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36939 décembre 2019 – Comme dirait le Grand Architecte, ou bien encore la Pravda du temps de Brejnev, “tout se déroule selon le plan prévu” ; pour mon cas et dans le cas de cette page, cette remarque aussi bien pour l’OTAN que pour la situation française de la crise-du-5-décembre. (Le rapprochement en surprendra certains. Cela leur fouettera un peu le sang, c’est bon pour le tonus.)
C’est ceci, dans cette étrange époque, qui est le plus étonnant : la prévisibilité constante de l’échappée qui semblerait imprévisible vers le pire parce que le pire nourrit, jusqu’au vertige, – chez eux, à cause d’eux, – la probabilité de plus en plus assurée de l’autodestruction. Je veux dire par là que les prévisions qu’on fait, sur la gravité des désaccords, sur l’ampleur des désordres, un peu comme on agite un doigt menaçant, – ou une règle vengeresse, ou un fouet pour enfants dissipés, comme in illo tempore, – pour empêcher le galopin (chenapan) de faire la bêtise attendu, eh bien toutes ces prévisions qui devraient être ainsi et aussitôt démenties par la prudence manœuvrière, le souci d’épargner ses forces pour la destruction finale de l’adversaire, – nous, bien entendu, – oui, toutes ces prévisions sont pourtant chaque jour confirmées.
Étrange course au suicide, – étrange, cette course au suicide, – dans notre “étrange époque” qui ne s’éclaire jusqu’à se faire constitutive, et nous faire comprendre par conséquent, que cette étrangeté n’est finalement que de circonstance si l’époque est celle des Derniers Temps. (C’est le cas, ajouterais-je comme l’on dit : “cela va sans dire”, – et qu’on le dit.).
Il faut être précis pour tenter d’expliciter ce sentiment complexe, en fouettant l’intérêt du lecteur par le biais de circonstances du “temps courant” et de remarques concernant l’aspect “opérationnel”. Je vais m’y atteler. L’OTAN d’abord : dans ce texte à propos de la “réunion” (pas “sommet”) de Londres, Swinging London, j’écrivais ceci, – où vous remarquez cette observation que, « [désormais] le pire est toujours le plus probable », où j’avais failli écrire je le promets “le pire est de plus en plus probable qu’il en est presque écrit”, où pourtant je croyais au fond de moi et au contraire qu’ils parviendraient à tout de même grimer sur scène une sorte d’entente, d’apparence certes mais qu’on pourrait nous servir comme tambouille mangeable sur la durabilité et la solidité du système (du Stystème) :
« En général, je l’avoue, je me méfie des réunions qu’on vous annonce comme “explosives”, ou de tout autre événement à la prévision catastrophique. Cela, c’est un réflexe appris d’“avant”, je veux dire avant le “nouveau monde”, quand on parvenait à s’arranger sur les sujets de grande discorde que l’on voyait venir, grâce à la raison et au sens commun. Mais aujourd’hui, tel ou tel exemple montre qu’il y a un côté “le pire est toujours le plus probable“ dans notre époque, comme si l’idée selon laquelle les catastrophes prévisibles souvent évitables selon l’acte de l’ancienne sagesse était devenue la fatalité que les catastrophes prévisibles sont devenues inévitables, comme si enfin nous n’avions plus ni raison ni sens commun pour écarter des événements sur lesquels nous n’avons plus aucun contrôle. »
... Eh bien, malgré les restrictions prudentes écrites que j’avais mentionnées pour me garder du ridicule d’une prévision démentie, et les réserves mentales que j’ai dites en croyant qu’ils comprendraient leur commun avantage à paraître “faire sérieux” et membres satisfaits de cette Alliance qui est “le plus grands succès qu’ait connu l’Histoire”, malgré ceci et cela tout s’est fort bien “très-très-mal-passé” comme prévu. Il y eut des incidents d’un niveau ridiculement enfantin, du type cour de récréation ou bouderie capricieuse, exposant par la vérité de l’hyperbole dérisoire leur incapacité, leur totale impuissance, cette sorte de sénilité de l’infantilisme, à activer la nécessité pour leur sauvegarde de démontrer avec une sorte de conviction bien interprétée quelque lien de solidarité que ce soit qui les fasse prendre pour des gens sérieux par leurs mandants du bon peuple courant et leurs obligés de la presseSystème.
Les querelles se sont donc poursuivies au grand jour ridicule de l’infantilisme sénile et monsieur Vincent Hervouët, qui manie assez bien l’ironie pour la chaîne LCI, a pu dire à peu près qu’“avec de tels amis (les membres de l’Alliance entre eux), l’OTAN n’a nul besoin de se chercher des ennemis”. Martin Sieff, le distingué analyste-vedette de UPI passé à la dissidence a pour son compte observé avec le plus grand sérieux qui caractérisait le mépris le plus complet, ce 8 décembre 2019 : « Le Sommet de Londres l’a clairement fait comprendre au monde entier : L’OTAN à 70 ans est devenue une plaisanterie globale. [...] L’Alliance atlantique est un simulacre, – une contrefaçon : elle offre une image séduisante de la sécurité à ses États membres tout en les encourageant en réalité à démanteler les défenses et les capacités immunitaires des agences de sécurité dont ils ont besoin pour maintenir une véritable sécurité et une entière souveraineté. »
Maintenant, tournons-nous vers la France, qui est une cible favorite de mon sarcasme affectueux. Tout le monde attendait le 5-décembre avec des mines horrifiées et autant de glapissements de terreur, poursuivant les commentaires affolés, bloqués, tournant en rond devant l’incompréhensible et l’indicible, qui accompagnèrent pendant des mois et des mois les Gilets-Jaunes. Devant ce spectacle de la perspective du 5-décembre et à nouveau dirais-je, comme avec l’OTAN, je me disais en conséquence, entraînés par ce vieux fond de scepticisme mesuré devant le spectaculaire de l’“ancien monde” de la diplomatie (équivalent des « catastrophes prévisibles [...]souvent évitables selon l’acte de l’ancienne sagesse »), que cela se bidouillerait finalement en une sorte de marigot d’arrangements convenus, puisqu’enfin débarrassés de ces gêneurs de Gilets-Jaunes qui n’auraient été qu’une passade ratée, un mauvais coup comme dit une amante aigrie.
Eh bien, rien de cela ! L’un ou l’autre des commentateurs patentés a parlé d’une “giletjaunisation” des acteurs, puis expression reprise par d’autres, je parle de ceux-là des commentateurs pourtant blanchis sous le harnais des complicités et des convenances, qui n’avaient rien pu faire des Gilets-Jaunes – notamment les syndicats, qui aujourd’hui plastronnent tout en se demandant avec angoisse “mais qu’allons-nous bien pouvoir faire de ce succès” – “de mobilisation” comme ils disent, comme l’on disait “la mobilisation n’est pas la guerre”, – et pourtant cette “mobilisation” drôlement giletjaunisée comme je pourrais en juger...
Donc, rien de la confirmation de ces prédictions arrangeantes qui me venaient de l’“ancien monde” selon lesquelles ceux-là des durs-à-cuire du simulacre allaient encadrer la tempête annoncée et la réduire à une protestation de convenance. Rien du tout et au contraire, et le 5-décembre fut effectivement catastrophique en tous points, et je dirais d’abord du point de vue psychologique qui m’importe tant, avec toujours cette sensation que l’on, qu’ils se trouvent dans l’impasse-des-arrangements-perdus ; rien du tout de cette colère qu’on appelle de ses vœux pour jouer son rôle mais que l’on espère bien contrôlée et bien encadrée, – et que, horreur, l’on découvre excessive et hors de tout contrôle, – sacré maudits Gilets-Jaunes à la fin et une fois de plus.
Ils se retrouvent tous avec une situation pire qu’avant le 5-décembre, pire qu’avec les Gilets-Jaunes puisqu’entretemps il y eut les Gilets-Jaunes et qu’on croirait les Gilets-Jaunes poursuivis dans une autre couleur, pire que tout ce qui a précédé. “De mal en pis” constate l’observateur neutre, “et de pis en encore plus mal”. Un peu comme le mandat Trump et bien entendu, pour suivre notre parallèle, comme la dynamique calamiteuse et paralysée qui accroît la complexité des impasses et des mésententes dans le défilé des réunions (pas “sommets”) de l’OTAN, le quinquennat Macron est une successions de crises, et même de “crises nodales” (expression à retenir) ; de moins en moins, l’on peut croire à la possibilité d’une stabilisation d’une situation qui ne cesse de se tordre en des nœuds crisiques absolument indémêlables, comme l’on dirait d’un collier de nœuds Gordiens.
De ce point de vue structurel, c’est-à-dire de la structuration nodale des crises, la situation française doit être mise en parallèle avec la situation de l’OTAN (et aussi avec la situation-Trump à “D.C.-la-folle” si l’on veut, et avec le reste), qui ressemble à s’y méprendre à une immense usine à gaz tournant à fond, pour ne produire que des simulacres de contrefaçons, des gaz de petites diarrhées sans conséquence. L’OTAN nous a offert une autre forme du phénomène, la “giletjaunisation” de la bureaucratie de la défense, de la communication du simulacre d’ennemi, l’accroissement sidéral du vide au milieu des extraordinaires conteneurs de lieux communs que chaque chef d’État ou de gouvernement amène avec lui, dans les trois ou quatre 4x4 qui l’accompagnent à des “réunions” que l’on n’ose plus nommer “sommets”.
Ainsi pourrais-je parler d’une évolution parallèle de ces ensembles crisiques innombrables s’inscrivant dans le même “tourbillon crisique” du bloc-BAO, englobant l’ensemble des phénomènes crisiques ... Ce que nous avions baptisé de l’expression “chaîne crisique” en 2010-2011 (voir par exemple le 24 février 2011pour “chaîne crisique”), pour marquer ce phénomène d’enchaînement des crises, se transforme et s’aggrave radicalement avec ce que je nommerais (autre expression à retenir) “la structuration nodale des crises” ; c’est-à-dire des crises qui, à partir de leur cause et de leur centre, ne cessent de se compliquer, de se tordre et de s’embrouiller en elles-mêmes, jusqu’à former des nœuds indémêlables ... Autant de nœuds Gordiens, diriez-vous, et là il suffit de trancher ; mais dites-moi, où voyez-vous qu’il y ait le moindre petit signe qu’un de ces zombieSystème ait le moindre petit trait de caractère qui puisse le rapprocher d’une simple trace de l’ombre enfuie dans les Temps Anciens du magnifique et incomparable Alexandre le Grand ? Combien d’entre eux savent qui est Alexandre le Grand ?
La nodalité de ces crises est telle qu’elles finissent par prendre dans leurs rets les acteurs eux-mêmes chargée en principe de défaire les nœuds, sinon de les trancher. Ils sont pris dans ces crises nodales comme le serpent s’enroule autour d’eux et les serrent, les serrent... Tout se passe comme s’ils étaient les complices de ces crises nodales, quasiment fascinés par elles, ces crises nodales transformées en serpent qui les enserrent et les enserrent.
Vous comprenez bien que je cède à la tentation de la fascination. Cela fait maintenant plusieurs années que je ne ce d’être fasciné par ce spectacle, – pas d’autres mots, – de cette descente décidée dans l’autodestruction, les descendeurs armés d’une étrange volonté de toujours faire mieux, c’est-à-dire faire de plus en plus bas, c’est-à-dire de toujours faire pire pour que la crise s’aggrave, pour que le serpent serre encore plus fort, pour que le nœud se resserre encore plus fermement.
Il y avait fameusement “la société du spectacle” ; il y a aujourd’hui, tout aussi entêtante, chose tout aussi décisive “le spectacle de la crise”. Quelle force mystérieuse nous a fait passer de l’une à l’autre ? Vous savez bien que j’ai mon idée, qui n’est pas de ce monde, je veux dire qui n’est pas de l’esprit des hommes, devenus sapiensdans mon arsenal dialectique, et désormais zombieSystème mangés par les termites du diable.