Une bataille fondamentale

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Le départ de Lawrence Summers de la direction de l’université de Harvard est un tournant dans la bataille en cours entre l’establishment washingtonien, complètement acquis aux conceptions et aux méthodes brutales et social-darwinistes installées par l’administration GW et le soutien du corporate power, et le point central de résistance que constitue le monde académique. Le texte de WSWS.org situe assez bien l’importance de la bataille.

Les soutiens de Summers ont, comme à l’accoutumé dans la propagande outrancière de l’hyper-libéralisme prédateur, mis en avant l’argument du réformisme, le modernisme (que l’hyper-libéralisme représenterait) contre l’archaïsme. C’est une interprétation cousue de fil blanc. Le texte du Weekly Standard (néo-conservateur) sur l’affaire, qui fait appel à un collaborateur extérieur (Dean Barnett qui édite le site soxblog.com, et dont la principale vertu en l’occurrence est d’avoir été gradué de Harvard en 1989), est plutôt du genre “soyez raisonnable, modernisez-vous” (appel aux “mandarins” de Harvard qui ont eu la tête de Summers), — avec cette conclusion : « Summers's resignation is a sign that, at least at Harvard, the professoriate will brook no dissent on their view of the university system. »

Hors des commentaires orientés ou corporatistes, on tiendra cette affaire pour révélatrice d’abord de la tension interne dans le parti démocrate. C’est une étape importante vers le paroxysme de l’affrontement, entre establishment et “dissident” du système social-darwiniste US actuel, et, à l’intérieur des démocrates, entre les soutiens à la politique washingtonienne et leurs adversaires, tenants de la tradition du parti. Cette opposition se traduit également, de façon plus concrète et plus immédiate, entre partisans et opposants de la guerre en Irak.

L’aspect très particulier de l’affrontement, qui n’a guère de précédent dans l’histoire politique des États-Unis, c’est la rupture très inhabituelle, très paradoxale, entre l’establishment et l’élite du corps politique général qu’est le monde universitaire, — alors que la fonction de la seconde a toujours été de donner au premier son fondement intellectuel et moral, sa puissance conceptuelle, voire sa légitimité au travers du prestige de cette élite. Pour la première fois dans l’histoire américaine, l’élite conformiste (le monde universitaire) risque de se retrouver aux côtés de l’élite “dissidente” américaine (le monde littéraire notamment, voire certaines franges du monde cinématographique). Même dans les années 1960, période de grands remous, l’élite universitaire anti-guerre n’était pas coupée de l’establishment puisqu’une partie du monde politique washingtonien était également anti-guerre.

Dans tous les cas, l’affaire Summers (qui fut ministre du trésor et proche de Clinton), en plus des prises de position très bellicistes de Hillary Clinton, permet de mettre un point définitif à l’évaluation de l’administration Clinton. Elle ne fut rien d’autre qu’une préparation, une “montée en puissance” vers le régime actuel, belliciste et prédateur.


Mis en ligne le 24 février 2006 à 12H22

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