RapSit-USA2025 : « Don’t Cry for Me, America »

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

   Forum

Il n'y a pas de commentaires associés a cet article. Vous pouvez réagir.

   Imprimer

RapSit-USA2025 : « Don’t Cry for Me, America »

Nous pourrions être parmi les rares à l’attention mal aiguisée, qui, consultant le ‘Youtube’ pour nous Européens, ont trouvé fort léger et fort irrespectueusement marginalisés les vidéos et films spectaculaires sur les non moins spectaculaires événements de Los Angeles. Serait-ce qu’un bon vieux réflexe de soumission auquel nous sommes si fidèles, nous pousserait à montrer le moins possible des déboires de notre Grand-Modèle, de notre Annapurna-culturo-spirituel, de notre-Amérique que nous continuons à vénérer en voulant l’excuser un peu et lui pardonner beaucoup malgré les récentes et dernières en date des enculades de mouche auxquels nous nous soumettons et prêtons avec quel délice...

Cela n’empêche pas, petit-homme européen, que la situation très-profonde, bien au-delà du DeepState qui commence à montrer « des ans  l’irréparable outrage », est en train de changer complètement aux USA. Du  moins sommes-nous de cette façon de voir, dont on va lire qu’elle inspire certaines plumes russes indépendantes.

De ce point de vue, les événements de Los Angeles sont une sorte de “sommet de l’iceberg”. L’on notera d’ailleurs, dans notre référence constante que nous faisons aux événements du même Los Angeles du printemps 1992 (voyez « de L.A.-92 à L.A.-25 »), la différence vertigineuse des situations et des acteurs impliqués. En 2025, il y a, – qui étaient complètement absents de 1992, – une situation de crise complète des USA dans le champ transatlantique et sur les champs ukrainiens autant que dans les remous de la Mer Rouge où l’US Navy bat en retraite devant les Houthis, – et puis encore, un affrontement de haine civile sans précédent entre républicains et démocrates, une Russie largement plus puissante que les USA, un Mexique qui montre toute son attention pour les événements de Los Angeles, prêt à réclamer une rétrocession historiquement nécessaire.

Et ainsi, revenons-y, ce que nous voyons apparaître chez certains commentateurs un peu audacieux, – des Russes notamment, comme déjà dit, parce que seuls les journalistes russes dans les relations de l’ancienne Guerre Froide, montrent audace et indépendance, – c’est l’idée qu’une nouvelle élite de la droite populiste américaine s’engage dans une démarche de complète et radicale restructuration des USA. C’est le DOGE de Musk, qui faisait fine plaisanterie à ses débuts mais qui s’avère plus sérieux qu’on ne croit, comme un signe avant-coureur à prendre au sérieux. Le père d’Elon Musk est allé à Moscou pour ses vacances, naturellement ; en passant, il a rencontré Poutine et a bu un pot avec lui sur la Place Rouge, lui assurant que la querelle Trump-Elon est un peu de vent qu’un peu de sable efface, et qu’au contraire ces deux-là font partie d’une “nouvelle droite” (populiste) qui veut démolir le monstre washingtonien pour sauver l’Amérique des aventures des fous des asiles périphériques. Pour cela, on va dégraisser, et vite, et changer bien des choses dans les structures US.

Cela n’est pas complètement nouveau ni inattendu pour ceux qui prêtent un peu de leur attention, par exemple à nos écrits...Parmi les très nombreux articles que nous avons consacrés à ce jour/ce discours oublié, ignorés par tous nos spécialistes largement rémunérés et obnubilés par la chose du 11 septembre 2001 (9/11), – sur ce jour du discours de Rumsfeld du 10 septembre 2001 (9/10, non ?), voici deux articles, du 4 septembre 2016 et du 19 juillet 2022. Prêtez attention surtout au second, parce qu’il montre bien l’“actualité” persistante (21 ans plus tard !) du discours de Rumsfeld, comme annonciateur des nécessaires et terrifiantes réformes bureaucratiques qui vont conduire les USA à une complète auto-transformation (mot aimable pour autodestruction) conduisant à différentes formules, variations autour  de la formule radicale de la sécession.

Pour lever un coin de voile sur la façon dont ces indépendants russes dont nous parlions plus haut s’intéressent à ce problème en y flairant les alizés déguisant sous leur aspect si aimable et gracieux des bouleversements extraordinaires qu’aucune mesure humaine n’est capable de décrire... Au départ, un alizé définit, en français du XIIème siècle :

le « caractère lisse, poli et délicat de ces vents mesurés qui soufflent avec régularité, ni trop ni trop peu, plus ou moins languides ou vigoureux selon les saisons. »

Ainsi, attirés par d’autres événements à l’aspect grossièrement spectaculaire et aux facilités offertes à l’activité faussaire du simulacre, ne voit-on pas venir ces transformations radicales. Nous nous risquons à proposer un texte du Russe Vitali Kiseliov de ce 11 juin 2025, – pourtant conscients de son caractère assez hermétique, à notre avis du en partie à la traduction du russe, en partie à la volonté de l’auteur de dissimuler certaines hypothèses et possibilités d’action chez cette “nouvelle droite” américano-populiste. Selon nous et notre estimation d’une situation nécessitant des mesures radicales très urgentes, cet article explore les possibilités de changements structurels fondamentaux pour réduire le “centre” américaniste à son plus simple fonctionnement possible et accorder la plus extrême liberté, presque jusqu’à des situations d’autonomie proche de la sécession, aux composants de l’ensemble, ces “États” que l’on qualifie d’Unis pour la polus grande satisfaction de l’Amérique... Comme aurait pu dire Evita : « Don’t Cry for Me, America ».

Le titre complet de l’article est :

« L’Amérique à fleur de peau : comment les élites de droite écrasent l'empire »

« L’Amérique à fleur de peau

Comme je l'ai écrit précédemment (texte en russe du 4 août 2024), l'Amérique moderne traverse une période particulière de transformation, dont l'un des moteurs est constitué par les représentants des élites de droite dirigées par Trump, Musk et Bannon. [Steve Bannon, un temps conseiller stratégique de Trump en 2016-2018n, actuellement “influenceur” majeur de la droite populiste à partir de son site ‘War Room’.]

Si auparavant, le principal facteur de déstabilisation – et surtout de transformation – du système politique était, par exemple, l'équipe Trump, un nouveau facteur émerge aujourd'hui. Il serait toutefois plus juste de parler d'une nouvelle subjectivité au sein du mouvement, caractérisée, d'une part, par une séparation/sécession lointaine [des pouvoirs en place], mais néanmoins effective (il s'agit d'un programme maximal).

D'autre part, comme programme minimal, nous assisterons à la formation d'une autonomie particulière des États et des gouvernements régionaux par rapport au “big government” fédéral. Et c'est très intéressant, car face à des États-Unis prêts à se rebeller, nous voyons comment les élites démocratiques affaiblies défendent leur subjectivité sous un nouveau format : celui d'une situation politique intérieure chaotique, afin d'atteindre certains objectifs et résultats.

À mon avis, en quelque sorte, en auto-contrôlant le gouvernement fédéral ou en le forçant à prendre en compte ses intérêts – si, bien sûr, Trump s'effondre et perd le contrôle de la situation. Et le plus intéressant, c'est que cela pourrait convenir, du moins dans la situation actuelle, aux autres partenaires de Washington au sein de la communauté occidentale.

Cependant, ne nous emballons pas. Il est clair que cela contribuera de facto à la véritable formation d'une autonomie stratégique pour les autres membres de la communauté occidentale. Il est d'ailleurs très intéressant de constater que de nombreux observateurs aux États-Unis perçoivent les purges de l'appareil gouvernemental précisément sous l'angle du fait que les purges dans le domaine de la sécurité nationale réduisent non seulement l'efficacité, mais aussi l'influence des institutions étatiques.

Il faut cependant comprendre que certaines coupes budgétaires dans l'appareil de sécurité nationale semblent rationnelles. Par exemple, le Conseil de sécurité nationale comptait 34 personnes au début des années 1970, contre environ 50 au début des années 1990, avant de dépasser [aujourd’hui] les 600.

De ce point de vue, il est intéressant de noter que la presse occidentale a pour la première fois qualifié les États-Unis d’“État failli”. De plus, les États-Unis de facto sont entrés dans une phase qui s'apparente aux prémices d'un État failli.

On le constate sous la forme d'une crise de légitimité, qui se manifeste par la politisation de la fonction publique et du ministère de la Justice, des attaques impitoyables contre la presse (par exemple, de l'administration Trump aux administrations démocrate et Biden, en passant par les médias de droite, etc.), des pressions sur la société civile, sur les établissements d'enseignement fédéraux et un remaniement de l'appareil étatique.

Et surtout, l'incapacité (même en tenant compte de la période de transition actuelle du cabinet Trump) à établir un certain équilibre entre les élites et les différents groupes de pression, et bien plus encore. »

 

Mis en ligne le 11 juin 2025 à 13H15