Une guerre honnête

Les Carnets de Dimitri Orlov

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Une guerre honnête

Je trouve pratique de commencer mes articles par une citation de Donald Trump, non pas parce que ce qu’il dit est vrai, mais parce qu’il est presque le parfait contrepoint de la vérité. Par exemple, lors d’un récent rassemblement, Trump a déclaré à propos de l’opération militaire spéciale de la Russie dans l’ancienne Ukraine : « Vladimir Poutine aurait dû gagner cette guerre en une semaine. Il entame maintenant sa quatrième année.»

Une question évidente se pose : pourquoi une semaine entière ? Pourquoi Poutine n’a-t-il pas simplement largué des bombes nucléaires sur Kiev, Kharkov et Odessa ? Cela aurait mis fin à « cette guerre » en une fraction de seconde ! Pour comprendre pourquoi cela serait impossible, il faut comprendre la différence entre une guerre et un crime de guerre et, par conséquent, entre un guerrier et un criminel de guerre. De telles distinctions semblent inexistantes pour un grand nombre de personnes dans un Occident qui n’est plus aussi collectif, et pas seulement pour Trump. En conséquence, ces personnes ne comprennent pas ce qui s’est passé dans l’ancienne Ukraine et sont d’ailleurs incapables de le comprendre, car elles ne disposent pas de certains concepts élémentaires pour y parvenir.

J’interromps donc mon blog habituel pour vous livrer cette homélie indispensable sur ce que signifie mener une guerre honnête.

Dans la plupart des contes populaires russes, avec lesquels tous les enfants russes ont grandi, lorsqu’un « bogatyr » (héros populaire russe, du turc ancien « baɣatur » — guerrier courageux) rencontre l’ennemi, il dit invariablement quelque chose comme « toi, dragon, bandit, envahisseur… [insérez votre propre épithète]… viens me combattre dans une bataille honnête jusqu’à la mort ».

Pourquoi faut-il que ce soit « un combat loyal » ? Pourquoi notre bogatyr ne se faufilerait-il pas derrière l’ennemi pendant son sommeil pour lui couper la tête ? Pourquoi ne l’inviterait-il pas à un festin pour lui enfoncer une fourchette dans l’œil ? Mieux encore, pourquoi ne pas empoisonner le puits du village natal de l’ennemi, afin que tout son clan meure dans d’atroces souffrances ?

La réponse est la suivante : notre bogatyr a l’intention de devenir ami avec son ennemi. Il a l’intention de vivre en paix aux côtés de son ancien ennemi et de le défendre contre les envahisseurs étrangers (et de faire en sorte que cet ancien ennemi s’allie à lui). Il pourrait même avoir l’intention de se marier avec son ancien ennemi et de se mélanger culturellement et linguistiquement (le mot « bogatyr »/baɣatur fait écho à l’Empire mongol, qui était le plus grand empire terrestre de l’histoire et que la Russie a absorbé au fil du temps).

Le concept de « bataille honnête » est un élément important de la sagesse du peuple russe qui lui a permis de former un empire gigantesque. Une victoire doit être remportée de manière à permettre aux deux parties de vivre ensuite en paix, dans le respect mutuel et sans récrimination ni sentiment de vengeance. Autrement dit, votre adversaire doit comprendre que votre victoire n’a pas été obtenue par la tromperie, la ruse, la méchanceté, la fourberie, la vilenie ou la force excessive, mais grâce à votre habileté, votre force et votre courage. Il n’y a pas de honte à être vaincu dans une bataille honnête : l’honneur est préservé par les deux camps, qui peuvent alors se réunir, se serrer la main, louer honnêtement le courage de l’autre et faire le serment solennel de rester amis pour toujours.

En revanche, si la victoire est obtenue de manière malhonnête, il devient très difficile de vivre ensuite en paix. L’ennemi vaincu peut attendre plusieurs siècles avant de trouver le moment opportun pour prendre sa revanche, mais ce moment finira par arriver. Comme la victoire a été obtenue de manière déloyale, toute technique, aussi odieuse soit-elle, est autorisée en réponse. Toute victoire déloyale met vos propres civils en danger, mais le pire scénario est une guerre accompagnée d’un génocide : si vous traitez les femmes et les enfants comme des cibles légitimes, vos propres femmes et enfants deviendront inévitablement des cibles légitimes en réponse.

À l’heure actuelle, l’armée russe détruit les infrastructures énergétiques dans toute l’ancienne Ukraine. Est-ce toujours « une bataille honnête » ? Oui, car la partie russe a demandé à plusieurs reprises que les infrastructures civiles soient épargnées des deux côtés, mais n’a reçu aucune compréhension de la part de l’autre partie, qui continue à bombarder les écoles, les cliniques, les marchés et les zones résidentielles. Le règlement russe dit en substance : « Si votre ennemi ne comprend pas le concept de bataille honnête, alors il est acceptable de le frapper aussi fort que nécessaire. »

Un excellent exemple de guerre honnête est la mini-guerre menée par la Russie contre la Géorgie en août 2008. Le président criminel géorgien Mikheil Saakashvili a ordonné aux troupes géorgiennes d’attaquer les forces de maintien de la paix russes stationnées en Ossétie du Sud. En réponse, l’armée russe a écrasé l’armée géorgienne et confisqué ses armes, mais n’a envahi aucune ville. Résultat : la Russie regorge de restaurants géorgiens, les vins géorgiens, tels que le Khvanchkara et le Kindzmarauli, sont disponibles dans la plupart des magasins d’alcool à travers la Russie, la Géorgie est pleine de touristes russes (qui n’ont pas besoin de visa)… et le criminel de guerre Saakashvili… croupit en prison en Géorgie !

Tout cela est une mauvaise nouvelle pour des nations telles que les États-Unis et la Grande-Bretagne, qui n’ont pas compris le concept de « guerre honnête » et dont l’histoire est un long recueil de crimes de guerre — dont elles ne se soucient guère ou dont elles sont même fières. Les Juifs d’Israël sont de loin les pires exemples actuels de cet échec : après ce qui a été fait à Gaza, quelqu’un peut-il imaginer un seul instant que les Juifs et les Palestiniens pourront un jour vivre en paix côte à côte ? Les Palestiniens, qui sont presque deux fois plus nombreux que les Israéliens dans la région, ont désormais 60 000 morts injustifiées à venger ! Cette perspective n’augure rien de bon pour l’avenir d’Israël.

Comme beaucoup l’ont déjà compris, les décennies à venir seront marquées par de nombreux conflits armés. L’ONU, créée pour maintenir la paix, est pratiquement morte, ses résolutions ne valant pas le papier sur lequel elles sont imprimées. Parmi les trois nations qui ont joué un rôle déterminant dans sa création, la Grande-Bretagne est moribonde, les États-Unis sont dirigés par un bouffon inexplicable qui se prend pour un don de Dieu au monde, et la Russie fait de son mieux pour repousser les provocations de l’OTAN et limiter les conflits armés dans sa propre région. Il y aura des guerres, mais s’il s’agit de guerres honnêtes, il y aura encore une chance pour une paix durable une fois qu’elles auront pris fin.

[Remerciements : exsoko]


Le 15 octobre 2025, Club Orlov – Traduction du ‘Sakerfrancophone