moins que les 105,8% de 2017. 

75% de cette dette est disponible sous forme d’obligations du Trésor sur les marchés financiers. Dix ans après la catastrophe de 2008, les pouvoirs publics ont assaini la situation des institutions financières qui basaient leurs activités spéculatrices  sur des créances douteuses à forte rentabilité. La Fed, conglomérat de banques privées, s’est lancée dans une politique de rachat de la dette du Trésor et estime qu’il est temps de rémunérer confortablement les obligations qu’elle détient. Reprenons. Les créances toxiques ont été épongées par le Trésor. Le Trésor prête de l’argent et à des taux réels négatifs aux établissements financiers qui rachètent leurs propres dettes. Pour ce faire, le Trésor émet des obligations détenues par des entités privées et publiques étrangères mais de plus en plus acquises par la Fed. La boucle quasi-circulaire Fed-Trésor fonctionne grâce à l’injection par le Japon et la Chine d’une partie de leur surplus de dollars obtenus contre leurs exportations, à peu près 2 500 milliards sur 21 0000, mais cette part représente la garantie et le moteur de ce circuit. Le relèvement des taux directeurs de la Fed rend plus cher l’accès au crédit des entreprises et plus coûteux le remboursement des dettes contractées en dollars des pays émergents comme la Turquie. Il est très profitable pour les détenteurs de la dette, justement la Fed mais aussi la Chine. La Chine ne retirera que ce qu’il faut pour tendre un peu plus les taux, traduction d’un plus grand risque et meilleure profitabilité mais ne retirera massivement ses avoirs que si elle estime qu’il lui faut engager une  guerre totale où elle perdra ses obligations, ruinera les Usa et la part du commerce international encore dépendant du dollar. 

Le gigantisme de la dette publique fédérale la fait considérer comme risquée par les investisseurs les plus audacieux et inévitablement, il faut qu’elle soit davantage rémunérée. Son coût va devenir de plus en plus lourd pour le budget de l’Etat,  menaçant sévèrement sa solvabilité. C’est ce que prévoit avec lucidité le Congressionnal Office of Budget  dans son rapport de mars 2017, nous ne sommes plus dans une évaluation critique externe de la part du FMI, il s’agit de l’avis d’un organisme de l’administration étasunienne. L’actuel taux de base relevé deux fois en 2018 par l’actuel pilote de Fed, à 1,75 puis 2%, est encore en dessous du niveau de l’inflation, sous-estimé à 2%. Ainsi, ce que Wall Street nomme resserrement du crédit est encore de l’argent distribué gratuitement. Une telle manne, vrai miracle de multiplication des petits pains, a permis un marché boursier haussier sur la plus longue période de l’histoire. Pour cette seule année, les 120 premières entreprises capitalisées en bourse ont distribué pour 500 milliards de dividendes selon les Echos de 21 août. 

L’argent gratuit ‘emprunté’ sert à cela, racheter les actions, maintenir leur cours artificiellement haut, de plus en plus haut et s’auto-distribuer des coupons. Perfection rarement atteinte d’une pyramide de Ponzi défendue par les GI. 

La dette privée, celle des ménages et entreprises non financières, permet le maintien de la consommation, les salaires sont depuis longtemps insuffisants, et une part des revenus des banques privées. Elle flirte avec le niveau de 13 000 milliards de dollars et représente selon Preqin, une société de conseil en placements de fonds privés, les deux-tiers des deals dans le monde au troisième trimestre en 2017. L’Europe pour sa part en consomme 29% ne laissant au reste du monde soit près de 6,5 milliards d’individus que 4% validant le vieil adage, l’argent va à l’argent ce qui ne peut qu’accentuer les inégalités devant les ressources. Ce « soutien » à la consommation, 70% du PIB des Usa, a modifié depuis les facilités de crédit la composition sociale dans le monde occidental, tout salarié (le prolétaire dans le vocabulaire maintenant honni du 19ème siècle) est devenu esclave quasiment à vie, enchaîné à sa (ses) dette(s). 

La courbe du crédit à la consommation, carte de crédit, crédit automobile et prêts étudiants, est abrupte, elle accuse une pente de 48% depuis 2008. L’analyse montre par ailleurs que l’accroissement du crédit est plus rapide que la croissance du PIB et de l’inflation, démontrant que c’est la bulle de l’endettement à la consommation qui soutient le PIB et non l’inverse. Il commence à être recensé pour les petites banques un défaut de paiement à 30 jours en nette augmentation sur les cartes de crédit, elles sont maintenant dites subprime.  Pendant que les prêts étudiants ont bondi de 78% en dix ans, l’embauche des diplômés du supérieur connaît une véritable dépression.

Une nouveauté à noter dans le domaine du rating des consommateurs. Facebook vend des informations de solvabilité et d’habitudes de consommation de ses abonnés aux banques, agences de crédit, mutuelles et employeurs. 

La partie de la dette publique fédérale étasunienne détenue sous forme d’obligations par les organismes sociaux, échangées contre leurs liquidités excédentaires, s’élève à plus de 5000 milliards de dollars. Bientôt les cotisants seront moins nombreux que les bénéficiaires  en raison des politiques d’austérité  et se posera le problème du paiement des pensions aux retraités. Tout le monde s’accorde sur l’ampleur du problème posé par le sous-financement du régime des retraites des fonctionnaires américains. La solution de renégocier à la baisse les pensions en cours de versement a été rendue possible dès 2014 sur le plan législatif ‘ à condition que ces mesures améliorent la solvabilité des fonds de pension’. La réduction de 60% des retraites des fonctionnaires de la petite ville de Loyalton a été mise en œuvre en 2017 par l’organisme chargé de gérer les retraites des fonctionnaires en Californie. La généralisation de cette escroquerie si elle est étendue à tous les retraités publics présente des risques de soulèvements sociaux. Cependant, cette catégorie sociale  à laquelle a été demandée une première solidarité générationnelle pour payer les retraites de ses aînés et maintenant réquisitionnée pour aider ses enfants et petits enfants est plutôt démunie de moyens de protestation. 

Les fondés de pouvoir de Wolf Street

La précarité d’un tel montage ne peut échapper à ses architectes et bénéficiaires. La Banque mondiale et le FMI, émanations des Usa, critiquent ouvertement désormais la politique économique erratique de l’éléphant américain et s’inquiètent (enfin) de la très grosse décorrélation entre les marchés boursiers euphoriques à l’excès et les fondamentaux de l’économie.

L’une des tâches dévolues aux hommes de paille de Wall Street habilités et habillés en politiciens, fondés de pouvoir de la haute finance, synonyme de brigandage de haut vol, est d’obscurcir cette évidence et cela donne cette cacophonie ubuesque où les services de renseignement et de surveillance les mieux équipés, les plus tentaculaires et les plus élaborés de la planète sont incapables d’apporter la preuve de l’implication de la Russie dans les élections présidentielles américaines de novembre 2016. Il importe de créer du bruit et de frapper tant qu’il est encore temps tout ce qui peut l’être de sanctions, c’est-à-dire, interdire aux économies qui doivent rester subalternes et subordonnées l’accès aux circuits financiers qui irriguent le monde capitaliste façonné depuis 1945 et parfait depuis la dislocation soviétique.

La folie qui agite Washington n’est pas ordinaire, elle témoigne d’une panique devant le gouffre qui se profile au pied de Wall Street. Les manoeuvres de gangster, gel des avoirs russes et iraniens, ne sauveront pas le dollar qui perd pour l’instant progressivement son statut de réserve et de monnaie d’échange (un événement décidé par la Chine ou un vent contraire soufflant dans les fonds d’investissement  peut déclencher une  rupture brutale dans ce régime de lent déclin).

Le monde communiste que l’on croyait mort avec la Fin de l’Histoire ressurgit de façon inopinée. 

La domination politique du Parti Communiste Chinois sur un pays de plus d’un milliard et demi, aujourd’hui tous sortis de la misère biologique, au bout de quelques décennies de compromis avec le capitalisme, a permis un formidable développement des forces productives. Jusqu’à présent, tous les secteurs stratégiques sont sous contrôle de l’Etat, y compris la monnaie et le secteur financier. Les plans quinquennaux se succèdent et l’économie globale de la Chine est devenue la plus imposante depuis quelques années.

Son armée, forte du plus gros contingent en fantassins, est en passe d’être réorganisée. Elle dispose du second budget les  plus important pour sa défense,  de la troisième force aérienne et de plus de 300 navires de combat et 60 sous-marins, dont des unités totalement autonomes et robotisées. Elle conduit vingt fois plus de tests de son armement que les Usa. 

La main d’œuvre la plus qualifiée au monde est russe, elle doit sa très haute compétence à l’université soviétique. Elle a été capable de mettre au point l’impensable missile supersonique qui défie forces de frottement et résistance thermique des matériaux. 

L’alliance militaire conclue entre la République populaire de Chine et la Fédération de Russie le premier juillet 2016 a rendue ce couple invincible face à l’OTAN. Les Chicago Boys se gaussaient d’une Russie réduite à une station service, les Usa aujourd’hui essaient de concurrencer les pays de l’OPEP avec leurs hydrocarbures schisteux de moindre qualité dont l’extraction est ruineuse en dollar et en environnement.

Affolement

Les fondés de pouvoir s’agitent et s’inquiètent à juste titre.

En 2006, 26 Etats entretenaient des relations diplomatiques avec Taiwan, depuis le ralliement du San Salvador en août 2018, ils ne sont plus que 17. En Europe, il ne reste que le Vatican après la défection de la Macédoine et en Amérique du Nord, les Usa. L’île de 26 millions d’habitants, disparue ‘diplomatiquement’ va devoir se préparer psychologiquement à sa réunion avec le continent. Le lâchage de Taipei par l’Amérique centrale – longtemps à son service comme bastion de l’anticommunisme aux franges des Etats-Unis - est vécu comme une trahison et un échec cuisant par les Usa. La Chine la défie à sa porte avec son chéquier, ses projets d’infrastructures et l’augmentation des échanges commerciaux. Elle se projette bien plus loin que sa périphérie asiatique qui lui est bien acquise. L’allié traditionnel pakistanais, même en cas d’assassinat de son actuel chef de l’exécutif, échappe désormais à la sphère d’influence étasunienne.

Par petites touches, sans grand bruit de sa part, la Chine, en édifiant un réseau dense de relations économiques constructives, défait le réseau des pays autrefois étroitement subjugués par la Nation élue. La base de l’Otan à Incirlik en Turquie qui ne comptait déjà plus que 4500 Américains sur son site dont 1500 soldats en 2009 n’est plus réellement fonctionnelle depuis le coup d’Etat raté de juillet 2016. Les tarifs douaniers récemment appliqués à la Turquie sont de véritables sanctions économiques et un acte de guerre. Le ‘Council on Foreign Relations’ publie déjà la liste des solutions de remplacement à la base de l’OTAN en Jordanie et au Koweit. La rupture de ce maillon de l’OTAN brise le cercle dressé autour de la Russie depuis les pays baltes jusqu’à l’Ukraine, d’autant qu’elle a su régler avec patience l’épineux partage des ressources de la mer caspienne entre les pays riverains, en sa défaveur et celle de l’Iran, elle en a fait des pays alliés militairement. La descente vertigineuse de la lire turque contraint Ankara à abaisser ses prétentions dans la solution qu’elle élabore avec l’Iran et la Russie pour l’après-guerre en Syrie tandis que Chine et Qatar renflouent les caisses de l’Etat. 

La défection vis-à-vis du parrain étasunien se fait sentir jusqu’en Europe, l’Allemagne fait savoir que la présence de l’armée Us en Syrie est illégitime. Elle se cabre depuis quelques mois contre les nouvelles mesures douanières à l’encontre de ses exportations aux Usa, son principal partenaire commercial après les pays de l’Union européenne. Une industrie allemande puissante, efficace avec des coûts salariaux maîtrisés grâce successivement à des syndicats ouvriers dévoyés, l’incorporation de l’Allemagne de l’Est, l’arrivage de travailleurs de l’Est et de l’immigration turque et récemment syrienne, a besoin de son ‘espace vital’, d’un marché ouvert vers l’Ouest comme vers l’Est. Or Trump prétend entraver son débouché naturel vers la fédération de Russie et vers l’Iran et la contraindre dans le choix de ses importations énergétiques. La rencontre récente avec Poutine de Merkel, fragilisée un moment par sa position pro-immigration, elle n’est plus contestée au sein de l’alliance gouvernementale, a été consacrée au tracé du nouveau gazoduc Nord Stream 2 et au cubage qu’il délivrera. Mais s’il fut question aussi du règlement du problème syrien et ukrainien, l’évitement des transactions empruntant les circuits financiers américains a été évoqué. Il faut une alternative au paiement électronique au système Swift. La Deutsche Bank est plus exposée que BNP Paribas aux sanctions étasuniennes ce qui impose une certaine prudence dans le changement de cap  et le retrait de la Pax americana rendus nécessaires maintenant par les tweets trumpistes que même la fameuse Chambre du Commerce américaine, forte de ses trois millions de membres, tente de modérer en vain.

Scorbut et économie pénitentiaire

L’establishment n’a pas toléré qu’un outsider, sorti tout droit d’une émission de téléréalité ait conquis la Maison Blanche alors qu’il s’attendait à y couronner la Reine du Chaos, celle qui allait attaquer de suite la Russie ou au moins ouvrir un autre front chaud qui écoulerait la surproduction de Raytheon et Lockheed Martin. 40% de l’économie américaine est liée à la production de l’armement et sa consommation. Pris de court, le parti Démocrate a tenté de  noyer par un bruit de fonds de russophobie toutes les charges contre Hillary Clinton, coupable d’avoir utilisé un serveur privé pour sa correspondance ultraconfidentielle alors qu’elle était Secrétaire d’Etat ainsi que son assistante qui faisait transiter ses courriels et ses dossiers par l’ordinateur de son mari compromis dans un scandale sexuel avec une mineure. La révélation par Wikileaks de la manipulation du Comité national démocrate pour évincer Bernie Sanders n’a pas été démentie mais toute l’attention a été détournée pendant des mois sur l’auteur de la fuite dont on sait depuis longtemps qu’elle ne résultait pas d’une intrusion externe mais bien d’un ‘job insider’ . 

Près de deux ans plus tard, les Démocrates vont peut-être renoncer à poursuivre leur leitmotiv ‘c’est la faute à Poutine’, maigre programme électoral. Un sondage Gallup montre que l’éventuelle collusion Trump-Poutine ne figure pas parmi les huit premières préoccupations des électeurs américains. Preuve si besoin de la totale déconnexion entre les stratèges politiciens des deux bords et les soucis qui mobilisent le peuple- les 99% dont le bon cinquième vit grâce à des bons d’alimentation insuffisants pour des repas équilibrés. Des cas de scorbut, maladie que l’on croyait appartenir irréversiblement au passé, le manque de vitamine C par défaut de fruits et légumes frais, fait sa réapparition parmi les ‘déplorables’.

Une enquête d’opinion récemment  menée par Harvard-Harris indique qu’une majorité d’électeurs estime que l’investigation des liens supposés de Trump avec la Russie est préjudiciable au pays (59% versus 41%). 

Une majorité de jeunes entre 15 et 30 ans préférerait vivre dans un régime socialiste, qui assurerait une société plus égalitaire, où l’accès aux études et à la santé est universel et où le travail et le logement sont un droit.  Ces sentiments anticapitalistes avaient favorisé Sanders lors de la course à l’investiture des Démocrates mais  il en a été écarté par les amis de Clinton. Actuellement, ils ont permis à Alexandria Ocasio-Cortez qui se dit démocrate socialiste de remporter la 14ème circonscription de New York entre le Bronx et le Queens ce mois de juin 2018 contre un cacique démocrate. On redécouvre la toxicité sociale du capitalisme dérégulé -comme à ses origines- car non étayé par la concurrence du bloc communiste et non limité par des organisations syndicales vigoureuses. La proposition de la sénatrice Elizabeth Warren de nationaliser toute entreprise de plus d’un milliard de dollars de chiffres d’affaire procède de la compréhension un peu confuse qu’au delà d’une certaine taille ou surface financière, tout dysfonctionnement aura un effet systémique. Nous sommes loin de la collectivisation de tous les moyens de production, moyen pour le communisme d’exclure l’exploitation et une gestion par une minorité pour son seul profit d’un processus qui met en jeu des ressources collectives, capital emprunté comme travail créateur de plus-value. Mais l’hypothèse communiste resurgit au sein même de l’organisation qui l’a le plus combattue.

Depuis le 21 août, date qui correspond au 47ème anniversaire de l’assassinat du révolutionnaire du Black Panther Party  George Jackson a débuté un mouvement de grève auquel participent des prisonniers de 17 Etats. Sit-ins, grèves de la faim, boycott des dépenses et arrêt de travail en composent le menu. Les organisateurs prévoient sa fin au 9 septembre en commémoration de la révolte de la prison d’Attica en 1971.

Ce mois d’avril, il y a eu 7 morts et une douzaine de blessés dans un centre pénitencier de Caroline du Sud lors d’une émeute provoquée par une administration très coercitive qui a placé dans le même dortoir des bandes rivales. Les grévistes demandent une amélioration immédiate de leurs conditions de détention, le droit de vote pour tous les prisonniers et anciens prisonniers et l’amélioration de leur salaire. Récemment, 2000 détenus ont été recrutés pour lutter contre les incendies qui ont ravagé la Californie et n’ont été payés qu’un dollar par jour. Ces conditions de travail ne sont pas éloignées de celles qui étaient de rigueur dans les workhouses au 18ème et 19ème siècle en Angleterre. Les vagabonds, c’est-à-dire les paysans sans terre interdits de la ressource de vivre sur les terres communes, étaient enfermés dans des maisons où ils subissaient avec leurs enfants une condition d’esclaves, travaillant gratuitement, à peine nourris, et pouvant être déportés comme soldats ou marins. L’abolition de l’esclavage s’arrête aux portes des prisons privées étasuniennes qui gèrent le quart de la population carcérale dans le monde. L’entreprise est rentable et l’on se souvient de ces juges pour enfants de Pennsylvanie condamnés en 2009 pour avoir abondamment fourni des adolescents innocents à des entreprises carcérales contre rétribution à l’unité. C’est ce modèle qui inspire la privatisation des prisons britanniques et françaises. Ceux qu’indigne la perte de l’exclusivité de la violence étatique suggérée dans l’affaire Ben Ahlala ! devraient s’interroger sur le pouvoir d’une multinationale israélienne G4S qui gère outre des centres pénitenciers la sécurité de sites touristiques, de ports et d’aéroports.

La longue occupation américaine de l’Afghanistan, dix sept ans bientôt, semble avoir une issue. La rencontre des Talibans avec des responsables ouzbeks préfigure une paix possible avec le régime imposé des Usa, elle correspond à l’aboutissement d’efforts de médiation russe. Il en a été question à Helsinki. Le tombeau des empires afghan mérite vraiment sa réputation. Mais voilà  qu’Erik Prince, l’ancien patron de Blackwater, sort d’un long effacement où il faisait oublier son incompétence et ses fraudes. Il propose à Trump de poursuivre la guerre contre les Afghans à moindre coût en la privatisant, dix petits milliards contre les 45 actuellement dépensés.  L’arbitrage entre les intérêts des généraux du Pentagone et d’Erik Prince, frère de la ministre de l’Education, n’a pas encore tranché. Le choix entre resserrer les budgets et ne pas liguer plus qu’il ne l’est le Pentagone avec le large dispositif des renseignements contre lui semble délicat pour l’Homme orangé à la mèche blonde soucieux pour l’heure des élections de mi-mandat.

En attendant que s’effondre la pyramide de Ponzi des trois dettes ou que n’éclate un affrontement direct entre les Usa et la Russie et la Chine, toujours soigneusement évité par ses vainqueurs probables,  personne dans le pays de la Nation à l’exceptionnelle destinée ne veut renoncer à réaliser des petits profits inscrits dans le registre de la destruction.

La dernière grande envolée étasunienne censée fixer sa domination définitive sur le monde date de 2003, l’expédition contre l’Irak qu’aucune stratégie sérieuse ne justifiait sinon le plan des néoconservateurs sionistes qui voulaient faire du monde arabe et musulman le nouvel Ennemi. Des millions de morts, plusieurs pays détruits et des milliers de milliards de dollars plus loin, les Usa ont à mesurer maintenant leur déclin contre des puissances armées de taille à les faire disparaître en tant qu’entité politique, eux et leurs rejetons et dépendances au Moyen-Orient. 

Badia Benjelloun

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