RepSit-USA2023 : Révolution à la Chambre ?

Brèves de crise

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RepSit-USA2023 : Révolution à la Chambre ?

... Il est bien difficile de répondre à cette question. L’élection du républicain McCarthy à la fonction essentielle de ‘Speaker’ (Président de la Chambre des Représentants) a été acquise après quatre jours et 14 votes insuffisants. C’est un groupe de vingt députés républicains (aussitôt surnommés “the terrible twenty”) qui a provoqué cet incident prenant aussitôt, et d’ailleurs sans falsification, les proportions d’une crise importante. Le but de ce groupe était d’obtenir des concessions, finalement obtenues, pour rendre le fonctionnement de la Chambre plus “démocratique”. On retrouve là la démarche des plus conservateurs des républicains (populistes et libertariens) rassemblés dans un ‘Freedom Caucus’, de réduire le pouvoir du centre politique avec tous ses instruments et ses procédures, et, pour certains, de réduire la capacité de pression d’un establishment complètement passé sous le contrôle des démocrates sociétaux-progressistes.

Est-ce une révolution (ou une contre-révolution) ? C’est à voir et il faudra voir justement, et sur le terme, le fonctionnement de la chose pour envisager un jugement.

L. Simons, de ‘The Epoch Times’, cite un des députés républicains qui fut un des meneurs des “Vingt” :

« Pour Andy Ogles [républicain du Tennessee], la base de toutes les négociations était d'établir les règles du jeu au Congrès, qui avaient été modifiées au fil des ans au point de devenir méconnaissables. Comme il l'a fait remarquer, les règles d'un jeu déterminent presque toujours le gagnant.

» Il a partagé avec moi une liste de ce qui a été grossièrement négocié à ce jour. Le diable, comme toujours, est dans les détails. »

Dans les quelques descriptions des mesures acquises au cours de ces négociations, il s’agira de distinguer les plus importants et les plus significatifs de ces “détails” où se trouve le diable. Là encore, hypothèses, hypothèses, ; laissées à chacun pour leur détermination :

« 1. Comme cela a été rapporté, il suffira d'un seul membre du Congrès, agissant dans le cadre de ce que l'on appelle la “motion Jeffersonnienne” (“Jeffersonian Motion”), pour proposer de destituer le Speaker s'il revient sur sa parole ou son programme politique.

» 2. Une commission de type "Church" sera formée pour examiner la politisation du FBI et d'autres organisations gouvernementales (probablement la CIA, le sujet de la commission Church originale) contre le peuple américain.

» 3. La limitation des mandats sera soumise à un vote.

» 4. Les projets de loi présentés au Congrès porteront sur un seul sujet, et non pas sur un omnibus avec toutes les affectations de crédits qui en découlent, et il y aura une période minimale de 72 heures pour les lire.

» 5. Le plan frontalier du Texas sera présenté au Congrès. D'après The Hill : “Le plan à quatre volets vise à ‘compléter l'infrastructure physique de la frontière’, ‘fixer les politiques d'application de la loi à la frontière’, ‘appliquer nos lois à l'intérieur’ et ‘cibler les cartels et les organisations criminelles’.”

» 6. Il sera mis fin aux mandats du COVID ainsi qu'à tous les financements qui leur sont destinés, y compris les soi-disant " financements d'urgence. "

» 7. Les projets de loi budgétaires mettront fin aux augmentations sans fin du plafond de la dette et tiendront le Sénat responsable de la même chose. »

ZeroHedge.com’ cite un autre de ces activistes, la députée du Colorado Lauren Boebert, qui insiste effectivement sur l’amélioration de la gouvernabilité ainsi obtenue et, surtout, répond aux critiques des démocrates. Il prend en exemple la remarque du président Biden qui jugeait « embarrassante pour les républicains » la situation de blocage de la Chambre.

« Nous avons changé la façon dont le gouvernement sera financé et la façon dont les commissions seront formées. Nous avons obtenu des votes sur la limitation des mandats, l'impôt équitable, le plan frontalier du Texas, et bien d'autres choses encore. [...]

» N’est-il pas triste que le fait de gouverner comme l'ont voulu les fondateurs semble embarrassant pour les démocrates ?... Je vais vous dire ce qui est embarrassant. Une inflation élevée depuis 40 ans est embarrassante. 5 millions de clandestins traversant notre frontière sud, c'est embarrassant. Se rendre à ISIS et fuir l’Afghanistan, c’est embarrassant. Avoir un président qui ne peut pas finir une seule de ses phrases, c’est embarrassant. »

On comprend fort bien tout cela et l’on se trouve placés devant l’interrogation : est-ce une simple mise à niveau, sinon un coup d’épée dans l’eau, ou est-ce une révolution ? La réponse presque automatique serait : mais que voulez-vous faire de ces gens-là, – on parle de McCarthy, ici, – sinon ce qu’ils ont toujours fait, marcher au pas cadencé du Système ?

Mais nous ne sommes pas là pour développer le refrain du “business as usual”, – tant d’autres le font à notre place, avec ce mépris et cette arrogance traditionnellement nihilistes qui leur permettent de s’intituler critiques du Système ou de ce que vous voulez du genre, même les antiSystème trop bêtes pour abattre le Système, sinon complices de lui. Nous sommes là pour tenter de distinguer ce qui, dans ce courant de simulacre où parfois se glisse une vérité-de-situation, – justement là pour tenter de distinguer ce qui pourrait en être une, une VdS quoi... D’où nos hypothèses, fondées sur l’expérience et sur ce que ces temps-devenus-fous nous ont montré qui peut échapper au contrôle du “business as usual” ; il y a eu déjà quelques-unes de cette sorte de dérapages, ces temps derniers, de Trump à ‘Ukrisis’ ...

Sur le fond d’un travail législatif régénéré, notamment par les nouvelles dispositions pour former des commissions qui peuvent n’être pas paralysées par des nominations intempestives qui seraient dénoncées par les “terrible twenty”, avec menace pour l’un d’eux de mettre le ‘Speaker’ en accusation, ouvrant un débat dangereux, – dans ce cadre, deux hypothèses nous intéressent, qui ne dépendent nullement l’une de l’autre.

Première hypothèse : une nouvelle “Commission Church”

Qui n’a pas vécu les heures glorieuses de la Commission Church (sénateur Church, prématurément décédé d’un cancer en 1984), en janvier 1975-avril 1976, ignore comment un monstre tel que la CIA peut se trouver publiquement mis en pièces et trembler jusque dans son fondement. On voit que la référence à la Commission Church est offerte pour envisager d’enquêter sur au moins trois sujets : la ‘weaponization’ du FBI d’une part, de la CIA d’autre part (‘weaponization’, c’est-à-dire la politisation d’un service public avec des méthodes illégales, jusqu’à la violence, au service d’un parti pour détruire l’autre parti, ou une fraction, ou un homme : Trump en a fait l’expérience et le FBI notamment y a gagné la réputation d’une organisation fasciste qu’il n’eut même pas sous la dictature de Edgar J. Hoover, – c’est dire). Le troisième sujet, c’est la possibilité explosive d’enquêter sur la famille Biden, père & fils, avec Hunter en tête de liste.

C’est simple : ou bien tout cela n’est qu’un peu de vent vite étouffé selon le choix des parlementaires impliqués, ou bien on débouche sur du très-dur et l’on peut aller jusqu’à des avatars catastrophiques sinon révolutionnaires. Tout est possible, absolument tout, d’autant qu’il est probable que des activistes républicains feront pression pour y être présents... Au départ et malgré l’atmosphère du Watergate qui s’estompait déjà, la nomination de la Commission Church était par avance enterrée comme du “business as usual”. Certes la CIA s’en sortit, mais au prix d’une purge gigantesque, et surtout elle y acquit une réputation d’illégalité (et de ridicule incompétence dans certains cas) qui ne l’a plus quittée et qui peut se rallumer en un terrible incendie selon les circonstances.

Deuxième hypothèse : la frontière Sud

Comme on l’a lu, la situation sur la frontière Sud recevra une attention toute particulière. C’est une orientation extrêmement importante, parce cette situation est réellement catastrophique. Cela signifie que tout le pays, tous les parlementaires en seront informé, alors que, jusqu’ici, l’administration Biden a tout fait pour réduire la communication à cet égard au niveau, avec en plus une Harris chargée de cette crise et l’administrant avec une incompétence qui relève de la maestria du miracle.

La mise en évidence de la crise du Sud peut constituer un point essentiel qui touche, comme on le comprend évidemment, aussi bien la situation intérieure que la situation extérieure. Un aspect curieux, ou significatif et choisi c’est selon, est qu’il est admis que, parmi tous les groupes subversifs internationaux, ce sont les groupes narcos des cartels mexicains et centre-américains qui sont les mieux armés et qui reçoivent une part importante, voire la plus importante, des armes transférés par le bloc-BAO vers l’Ukraine et mis sur le marché noir (au moins 30% du volume de ces armes passent au marché noir). Ainsi, la possibilité de faire de la frontière Sud une crise nationale peut entrer en concurrence directe avec la politique de soutien de l’Ukraine, tant directe (transfert d’armements) qu’indirecte (aide financière).

La situation actuelle sur la frontière Sud (Texas essentiellement) est considérée comme étant sous le contrôle militaire des narcos. On peut donc dire qu’il s’agit d’un véritable conflit extérieur menaçant directement la situation intérieure des USA. C’est dans ces termes que cette crise sera traitée si elle devient une des priorités parlementaires, et c’est selon cette orientation qu’elle a été inclues prioritairement dans les concessions obtenues par les extrémistes pour laisser passer McCarthy. Dans ce cas s’établit une contradiction encore plus directement antagoniste entre le conflit de la frontière et celui d’Ukraine.

On sait que si la situation sur la frontière Sud doit être considérée par les USA d’un point de vue militaire (comme cela fut le cas dans les années1980-1985), c’est un contingent de 500 000 soldats US qu’il faudrait pour boucler la zone. Là aussi, on comprend l’interférence énorme avec le soutien à l’Ukraine (comme avec toutes les aventures extérieures US, d’ailleurs). On avait déjà évoqué également un autre aspect de l’influence de ‘Ukrisis’ sur les relations entre les USA et le Mexique, notamment les 2 mars 2022 (extrait ci-dessous) et 3 mars 2022).

« ...Enfin, il ne faut peut-être pas sous-estimer une similitude du conflit entre la Russie et l’Ukraine et les relations Mexique-USA. Après tout, certains pourraient voir dans la bande frontalière Sud des USA, voire dans la Californie elle-même, où des zones importantes sont à majorité Latinos et où la langue véhiculaire est l’espagnol, une sorte de ‘Donbass mexicain’. (Le Donbass, avec sa population à très forte majorité russe.) La similitude peut réveiller des tendances mexicaines qui restent sous-jacentes (la ‘Reconquista’, mouvement réclamant le retour au Mexique des territoires annexés de force par les USA au terme de la guerre avec le Mexique de 1848, de la Californie au Nouveau-Mexique). Cette tendance centrifuge peut jouer un rôle dans l’actuelle crise américaniste, s’exprimant notamment par une grande hostilité à l’encontre du centre fédéral... En d’autres mots, on voit combien la guerre de l’Ukraine constitue une référence universelle et a donc une dimension crisique absolument exceptionnelle. »

L’essentiel est bien entendu la communication. Si la Chambre prend en main cette crise de la frontière, comme il est annoncé, la crise deviendra nécessairement une crise nationale et internationale à la fois, aux multiples ramifications et nombreuses conséquences. On pourra alors dire qu’il y a bien eu une révolution à la Chambre des Représentants.

 

Mis en ligne le 8 janvier 2023 à 16H 45