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1524• On ne peut dire que les événements eux-mêmes accélèrent, mais la description et les intentions, – le simulacre lorsqu’il se transforme en vérité-de-situation, – ont pris un rythme homérique. • C’est l’Ukraine, avec un Trump stupéfait que les Russes, martelés pendant plusieurs jours par les drones ukrainiens que personne n’a dénoncés, ripostent par des attaques dévastatrices sur Kiev, comme une préparation à une offensive. • C’est la Chine qui change radicalement et parle d’une “Opération Militaire spéciale” à la russe tandis que flottent des rumeurs d’une alliance militaire Chine-Russie.
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Effectivement, les événements s’en donnent à cœur joie. Ne parlons pas d’une “accélération” parce qu’il y a longtemps que nous avons le pied au plancher. Il s’agit de l’augmentation de la poussée sur ces événements, d’une main de fer venue d’au-delà de nous et bien décidé à nous confronter aux effets de la destinée que nous prétendons avoir forgée nous-mêmes... “Destinée” ? Nul ne l’ignore, nous te nommons “modernité”.
Dans une conférence qu’il a donnée il y a quelques semaines à Moscou, peu avant l’anniversaire du 9 mai, Emmanuel Todd désigne très précisément et justement selon une impeccable formule, le Grand Ordonnateur, – particulièrement inconscient, jusqu’à être un “plus-léger-que-l’air” d’inconscience, – qui s’est installé comme le détonateur à multiples détentes de cette toupie devenue folle qu’est notre époque : « Le comportement de Trump est une mise en scène de l'incertitude ». Cela est dit comme ceci :
« Je me souviens très bien du contexte dans lequel j'ai écrit ‘La Défaite de l'Occident’. J’étais dans ma petite maison bretonne à l'été 2023. Les journalistes de France et d’ailleurs s’excitaient les uns les autres en commentant les “succès” (fantasmés) de la contre-offensive ukrainienne. Je me vois très bien, écrivant calmement : “la défaite de l'Occident est certaine”. Ça ne me posait absolument aucun problème. Par contre, quand je parle aujourd’hui de la dislocation, j’adopte une posture d'humilité devant les événements. Le comportement de Trump est une mise en scène de l'incertitude. Le bellicisme de ces Européens qui ont perdu la guerre aux côtés des Américains et qui parlent maintenant de la gagner sans les Américains est quelque chose de très surprenant. »
Donc nous allons examiner quelques éléments absolument incertains, qui doivent nécessairement jouer un rôle (incertain) dans la « mise en scène de l'incertitude ».
Examinons les conditions de base qui ont préparé le premier éclat dont nous allons examiner les circonstances et les caractères, tous deux incertains. Nous sommes donc en train de préparer les derniers actes d’une nouvelle rencontre russo-ukrainiennes, les Russes terminant le mémorandum promis et dont Trump se montrait si satisfait et couvrant de louangés son ami Vladimir. Il était tacitement entendu que dans cette période, même si la guerre se poursuivait, elle prendrait un aspect, disons plus aimable.
Que nenni ! Les Ukrainiens firent pleuvoir ces derniers jours des nuées de drones le plus loin possible en Russie, si possible sur des cibles civiles pour éviter les pertes collatérales, tentant ainsi de donner corps à l’argument né dans les ‘think tanks’ US, là où l’on pense, selon lequel les drones, que les Ukrainiens développent en quantité industrielle, leur donneraient à eux seuls la victoire. Bien entendu, tout l’Occident-coopératif, dans un élan d’élégance et d’humanitarisme globaliste, s’abstint de tout commentaire sur ces attaques ukrainiennes, et surtout du moindre reproche ; après tout, les drones tirés, qui avaient été démoli à bien plus de 80% et pour le reste fait l’une ou l’autre chiquenaude aux objectifs, avaient tout de même, par débris interposés, tué quelques civils... Mais enfin, ce sont des Russes et l’on ne va pas chipoter !
Et puis soudain, voilà que l’“armée de Poutine” riposte ; et durement, très-très durement, deux nuits de suite (24 et 25 mai), avec drones en masse (Tiens, ‘The Economist’ nous dit que les Russes vont bientôt parvenir à en fabriquer 500 à 1 000 par jour) et missiles divers, dont les balistiques hypersoniques ‘Iskander’. Peu de victimes civiles, mais dégâts considérables des cibles, notamment les énormes usines Antonov transformées souterrainement en productrice de drones, – ce qui promet l’incertitude pour la “victoire par le drone” de l’Ukraine sur la Russie. Accessoirement, l’un ou l’autre ‘Iskander’ liquida l’une et l’autre ensemble-batterie de ‘Patriot’. L’incertitude conduisit à passer de la simple hypothèse d’un prêté pour un sacrément-rendu à celle de la préparation d’une prochaine offensive massive de la Russie, malgré la défaite cinglante qu’elle a essuyée du fait des drones ukrainiens.
Il faut le comprendre : le Prince de l’Incertitude ne pouvait laisser passer cela sans nous hurler sa réaction scandalisée. Sans prendre naturellement aucune garde à tout ce qui avait précédé des attaques des drones ukrainiens contre le territoire russes, Trump ne manqua pas de s’adresser aux journalistes qui l’attendaient à la descente d’un avion qui le transportait d’ici à là...
« S'adressant aux journalistes dimanche, Trump a affirmé que la réponse de la Russie était injustifiée et s'est dit “surpris” par ce qui s’était passé.
» “Je ne suis pas satisfait de ce que fait Poutine”, a-t-il déclaré. “Nous sommes en pleine discussion et il tire des missiles sur Kiev et d'autres villes. Je n'aime pas ça du tout… On verra bien ce que je vais faire”.
» “J'ai toujours eu de très bonnes relations avec Vladimir Poutine, mais il lui est arrivé quelque chose. Il est devenu complètement FOU !” a ajouté Trump dans un message sur son compte ‘Truth Social’ d’Instagram, affirmant que “des missiles et des drones sont tirés sur des villes d'Ukraine sans aucune raison”. »
Puis, rentré à la Maison-Blanche, notre 47ème POTUS de la Grande République s’est souvenu qu’il était médiateur d’une guerre qui n’était pas la sienne, mais celle d’un certain Joe Biden. Il s’agissait alors de rétablir la balance, de remettre un peu d’incertitude bien mesurée dans cette atmosphère si violemment incertaine. Il s’en prit donc à Mister Z.
Tout cela se trouvait dans le même ‘Truth Social’ où Trump se demandait si Poutine n’était pas devenu “FOU !” et concernait notamment la déclaration de Zelenski critiquant les USA pour ne pas avoir réagit après les attaques US contre Kiev. Comme on voit tout cela se trouve complètement mélangé, ligoté, saucissonné dans un nœud-gordien de la plus ardente logique caractérisant ce conflit.
« Les déclarations publiques de Vladimir Zelenski ne font qu'aggraver la situation de son pays, a déclaré le président américain Donald Trump. Ces propos font suite aux accusations du dirigeant ukrainien de manque de soutien des États-Unis, qui, selon lui, profite à la Russie.
» Dimanche, Trump s'est exprimé sur Truth Social pour critiquer Zelenski, qui complique les efforts diplomatiques visant à régler le conflit ukrainien. Le dirigeant ukrainien, a-t-il déclaré, « ne rend pas service à son pays en parlant comme il le fait. Tout ce qu'il dit crée des problèmes. Je n'aime pas ça, et il vaut mieux que ça cesse. »
» Le président américain a ajouté que le conflit « n'aurait jamais éclaté » s'il avait été au pouvoir. « C'est la guerre de Zelenski, Poutine et Biden, pas celle de Trump. Je ne fais qu'aider à éteindre les incendies, grands et horribles, qui ont été allumés par une incompétence et une haine flagrantes », a-t-il déclaré.
» Les commentaires de Trump interviennent après que Zelenski a critiqué ses soutiens occidentaux, dont les États-Unis, pour ce qu'il a décrit comme une réaction terne à la dernière frappe aérienne de grande envergure de la Russie. « Le silence de l'Amérique, le silence des autres pays du monde, ne fait qu'encourager Poutine », a déclaré Zelenski, appelant à une pression accrue et à des sanctions contre Moscou. »
L’incident et ces divers échanges augurent bien de la prochaine rencontre de “négociation” entre Russes et Ukrainiens. Les Russes remettront aux Ukrainiens leur mémorandum que les Ukrainiens repousseront sans même le lire, de crainte d’être pris d’une nausée épouvantable. Ils exigeront aussitôt un cessez-le-feu immédiat de 30 jours suivi d’un cessez-le-feu sans limitation comme seule matière, et non-négociable, de la négociation. Les Russes apprécieront l’humour ukrainien comme proche de l’humour russe et l’on se séparera.
Peut-être le Maître de l’Incertitude, pris d’une inspiration, écrira-t-il sur son ‘Truth Social’ qu’avec de tels lascars, il est inutile de continuer, et annoncera-t-il qu’il se retire du rôle très utile de Grand Médiateur qu’il a tenu jusqu’ici. Il y en a pas mal, du côté des commentateurs-samizdat qui voudraient que Trump se sorte de ce piège sans issue, que ce serait pour lui la meilleure chose à faire... Mais comme cet homme est l’Incertitude même, qui peut dire quoi que ce soit de certain à son propos ?
A ce volet ukrainien, il nous faut rajouter un volet sino-taïwanais à notre toupie qui tourne folle. Nous faisons notamment référence au site ‘Borzzikman’, que nous avons déjà cité à l’une ou l’autre occasion, et entendu citer par quelques commentateurs, notamment Mercouris. C’est un site absolument pro-russe, sinon réalisé en sous-main par le ministère de la défense russe. Il dispose d’un matériel documentaire (vidéos) d’excellente et exclusive facture et diffuse un commentaire souvent très précis et sortant des chemins balisés de nos contrés. Quant à sa validité, c’est là aussi la Grande Incertitude, mais nous avons la plus grande habitude de cette situation qui est générale et à laquelle personne n’échappe, surtout les vieilles gloires du siècle passée encore plus pourries que les plus belles pourritures novatrices du XXIème siècle. Pour cette raison, et sans aucune raison sérieuse à lui opposer, il n’y a pas de raison de ne pas s’arrêter de temps en temps à ‘Borzzikman’.
Cette fois il est question d’une grande nouvelle, dont nous n’avons pas entendu l’écho, – mais nos lecteurs le savent bien, nous nous tenons éloignés des grands réseaux de communication, sous contrôle des autorités à 96%/98% (cela varie), – grande nouvelle assortie d’autres nouvelles correspondant manifestement à une réalité. La “grande nouvelle”, c’est l’accueil plutôt positif fait par Poutine à une question d’un journaliste parlant de la possibilité d’une véritable alliance militaire entre Moscou et Pékin... (‘Borzzikman’ du 26 mai 2025) :
« Des journalistes ont interrogé le dirigeant russe sur une éventuelle alliance militaire entre Moscou et Pékin. Moscou et Pékin. Vladimir Poutine a donné une réponse positive à cette question. Le partenariat stratégique entre la Russie et la Chine est à un niveau si élevé que ce partenariat peut se transformer à tout moment en une alliance militaire officielle. L’évolution rapide de la situation mondiale indique que la Russie et la Chine pourraient former une alliance militaire prochainement : “Je n'exclus donc pas qu'un tel pacte militaire puisse être signé à tout moment entre les deux pays”.
» Vladimir Poutine a déclaré [ensuite] qu'il était remarquable que Pékin ait réagi très favorablement à ses propos sur la possibilité d'établir une alliance militaire entre la Chine et la Russie. En particulier, le ministère chinois des Affaires étrangères a officiellement confirmé que l'établissement d'une alliance militaire entre les deux pays est tout à fait possible, du niveau des relations sino-russes.
» L’Alliance Atlantique et le Pentagone ont commenté avec inquiétude les propos de Vladimir Poutine concernant la création d'une alliance militaire entre la Chine et la Russie. Selon des responsables de l'OTAN et du Pentagone, l'alliance militaire entre Moscou et Pékin représente une grave menace pour la sécurité nationale de tous les pays de l'OTAN y compris les Etats-Unis. »
Le même ‘Borzzikman’ observe que dans le même temps, un décret a été publié selon lequel les forces armées chinoises peuvent entreprendre des actions de guerre sans être officiellement en guerre. En langage russe, cela s’appelle une “Opération Militaire Spéciale”, et de même que la Russie a songé à l’Ukraine, la Chine songe à Taïwan. En même temps là encore, il est remarquable de noter un changement de ton, sinon de fond sur la position de la Chine vis-à-vis de la guerre en Ukraine. Jusqu’ici, la Chine se tenait sur la réserve, sans jamais critiquer la Russie certes, mais en s’abstenant de la soutenir. Il semble que ce soit désormais différent, avec l’affirmation par la Chine d’un soutien de la Russie au niveau de la sécurité nationale et des opérations militaires qui en découlent.
Que ce passe-t-il alors qu’en mars encore, la Chine conseillait de ne confondre en aucune façon la position chinoise et la position russe sur la guerre en Ukraine ? Il s’agit bel et bien d’un effet de ce qui est désigné par ‘Borzzikman’ comme « L’évolution rapide de la situation mondiale ». Quelques éléments ?
• L’absence complète, bien sûr, de certitude de la politique US : le jugement de Todd vaut pour la Chine comme pour la Russie puisqu’il concerne les USA.
• L’importance toujours très active du “parti de la guerre” à Washington, même si Trump veut, sincèrement sans doute, faire reculer et apaiser les conflits. L’incertitude se renforce d’une fatalité catastrophique.
• La mise en évidence du déclin de la puissance US, reconnue par les dirigeants US eux-mêmes (JD Vance, il y a deux jours encore) et la démonstration des faibles capacités des armements occidentaux dans une situation de guerre (Ukraine). Tout cela se lit sur un fond d’une extrême fragilité structurelle d’un pays (les USA, certes) irrémédiablement déchiré, dont l’issue ne peut être qu’un effondrement sous une forme ou l’autre.
• L’armée chinoise a suivi de très près, avec présence de généraux intégrés aux forces russes comme observateurs, les opérations en Ukraine et les enseignements essentiels que l’armée russe y a amassé. La disposition de l’armement russe par la Chine, de cet armement qui a permis de dominer le champ de bataille, renforce encore plus cette mise à jour des forces chinoises.
Même pour un Chinois flegmatique et énigmatique, pétris à des siècles et des millénaires de sagesse,, cela fait beaucoup d’arguments pour se dire : “Plutôt qu’attendre qu’ils y viennent, ce qu’ils finiront par faire plutôt que s’effondrer définitivement, autant y aller nous-mêmes quand la situation est favorable, pour hâter l’effondrement définitif”.
Mis en ligne le 26 mai 2025 à 19H10