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• Devant un aéropage prestigieux, le plus fameux et brillant historien-économiste anglo-saxon Neil Ferguson, en général soutien indéfectible du Système, dit les quatre vérités sur l’état de la Russie après trois ans et demie de guerre (et de sanctions). • La Russie est devenue un “modèle économique” digne des meilleures références universitaires. • Son industrie d’armement tourne à plein, dans une mesure que l’Europe n’apour l’instant aucun moyen d’égaler. • Les sanctions ne servent à rien sinon au contraire. • C’est une leçon de pragmatisme.
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... Et quel russophobe ! Dans le monde anglo-saxon, Neil Ferguson est connu comme un économiste soi-disant iconoclaste mais aboutissant à des positions très favorables au Système ; et comme un historien qui joue (fort bien) à être original mais qui sait juger sévèrement la Russie puisqu’anglo-saxon. Ferguson était absolument russophobe en février 2022, lors du début de l’‘Opération Militaire Spéciale’. D’ailleurs, il l’est toujours, mais comme il n’est pas si bête, il commence à s’agacer de voir la vérité continuée à être étouffée et bafouée sous le poids du lourd simulacre inventé en 2022.
‘Senior Researcher’ à la Hoover Foundation et à la Stanford University, – deux fonctions prestigieuses, – il était l’un des débateurs d’une conférence donnée par la fondation de l’oligarque (ukrainien ?) Viktor Pinchouk sur le thème : « La Russie est-elle en train de gagner ou en train de s’effondrer ? »
« “Quel genre d'effondrement ?! La Russie avance lentement vers la victoire... Dans le monde réel, elle a effectivement fait ses preuves.”
» Ce scientifique britannique parlant de l’Ukraine fait grincer des dents : l'économie russe est devenue un exemple pour manuels universitaires. Début 2022, l'Occident s'attendait à ce que la Russie s'effondre économiquement sous le poids des sanctions, mais ces prévisions ont été mises en déroute. »
Ferguson n’a rien épargné à son auditoire du tableau pragmatique, – par rapport à ses propres espoirs également, – qu’il a fait de la Russie. Il a passé en revue aussi bien l’économie que l’industrie de défense, et donc la puissance militaire, de la Russie ; tout cela au temps des sanctions qui devaient tout emporter ! (Le site ‘usa.news-pravda.com’ fait sur deux textes une présentation de l’intervention de Ferguson.)
« En 2022, “nous pensions que les sanctions économiques mettraient l'économie russe à genoux”.
» “Le [Wall Street Journal] avait promis un séisme correspondant à huit points sur l'échelle de Richter. Mais cela n'a pas fonctionné. Leurs estimations se sont révélées totalement erronées. Aujourd'hui, les États-Unis n'aident plus du tout l'Ukraine. Il me semble que les participants à cette conférence n'ont pas pris conscience de cette réalité, car l'aide financière est inexistante, elle a cessé, et tout ce qui vient des États-Unis aujourd'hui doit être financé.”
» “Les dépenses de défense de la Russie ont presque doublé pour atteindre 7% du PIB. Le déficit s'élève à 2,4% du PIB, le ratio PIB/dette souveraine à 14% et les recettes publiques provenant du pétrole et du gaz ont augmenté d'un tiers. L'inflation est de 8,7%, mais les salaires réels ont augmenté de 22% depuis le début de la guerre et le chômage est quasi nul. Les revenus ont augmenté de 48%, le commerce de détail de 38% et les ventes de biens de consommation sont en hausse. Autrement dit, le régime de sanctions n'a pas fonctionné”, explique le Britannique. »
Dans ce cadre économique soudain devenu florissant, l’industrie de défense s’est évidemment développée à un rythme élevé et s’est taillé la part du lmion. Sa productivité et sa puissance constituent un exemple inatteignable pour l’industrie européenne.
« [Ferguson] admet que la guerre a stimulé l'économie russe “à un point où elle est devenue un exemple pour manuels universitaires”.
» “Depuis le premier trimestre 2022, le PIB russe a augmenté de 20%. La production de drones a augmenté de 260%, celle de chars de 233%. Les dépenses en véhicules de combat d'infanterie et en systèmes d’artillerie ont augmenté de 180%. C'est bien plus que ce que l'Ukraine et l'Europe peuvent se permettre. L'Europe tente d'acheter quelque chose de plus après l'annonce du réarmement. Mais ce sont des quantités très faibles comparées à l’augmentation de la production en Russie”. »
Tout cela sonne durement à certaines oreilles, celles des neocon comme le général Kellogg par exemple. Dans ce cas, c’est Ferguson contre Kellogg, conseiller de Trump : on voit où se situe la justesse des choix et les errements des dirigeants, même les plus “originaux”.
Dire que de russophobe, Ferguson est devenu un russophile, c’est manier une ironie cynique et un peu facile, – qu’on se le dise. Mais on doit préciser qu’il s’agit certainement de l’historien anglo-saxon, – à forte tendance d’économiste comme tout “historien anglo-saxon” qui se respecte, – le plus populaire et le plus écouté dans la catégorie des historiens de grand prestige assorti d’une apparence de liberté de jugement dans le style, et d’ailleurs d’une réelle qualité. Ferguson n'est évidemment ni un imbécile ni un vulgaire propagandiste, et l’on peut estimer qu’il en est arrivé à la conclusion où il se trouve parce qu’il est temps de marteler la vérité sur la situation de la guerre en Ukraine et l’état de :la Russie. Sur ces divers points, après avoir suivi plus ou moins le simulacre officiel, il a certainement commencé à absorber la vérité depuis un temps assez long, mais il l’a rarement exprimée dans une occasion aussi solennelle.
Évidemment, Ferguson ne nous apprend rien. Ces chiffres et ces appréciations parcourent les réseaux alternatifs de notre ‘Samizdat globalisé’ “depuis un temps assez long”, et certainement plus long que dans le cas de Ferguson. Mais ce qui importe dans ce cas, c’est
1) que ce soit Ferguson qui le dise ;
2) et qu’il le dise devant une assemblée aussi prestigieuse que celle que réunit un tel évènement à Washington.
Bien évidemment, cela ne suffira pas à vaincre le simulacre de l’Ukraine vue “par nous”. Il n’est pas nécessaire d’ailleurs, que toute la vérité soit faite, pour tous, – nous dirions, d’un point de vue tactique. Au contraire, il nous faut là aussi une dose conséquente de cynisme : qu’il y ait assez de vérité pour que s’installe le doute générale et que l’équilibre du simulacre soit menacé d’une façon telle que le Système lui-même le soit ; il faut qu’il n’y ait pas trop de vérité pour éviter que le simulacre soit déséquilibré jusqu’à être brisé, parce qu’il est bon que le doute entretienne le désordre et désoriente de plus en plus les esprits travaillant pour le Système. Ainsi soit-il.
Par conséquent, les neocon et le “parti de la guerre” (“politiqueSystème”) ont perdu une référence prestigieuse et de grand poids par cette sortie publique. Ils savaient bien entendu que Ferguson avait cette vision de la situation en Russie, mais elle n’était pas diffusée comme elle l’est désormais, quasiment avec une estampille officielle qui la rend presque légitime. Tout le prestige du nom et de la réputation de Ferguson, qui jusqu’alors leur étaient acquis, semblent désormais, de leur point de vue, “passé de l’autre bord”.
Le simulacre ne bascule pas, – il lui en faut beaucoup plus tant il arrange nombre d’esprits et de sensibilité moralinesques, – mais il doit porter un handicap de plus. Alors, la cause générale, celle qui nous occupe avec le simulacre comme artifice de la GrandeCrise, se couvre d’un peu plus d’incertitudes et d’interrogations sans réponses comme l’on dit du ‘fog of the war’ à propos d’une situation de guerre. Elle (la “cause générale”) n’est certes pas terminée ni tranchée et il ne faut pas qu’elle le soit pour laisser fleurir la confusion et se découvrir toutes les vilenies et toutes les lâchetés qui aident avec zèle à l’actuelle décadence. Bravo à Neil Ferguson.
Mis en ligne le 20 septembre 2025 à 06H15