To BRICS or not to BRICS

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To BRICS or not to BRICS

• L’Argentine dans les BRICS ou pas dans les BRICS ? On sait bien ce qu’aurait répondu Evita... • Cela ne semblait pas être une question pertinente, et voilà que cela s’impose comme une question brûlante. • Brusquement, une élection présidentielle, en Argentine, se dispute sur la question de l’entrée ou pas du pays dans les BRICS. • C’est ainsi que les BRICS, affaire qu’on voudrait (plus ou moins selon les membres) d’abord économique s’impose absolument comme un choix politique. • Manigance des USA ? Ils sont assez stupides pour cela... 

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Le cas argentin est absolument goûteux et plein de feu et de flammes pour tout le monde : pour les BRICS, pour les crétins bido-américanistes, pour l’OTANosphère, pour Zelenski parce que rien de ce qui est corrompu ne lui est indifférent, et ainsi de suite. Ah oui, pour les z’élites françaises, également, parce que ‘Paris est une fête’ et que le micro-président Macron espère avoir un strapontin au prochain sommet des BRICS... en Russie, où l’on peut rencontrer Vladimir Poutine sans avoir l’air de capituler. Tout cela pour dire que la transformation des BRICS en Objet Politique Nettement Identifié se poursuit à grande vitesse, – pas le temps de souffler après le sommet-culte de Johannesbourg !

Il y a déjà eu quelques analyses s’attachant au cas de l’Argentine, qui est proche d’élections présidentielles, où un peu-connu encore improbable il y a quelques mois, voire quelques semaines, devient favori et pourrait bien l’emporter. Il se trouve qu’étant très au goût du jour, ce favori dénonce l’entrée de l’Argentine dans les BRICS, décrits comme un nid de communistes et de révolutionnaires marxistes. Les bido-américanistes (américanistes de la tendance-Ernesto ‘Che’ Biden) se frottent sans doute les mains d’une possible défaite des “révolutionnaires marxistes”, eux qui s’emploient à installer dans leurs structures psychologiques, mentales et institutionnelles le “marxisme-culturel” qui est le nom scientifique du wokenisme. On se trouve déjà, là, dans les prémisses d’un vertige tourbillonnaire caractéristique de cette époque-bouffe, – celle-là qui fait dire : si l’affaire BRICS-Argentine est une manigance US, selon la théorie des ‘usual suspects’, cela importe peu et pourrait même donner un résultat inverse aux réels intérêts US, en “politisant” les BRICS ; mais les génies US n’ont sont doute rien compris à cette idée. 

Andrew Korybko expose le dilemme Argentine-BRICS dans une analyse rapide et pertinente, – d’abord selon les données nationales brutes, avec peut-être un arrière-goût de ‘colour revolution’ certes, cela fait toujours bien :

« Le sommet des BRICS de la semaine dernière en Afrique du Sud a vu le bloc plus que doubler son nombre de membres après avoir invité six pays à les rejoindre au début de l’année prochaine, au début de la présidence russe. L’Argentine fait partie de ceux qui ont eu l’opportunité de coordonner l’accélération des processus de multipolarité financière avec les économies du Sud les plus grandes et les plus prometteuses du monde, principalement en élargissant l’utilisation des monnaies nationales dans le commerce, mais on ne sait pas encore si elle l’acceptera.

» La raison pour laquelle cela ne peut pas être tenu pour acquis est que les prochaines élections générales de fin octobre pourraient amener le leader de l’opposition Javier Milei à accéder au pouvoir et à honorer sa récente promesse de “ne pas s’aligner sur les communistes”. Tout en précisant juste après que son gouvernement n’interférerait pas avec les accords que le secteur privé décide de conclure avec qui que ce soit, sa déclaration a été interprétée comme signalant qu’il s’opposait à l’entrée de l’Argentine dans le même groupe que la Chine communiste et le Brésil socialiste. »

Ensuite se pose la question de l’adhésion de l’Argentin aux BRICS, qui n’existait pas lors de la préparation du sommet de Johannesbourg puisque le surgissement de Milei date de la mi-août. Du coup, ce dilemme prend nécessairement des dimensions idéologiques absurdes renvoyant aux années 1950-1960, du temps de Peron, du ‘Che’ et des généraux argentins, – il faut bien justifier ses oppositions par des termes simples pour la compréhension des dirigeants plus que pour celle des masses...

Les néo-proaméricanistes de l’Amérique du Sud, s’ils se veulent “néo”, semblent en effet avoir la jeunesse d’un Pinochet retiré de son armoire à hibernation après une cure des ‘Chicago’s Boys’ de Milton Friedman eux-mêmes ressortis de la naphtaline déstructurante de la post-postmodernité. Tout cela est-il sérieux ? Nous sommes dans une époque sérieuse-bouffe et il suffit donc de lire :

« Cette évaluation [ de l’éventuelle mise en cause de l’entrée de l’Argentine dans les BRICS] est basée sur la promesse de Milei de dollariser l’économie, de renforcer l’alliance de l’Argentine avec l’Amérique et de se retirer du Mercosur, toutes ces promesses visant à résoudre la crise économique mais qui sont l’antithèse de tout ce que représentent les BRICS. En revanche, le président sortant Alberto Fernandez a décrit l’adhésion aux BRICS comme une “grande opportunité”, tandis que le Brésil a immédiatement proposé des garanties en yuans pour les exportations afin de garantir le paiement, plaçant ainsi les électeurs devant un choix difficile cet automne.

» Ils peuvent soit choisir la vision géo-économique pro-américaine de Milei et de la cheffe de l’opposition idéologiquement alignée Patricia Bullrich, soit la vision pro-BRICS du candidat du parti au pouvoir et ministre sortant de l’Économie, Sergio Massa. Il est important pour les observateurs de noter, cependant, que l’Argentine n’avait pas été invitée à rejoindre les BRICS au moment où les élections primaires de la mi-août ont vu Milei devenir de manière inattendue le favori. Cela signifie que la vision géoéconomique de Massa à l’époque manquait de la substance qu’elle reçut peu après. »

... Ce qui est toujours aussi extraordinaire, c’est cet appel à l’Amérique comme à une sauvegarde, lorsque l’on veut bien s’informer sur l’état infâme de la chose. Pour autant et par ailleurs, cette occurrence “extraordinaire” n’est pas nécessairement négative ; il est même intéressant et recommandable de considérer cela au contraire, d’un point de vue positif.  

Don’t Cry for BRICS, Argentina”

Il suffit de retourner la proposition : plutôt que de voir la “brixellisation” (néologisme possible, pour faire plaisir à l’UE/Bruxelles) de l’Argentine remise en cause, apprécier au contraire que l’entrée dans les BRICS devient un sujet majeur d’une élection politique. Cela signifie la “politisation” de l’entrée dans les BRICS, donc des BRICS eux-mêmes.

Nous ne disons pas une seconde qu’il importe peu ou pas que l’Argentine ne soit plus dans les BRICS avant d’y être entrée, – si le nommé Milei l’emportait, – mais qu’il importe par-dessus tout que l’enjeu des BRICS devienne politique. C’est aller contre le désir, déjà plus ou moins battu en brèche par les résultats du sommet, des “modérés” parmi les membres des BRICS, – ceux qui ne veulent qu’une association économique qui ne soit pas considérée comme un défi à Washington, un adversaire du bloc américaniste-occidentaliste (bloc-BAO), qui n’ait pas un poids et une orientation politiques affichés. Si on écoutait cette tendance, qui a sa logique et sa raison d’être, la question des BRICS ne serait pas un enjeu de l’élection présidentielle en Argentine. Mais elle l’est, désormais, et nul ne peut revenir sur la rapidité dans cette époque de folle communication.

Par ailleurs, les “modérés” devront bien reconnaître que ce sont les américanistes-occidentalistes qui l’ont voulu ainsi, puisque Milei annonce dans son programme qu’élu, il n’aura de cesse de s’écarter des BRICS. L’Argentine n’est pas encore dans les BRICS qu’un candidat, le “néo-proaméricaniste”, l’en retire déjà. Milei aurait pu faire profil bas sur cette affaire, pour la laisser venir et se défiler en douce lorsque les mesures de “brixellisation” seraient proposées. Il ne l’a pas voulu puisque cette opposition est dans son programme.

Même un “modéré” comme Lula, que Korybko accuse régulièrement d’être un “cheval de Troie” de Washington dans les BRICS, comme d’autres le disent pour l’Inde, va bien être obligé d’admettre que l’intégration de l’Argentine dans les BRICS, – qu’il désire de toutes ses forces, – passe par une opposition frontale à la “néo-américanisation”. Si Milei veut une “dollarisation” de l’Argentine en repoussant les BRICS, c’est donc bien que les BRICS signifient ouvertement la dédollarisation, donc une guerre ouverte contre Washington.

Du coup, l’affaire argentine apparaît comme une redoutable bombe à retardement, de celles qui nous plaisent particulièrement. Même les plus durs, les plus “politiques” parmi les BRICS historiques, – la Chine et la Russie, – n’en veulent sans doute pas autant et aussi vite, et aussi polémique. Mais l’Argentine du temps de guerre n’a que faire de ces doucetteries ; “Qui n’est pas avec nous...”

 

Mis en ligne le 28 août 2023 à 16H20