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522110 mai 2020 – D’abord, comme on l’a vu hier encore, c’est notre référence, la lumière de notre civilisation, notre point de ralliement et notre exemple sans fin qui s’effondre sous nos yeux décillés depuis longtemps mais qui n’en croient pas leurs yeux... Ainsi l’observe pour son compte Daniel Lazare, le regard attristé et, j’en jurerais, désenchanté malgré lui, et surtout qui fait cette extraordinaire découverte : les choses en sont à ce point où l’Amérique nous fait pitié, – oui, pitié !
« En moins de trois décennies, en un simple clin d'œil en termes historiques, les États-Unis sont passés de l’unique superpuissance mondiale à une épave massive en train de sombrer, impuissante face au coronavirus et déterminée à blâmer le reste du monde pour ses propres défaillances. Comme l'a récemment fait remarquer le journaliste Fintan O'Toole dans le Irish Times :
» “Pendant plus de deux siècles, les États-Unis ont suscité dans le reste du monde un très large éventail de sentiments : amour et haine, peur et espoir, envie et mépris, crainte et colère. Mais il y a une émotion qui n’avait jamais été ressentie à propos des États-Unis jusqu'à présent : la pitié.” »
Bien entendu, on nous parle de Covid19, y compris de Covid19 manipulé par les pervers Chinois pour avoir raison de notre belle civilisation et de son joyau américaniste. Ce simulacre dérisoire, cet argument d’une telle faiblesse... Comparant l’embrasement actuel du Système, cette complète désintégration, le commentateur US Bruce Wilds choisit l’image du dirigeable allemand, le Zeppelin LZ129 Hindenburg qui s’embrasa en quelques secondes alors qu’il était sur le point de s’amarrer sur le terrain d’aviation de Lakehurst, dans le New Jersey (USA), le 6 mai 1937, – marquant ainsi à jamais, dans la tragédie monstrueuse née d’une pichenette, la fin de l’aventure des immenses dirigeables :
« Pour revenir au point essentiel de cet article, les gouvernements et les banques centrales rivalisent [...] en matière de dépenses absurdes et alimentent des habitudes catastrophiques. Alors, Covid-19 doit être considéré comme la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Il serait déloyal de penser que la catastrophe qui nous attend aurait été évitée si la pandémie n’était pas tombée sur le monde entier. Avant ce désordre de la pandémie, le désastre planait au-dessus de nos têtes sous la forme d'une dette sans cesse croissante. Comme le Hindenburg, il ne manquait qu’une étincelle. »
... Et l’on sait bien enfin que si sombre le paquebot cuirassé USS America, qui est tout autant le Système qui était la bouée de sauvetage à laquelle nous nous agrippions, se pose la question de savoir ce que nous allons faire sans lui (sans elle). Ainsi Charles Hughes Smith s’interroge-t-il, comme vous tous, comme moi-même, comme l’esprit du temps et l’âme de nos espérances... “Et maintenant ?”, comme dit la chanson fameuse...
« Une fois que la capacité du gouvernement à maintenir son autorité avec de l'argent créé de toutes pièces disparaît, l’ordre tout entier disparaît avec lui.
» L’ère du gaspillage, de l’avidité, de la fraude et de la vie avec de l’argent emprunté est en train de mourir, et ceux qui n’ont connu aucun autre mode de vie pleurent sa disparition. Cette disparition était inévitable, car toute société qui dilapide ses ressources est insupportable. Toute société qui fait de l’avidité privée la motivation et la priorité premières est insupportable. Toute société qui récompense la fraude par-dessus tout est insupportable. Toute société qui vit de l’argent emprunté sur ses avoirs futurs et d’autres formes de capital fantôme est insupportable.
» Nous le savons dans nos tripes, au fond de nous-mêmes, mais nous craignons l'avenir parce que nous ne connaissons pas d’autre arrangement que le présent catastrophique. Ainsi entendons-nous le faible écho des cris d’angoisse qui remplissaient les rues de la Rome antique lorsque le Pain et les Cirques s’arrêtèrent : “Que faisons-nous maintenant ?” »
Ces quelques extraits sont là essentiellement pour mesurer l’accélération formidable de ce qui est à la fois, – rencontre édifiante, – une “prise de conscience” et une “crise de conscience”. En deux mois, effectivement, le ton et les commentaires de la presse alternative, de la presse-antiSystème dans ce cas, et même d’autres sources beaucoup plus fréquentables, se sont absolument radicalisés. Sous la plume de nombre d’observateurs et d’analystes, l’effondrement du Système n’est plus une hypothèse, ni même une option écartant le “si” comme dépassé et ne considérant plus que le “quand ?” ; c’est un fait, un événement, un acte-même, en cours d’accomplissement sous nos yeux.
Cette similitude de convictions, cette dynamique puissante des perceptions et des jugements, représentent un facteur psychologique dans l’événement même de l’effondrement. Ce facteur psychologique accélère l’événement, il le renforce ; il va peut-être jusqu’à en révéler sa nature même et participer à sa compréhensibilité dans le contexte de toute la puissance métahistorique ainsi déployée.
Pour autant, gardez-vous bien de ceci, et qui compterait même pour moi qui suis depuis si longtemps l’adversaire acharné du Système que vous savez : nous n’avons plus confiance en l’h[H]omme (ne me parlez plus de majuscule !) lorsque nous contemplons le désastre auquel a conduit quelque chose qui est pour une part de sa production. Notre responsabilité est immense, même pour ceux qui dénonçaient l’infâme ; nous affrontons la possibilité d’une formidable crise de culpabilité collective, une culpabilité ontologique, quelque chose qui ressembler ait à une sorte de péché originel... Mais c’est aussi la voie vers une acquisition du sens de la responsabilité, ou une retrouvaille de la chose.
Moi-même qui ait toujours avancé cette hypothèse de la désagrégation ultra-rapide des USA (du Système), je suis stupéfait de la vitesse de ce phénomène dans notre perception, – je parle de ceux qui se disciplinent avec rigueur et ardeur pour avoir une juste perception subjective du monde, et de la catastrophe qui le frappe. J’ai bien du mal, infiniment de mal même, à considérer avec foi et ferveur la proposition de Smith : « Les contours d'un monde meilleur se dessinent. Les discernez-vous à travers la fumée alors que les derniers fantômes frénétiques d’un système insupportable laissent se dissipent dans les airs en libérant ainsi la dynamique de l’histoire d’un enchaînement catastrophique ? »
J’avoue être plus proche de la conclusion de Lazare, comme si l’on reconnaissait être à la disposition des événements cosmiques qui nous secouent, attendant la manifestation de leur volonté en même temps que leur verdict : « L’effondrement s’est donc intensifié, ce qui explique que l’Amérique est aujourd'hui un géant paralysé et sans défense. Un fou est à la barre, mais le mieux que les démocrates puissent offrir comme alternative est un vieillard souffrant de démence sénile au stade précoce, qui en plus pourrait être un violeur. Personne ne sait comment les événements vont se dérouler désormais. Mais deux choses sont claires. L’une est que le processus n’a pas commencé sous Trump, l’autre est qu’il se poursuivra sans aucun doute quel que soit le vainqueur en novembre. Une fois que la dynamique de l’effondrement est lancée, il est impossible de l’arrêter. »
Plus que jamais, l’inconnaissance est de rigueur, malgré qu’on en propose l’emploi pour les plus hautes perspectives de notre destinée. Seule cette vertu de l’inconnaissance pourra vous donner cette audace de l’esprit de proclamer : “Non seulement je sais que je ne sais pas, mais plus encore, je veux savoir en toute conscience que je ne sais pas”. En un sens, c’est adopter et adapter la troisième “Loi-de-Rumsfeld” (un philosophe méconnu, ce Rumsfeld) dans sa charade métaphysique, la plus importante et la plus sage : « But there are also unknown unknowns – the ones we don’t know we don’t know »(« et puis il y a les choses inconnues que nous ne connaissons pas, celles dont nous ne savons pas que nous ne les connaissons pas »). Cette sagesse revient à montrer que nous ignorons qu’il y a “des choses dont nous ignorons l’ignorance où nous sommes de leur existence et de leur signification”, et qu’il est impossible et complètement irresponsable de n’en pas tenir compte, – je veux dire, de ne pas tenir compte de l’objet de cette inconnaissance.
Cette situation nous conduit à la nécessité d’ouvrir le champ des hypothèses, et donc de s’ouvrir à l’intuition qui éclairerait la possibilité d’une appréciation dans nos observations de ces choses dont nous ne savons pas que nous ne savons rien sur elles. L’on comprend qu’en cela, je songe à ces “forces surhumaines” dont je parle assez régulièrement en me gardant bien de chercher à les définir, encore moins de chercher à les identifier.
Ces choses, – définition, identification, – viendront en leurs temps, à leur heure.
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