The Donald est le désordre qui affole le GOP

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The Donald est le désordre qui affole le GOP

C’est une situation sans précédent, justement parce que rien n’y fait et que, par conséquent, rien ne se passe. On dirait que le désordre que représente en vérité le terrible The Donald est une situation figée qui paralyse la situation politique US, du côté des républicains certes mais pas seulement eux au fond... Donald Trump reste obstinément en tête des candidats à la désignation du parti républicain et le parti républicain, acculé mais conscient de ses devoirs vis-à-vis du Système, ne cesse de se renforcer dans sa résolution de ne jamais le nommer candidat aux présidentielles de 2016. Le parti républicain va-t-il démissionner du Great Old Party (ou GOP, désignation familière et affectueuse du parti républicain) ?

Dans Truth Revolt du 24 octobre, Trey Sanchez donne une rapide revue des plus récentes réactions au sein du GOP, concernant la position de Trump, notamment en recensant des informations que vient de diffuser le site Politico, à partir de différents interviews au sein du parti républicain. Tout montre non seulement la confirmation de la position de Trump, mais un renforcement psychologique et structurel de cette situation.

« According to Politico Caucus, 81% of GOP insiders say the likelihood of Trump being the party’s nominee is greater now than it was last month. For Democrats predicting the same, the percentage is close, at 79%. Trump’s political staying power has been a shock to almost everybody. One anonymous New Hampshire Republican told Politico, “Predictions of his demise keep not coming true.” Another from South Carolina said, “Donald Trump being the GOP nominee is now within the realm of possibility.”

» Though most still doubt it will lead to his presidency, some have admitted to being “wrong about this campaign every step of the way so far.” But still, some say, he has a 50-50 chance of becoming the nominee. Most put his odds closer to 30%. But what they all agree on is that these odds are way better than they were a month ago. “I can’t even describe the lunacy of him as our nominee,” one Iowa Republican told Politico. “But reason has not applied to date in this race, and my hopes are fleeting that it will ever surface.”

» Other comments these anonymous Republicans submitted to the survey indicate they are taking his campaign more seriously as the “novelty of his candidacy is wearing off,” and view him now as “building a real campaign.” “More so than many others,” one added. Warming to Trump’s candidacy has been quite difficult and some say if he continues to do well, the Republican Party “will coalesce against him.” “The party will nominate Bob Dole — in 2016 — before it will nominate Trump,” said a New Hampshire Republican. »

Dans l’ère du triomphe du système de la communication et dans cette époque crisique dominée par la pression du Système, le principal caractère des situations crisiques est la radicalisation des positions, et le principal trait de la psychologie l’entêtement extrême dans leur opposition antagoniste des acteurs qui devraient s’accorder pour dénouer la crise. (Mais “l’ère du triomphe du système de la communication” est aussi l’ère du triomphe des narrative et ceci explique aisément cela, exprimant ainsi parfaitement la situation de pression du Système.) La position de Trump vis-à-vis du GOP et celle de GOP vis-à-vis de Trump ressemble à la position de Assad en Syrie vis-à-vis des USA (du bloc BAO) et à la position des USA (du bloc BAO) vis-à-vis de Assad. (Il va de soi que, dans l’analogie, Trump serait bien sûr Assad, et le GOP serait les USA.) Trump ne veut pas partir ni quitter la tête de la compétition, donc il tient la clef de la désignation du candidat républicain, et le GOP dit qu’il est absolument impossible d’affronter les présidentielles avec Trump comme candidat.

Comme dit l’officiel du GOP dans l’Iowa cité ci-dessus, “je n’ai pas de mot assez fort pour décrire la folie que serait une candidature Trump pour le parti républicain, mais la raison ne s’est pas encore manifestée dans cette compétition pré-électorale et je crains de plus en plus qu’elle ne se manifeste jamais”. Il est vrai que, dans une situation normale des USA, c’est-à-dire du Système, Trump aurait été renvoyé depuis plusieurs mois à ses $milliards, à ses tours prestigieuses qui portent son nom et à ses épouses passées et présentes. Dans la situation-Système des US organisée selon l’arrangement d’un “parti unique” avec deux ailes, l’aile gauche (les démocrates) et l’aile droite (le républicains), l’intrusion obstinée et qui ne cesse de durer d’un Trump ridiculisant le processus électoral si précieux pour l’apparat du Système est un horrible facteur de désordre. Peu importent son programme, ses idées, etc. ; en général, le Système est plus que jamais confiant aujourd’hui qu’il peut complètement annihiler l’éventuelle originalité d’un candidat si ce candidat l’emportait, par la seule pression de ses structures innombrables.

Aussi Trump n’est-il pas important par son “programme” qui, pour l’instant, reste assez confus même s’il y a des aspects assez intéressants pour obtenir des ralliements antiSystème significatifs (Justin Raimondo, par exemple, et une partie de la droite paléo-conservatrice essentiellement libertarienne). Il est important à cause du désordre qu’il apporte, à cause de son goût pour les orientations et les ostentations iconoclastes, à cause de la seule tendance qui semble solide chez lui, qui est sa détestation de l’establishment. Là-dessus, la cerise sur le gâteau de sa fortune personnelle lui donne une puissance réelle par l’autonomie de son action mais n’apparaît en aucune circonstance comme un handicap populiste, – c’est là son trait le plus original et le facteur essentiel du désordre qu’il introduit. Trump, qui a profité du Système bien sûr, et qui devrait se classer parmi les 1% détenant l’essentiel de la fortune du Système et haïs par les 99% restants, paraît au contraire comme le favori des 99% dans le parti républicain. Le symbole de communication (son côté anti-establishment) efface donc complètement son statut de membre des 1%. Cette opération qui se réalise d’elle-même, à cause des facteurs objectifs en présence (singularité du personnage, médiocrité conformiste et paralysée exceptionnelle de la classe politique, fureur populaire anti-establishment), est bien la matrice même du désordre que Trump a introduit.

On comprend bien la parole citée plus haut : “...mais la raison ne s’est pas encore manifestée dans cette compétition pré-électorale et je crains de plus en plus qu’elle ne se manifeste jamais”, – car il s’agit bien entendu de la raison-subvertie que le Système a enfantée et consolidée, et qui reste la formule essentielle de sa puissance. A la limite, on dirait que la principale vertu de Trump et qu’il apparaît tellement comme un excentrique qu’il pourrait passer pour un fou, et que c’est bien cela qui semble séduire la base du parti. Ce genre de choses peut apparaître effectivement dans le processus électoral mais est en général réglée en quelques semaines, lorsque le “coup d’audace” du fou apparaît en pleine lumière et réduit sa soudaine popularité à néant. Ici, ce n’est pas le cas, et la façon dont Trump dure tout en restant, et même en s'affichant avantagerusement comme un fou-selon-le-Système est un événement particulièrement impressionnant.

... Il dure tellement que la base populaire républicaine commence à le considérer comme un “candidat sérieux” sans lui ôter son soutien, comme l’indique un commentaire (“on commence à prendre sa campagne plus au sérieux ‘à mesure que la nouveauté qu’implique sa candidature disparaît’ et on juge qu’il est en train de ‘mettre en place une réelle campagne pour la désignation’”). Donc, Trump, candidat “fou”, “inimaginable”, “inéligible”, er pourtant candidat “sérieux”, qui se constitue une machine électorale qui pourrait effectivement le conduire formellement à la désignation... Mais cette désignation est, selon le parti et selon le Système, absolument impensable, parce que cet homme porte en lui le désordre. L’affaire prend, d’une façon très concrète désormais, l’aspect d’un dilemme terrible pour le Système ; car c’est bien le Système entièrement, soit le “parti unique”, qui serait mortellement menacé, et nullement les seuls républicains. Pour tenir, le Système a besoin d’offrir l’apparence évidemment bidon d’une alternative qui lui corresponde complètement. Si Trump était désigné candidat républicain, le processus du Système deviendrait manchot, c’est-à-dire plongé dans une crise affreuse parce qu’il est totalement inadaptable à ces situations non-conformes. Quant à une élection de Trump-président, impensable d’y penser... Le pouvoir américaniste se trouverait avec un président hors-Système, avec tout le Système (Congrès, Cour Suprême, Complexe Militaro-Industriel, lobbies, etc.) incité à la révolte contre lui ; une véritable perspective de déstructuration–dissolution dudit pouvoir.

Pour l’instant, le Système fait l’autruche, la tête dans le sable, psalmodiant “non, c’est impossible, cela n’arrivera pas”. Si l’incantation ne suffit pas, ni les manœuvres et manipulations diverses qu’on connaît bien (mais Trump, homme-scandale par excellence, semble insubmersible à cet égard, puisque son succès semble presque le produit de tous les scandales qui font de lui ce qu’il est), – si tout cela ne suffit pas alors il s'avèrera que nous sommes sur le pont très incliné du Titanic.

 

Mis en ligne le 26 octobre 2015 à 09H43