Sigmund Freud politiquement incorrect

Les Carnets de Nicolas Bonnal

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Sigmund Freud politiquement incorrect

Sigmund Freud incorrect ? Dans son petit texte sur la guerre, voici ce que le vieux sage viennois écrit sur la culture :

« Et voici ce que j’ajoute : depuis des temps immémoriaux, l’humanité subit le phénomène du développement de la culture (d’aucuns préfèrent, je le sais, user ici du terme de civilisation.) C’est à ce phénomène que nous devons le meilleur de ce dont nous sommes faits et une bonne part de ce dont nous souffrons. Ses causes et ses origines sont obscures, son aboutissement est incertain, et quelques-uns de ses caractères sont aisément discernables. »

Voici les conséquences de ce développement culturel si nocif à certains égards, et auxquelles nos élites actuelles se consacrent grandement :

 « Peut-être conduit-il à l’extinction du genre humain, car il nuit par plus d’un côté à la fonction sexuelle, et actuellement déjà les races incultes et les couches arriérées de la population s’accroissent dans de plus fortes proportions que les catégories raffinées. »

Vous avez bien lu : les races incultes et les couches arriérées de la population qui s’accroissent plus que les autres. Dans son essai décalé sur Freud, le penseur amateur Michel Onfray avait indiqué que Freud aimait le césarisme autoritaire au point d’envoyer un exemplaire dédicacé d’un sien bouquin à Mussolini !

On sait que Nietzsche a parlé de l’Eglise médiévale comme d’une ménagerie (c’est dans le Crépuscule des idoles). Voici ce que dit Freud, lui :

« Peut-être aussi ce phénomène est-il à mettre en parallèle avec la domestication de certaines espèces animales ; il est indéniable qu’il entraîne des modifications physiques ; on ne s’est pas encore familiarisé avec l’idée que le développement de la culture puisse être un phénomène organique de cet ordre. »

Les modifications physiques on les connaît : la mollesse, l’absence de résistance, l’obésité, la lâcheté qui va avec. Tout cela se nommera humanitarisme et n’empêchera d’ailleurs pas les guerres.

Mais Freud a compris que nous étions arrivés au bout du processus de la civilisation. Et cela donne :

« On ajoutera en outre que la guerre, sous sa forme actuelle, ne donne plus aucune occasion de manifester l’antique idéal d’héroïsme et que la guerre de demain, par suite du perfectionnement des engins de destruction, équivaudrait à l’extermination de l’un des adversaires, ou peut-être même des deux ».

On connait le chant XI de l’Arioste sur effets de la poudre recensé ici, auquel je reviendrai toujours, n’en déplaise à certains commentateurs. La liquidation de l’idéal guerrier comme de l’idéal courtois ou de l’idéal chevaleresque a sonné le glas de l’humanité (de l’humanité au sens Platon-Villard de Honnecourt-Machaut, pas de l’humanité au sens Obama-Gaga-surgelés Picard), et cela dès la fin du mal nommé Moyen Age.

Et Freud encore sur notre ramollissement général, sur notre désensibilisation universelle :

« Les transformations psychiques qui accompagnent le phénomène de la culture, sont évidentes et indubitables. Elles consistent en une éviction progressive des fins instinctives, jointe à une limitation des réactions impulsives. Des sensations qui, pour nos ancêtres, étaient chargées de plaisir nous sont devenues indifférentes et même intolérables ; il y a des raisons organiques à la transformation qu’ont subie nos aspirations éthiques et esthétiques. »

Dans son Malaise dans la civilisation, il écrivait ceci, que nous avons utilisé pour interpréter la féline de Tourneur, le film-phare des années quarante :

« Si la civilisation impose d’aussi lourds sacrifices, non seulement à la sexualité mais encore à l’agressivité, nous comprenons mieux qu’il soit si difficile à l’homme d’y trouver son bonheur.»

Il ajoutait cette remarque stupéfiante :

« Que nous importe enfin une longue vie, si elle nous accable de tant de peines, si elle est tellement pauvre en joies et tellement riche en souffrance que nous saluons la mort comme une heureuse délivrance ? »

Et dans des lignes magnifiques de son Inquiétante étrangeté (qui nous  servis elle pour décrypter Dersou Ouzala), Freud ajoutait :

« L’analyse de ces divers cas d’inquiétante étrangeté nous a ramenés à l’ancienne conception du monde, à l’animisme, conception caractérisée par le peuplement du monde avec des esprits humains, par la surestimation narcissique de nos propres processus psychiques, par la toute-puissance des pensées et la technique de la magie basée sur elle, par la répartition de forces magiques soigneusement graduées entre des personnes étrangères et aussi des choses (Mana), de même que par toutes les créations au moyen desquelles le narcissisme illimité de cette période de l’évolution se défendait contre la protestation évidente de la réalité. »

 

Bibliographie

Sigmund Freud – L’inquiétante étrangeté ; Pourquoi la guerre ; Malaise dans la civilisation (tous disponibles sur le site universitaire québécois classiques.uqac.ca)

Nicolas Bonnal – La chevalerie hyperboréenne et le Graal ; le paganisme au cinéma (Edititons Dualpha)