RapSit-USA2023 : Destitution ?

Brèves de crise

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RapSit-USA2023 : Destitution ?

Ceux qui ont sont assez âgé et qui garde toute une bonne partie de leur leur tête feront l’extraordinaire différence entre l’extraordinaire furie qui accablait Nixon lorsque, au printemps 1974, on évoquait la possibilité d’une mise en accusation pour un procès en destitution (il préféra démissionner) et le silence palpable, respectueux,– certains tentés par l’ironie diraient “très digne”, – qui accompagne l’annonce par le Speaker de la Chambre des Représentants de la mise en accusation de Biden. Dieu sait que ce qui était reproché à Nixon était infiniment moins grave que ce que l’on observe avec infiniment d’indulgence à Biden.

Autres temps, autre infamie, tant nous avons à cet égard pulvérisé tous les précédents d’hypocrisie et d’infamie. Passons à autre chose.

Une bonne façon d’aborder une description de la vie politique US, sous l’actuel empire de cette « apparition à l’aspect flétri qui erre sur la scène en essayant de serrer la main d’êtres invisibles, faisant périodiquement des faux pas ou trébuchant et tombant à plat ventre, avant de crier “Je vais bien !” », – c’est évidemment l’humour dévastateur, la dérision, la satire la plus mordante possible. C’est la meilleure arme contre cette paralysie totale du jugement et de la liberté de caractère de tous ceux qui forment les troupes et hordes grouillantes et privilégiées des zombies composant les élites-Système ; surtout, bien entendu, mention spéciale pour le fameux “Quatrième Pouvoir” que prétendait être, dans les temps d’illusion, la presseSystème.

Notes de PhG-Bis : « On vient ici de citer Orlov dans son texte du jour. PhG nous a confié avoir lu ce texte avec délice et plusieurs moments d’un fou-rire plein de santé : “Je crois qu’avec cette incroyable ménagerie, grotesque et bouffonne, que nous voyons sur la scène de la direction de l’américanisme, seul le rire est de circonstance ; le rire à la fois furieux et méprisant, et plein d’une joie grandiose devant la valse des saucisses de Paraz, le rire de la parodie grandiose et de la caricature sans frein ; et qu’ainsi, en vérité, ils apparaissent pour ce qu’ils sont, dans leur  complète inexistence, dans leur néantisation, dans leurs diverses combinettes qu’ils font minables et vulgaires. Orlov a fait un travail magnifique, du Swift et du Céline remis au goût du jour et au gré des circonstances... Quant à la destitution, c’est un autre propos, même s’il ne fait que confirmer le spectacle incroyable que décrit Orlov à sa façon.” »

Il faut aussitôt ajouter que McCarthy a mis du temps à prendre sa décision malgré l’écrasante évidence du cas. Le Speaker de la Chambre s’est trouvé dans l’extrême de la situation ambiguë qui accompagna son élection. Pour cette élection, il avait besoin d’une minorité de la droite dure, les ‘jeunes loups’ du Liberty Caucus, – une vingtaine de jeunes députés républicains, trumpistes et populistes, menés notamment par Marjorie Taylor-Greene (MTG). Cette minorité est déchaînée contre les mandarins du parti républicains, ou RINO (‘Republicans In Name Only’), et elle soupçonné McCarthy d’avoir des accointances de ce côté. Leur choix en faveur de son élection s’est donc accompagné de plusieurs conditions concernant leur soutien, c’est-à-dire le maintien de McCarthy à son poste. Ils tiennent donc McCarthy par ce qu’on imagine. C’est ce que disait MTG la semaine dernière lorsqu’elle annonçait qu’elle était certaine que la procédure de mise en accusation serait lancée la semaine suivante [cette semaine].

Voilà qui est fait...

« Le président de la Chambre des représentants des États-Unis, Kevin McCarthy, a annoncé l'ouverture d'une enquête formelle de mise en accusation concernant les profits que le président Joe Biden aurait tirés des transactions commerciales de son fils à l'étranger. M. Biden, a déclaré M. McCarthy, a supervisé une "culture de la corruption".

» Lors d'une brève allocution devant les journalistes au Capitole mardi, M. McCarthy a déclaré que les républicains avaient "découvert des allégations sérieuses et crédibles sur la conduite du président Biden". Prises dans leur ensemble, ces allégations dressent le tableau d'une culture de la corruption".

» Au cours des derniers mois, la commission de surveillance de la Chambre des représentants et la commission judiciaire de la Chambre des représentants, dirigées par les républicains, ont publié des preuves suggérant que M. Biden et sa famille ont reçu environ 20 millions de dollars en paiements par l'intermédiaire de sociétés écrans de la part des partenaires commerciaux de son fils Hunter en Ukraine, en Chine, en Russie et au Kazakhstan. 150 de ces transactions ont été qualifiées de "suspectes" par le département du Trésor américain, a déclaré M. McCarthy. »

Comment peut-on évaluer les conséquences de cette décision, à la fois sur la position des démocrates, à la fois sur celle des républicains, et même sur les deux tendances des républicains, – ainsi que sur les élections de 2024 bien sûr ? En fait, la première évaluation des perspectives de cette décision qu’on devrait faire est celle de l’impossibilité de présenter une perspective sérieuse, tant le désordre est grand à Washington ; on pourrait même ajouter que l’arrivée de cette situation, c’est-à-dire la mise en accusation du président, est en soi un élément de désordre même si cette démarche devrait-être considérée en théorie comme la possibilité d’une sanction contre un comportement qui compromet l’ordre nécessaire au fonctionnement du gouvernement.

On voit ci-après certains éléments de cette perspective avec les effets objectivement prévisibles, dans une atmosphère la tension qui ne cesse de monter, qui connaît une intensité, une fureur et une haine incroyables. Cette tension est bien illustrée par une intervention du présentateur de MSNBC Dean Obeidallah

« Le chroniqueur de MSNBC et animateur de radio progressiste Dean Obeidallah a déclaré que Donald Trump “doit mourir en prison” pour servir d'exemple au public, après que l'ancien président a été inculpé dans quatre affaires criminelles. »

Ambiance, ambiance... Encore cela n’est-il qu’un exemple parmi un déluge en constant renforcement, notamment d’attaques d’une violence inouïe contre Trump. Le processus de mise en accusation va évidemment renforcer ce courant. On en examine ici certains aspects, en privilégiant l’hypothèse que le Sénat ne votera pas la destitution.

Le processus lui-même

Comme l’on sait, une destitution comprend une sorte d’enquête, la constitution du dossier à charge par la Chambre qui a décidé elle-même de cette procédure. Cela implique à la fois la publicité de documents et des auditions de témoins devant la commission judiciaire qui est contrôlée par des républicains de tendance trumpiste/populiste.

Ensuite, le dossier de mise en accusation va devant le  Sénat qui juge le président et décide ou non de sa destitution. La perspective est sans guère de doute que le Sénat, qui est une assemblée acquise au Système et n’a guère d’activistes dans ses rangs, ne votera pas la destitution. 

On peut alors augurer que l’enquête de la Chambre voudra surtout rendre publiques le plus possible d’éléments de discrédit du président et surtout de ses divers moyens de pouvoir à tendance autoritaire (la Justice, le FBI, la presseSystème, etc.). Ces révélations devraient encore plus exciter la vindicte des démocrates et discréditer le Sénat s’il ne vote pas la destitution.

Conséquences pour les démocrates

Le déchaînement auquel on assiste et qui continue à enfler va dépasser tout ce qu’on peut imaginer, d’autant plus que les démocrates se sentiront en position difficile. Il sera d’autant plus fort, d’autant plus au-delà “de tout ce qu’on peut imaginer” que les démocrates et Biden ont le soutien forcené de la presseSystème et de l’essentiel des organes officiels de communication. On entrera alors dans de zone de “l’appel au lynch” (de Trump, par exemple) et d’encouragement à une sorte d’“insurrection légale”.

Conséquences pour les républicains

Face au déchaînement démocrate, la scission interne des républicains devrait s’accentuer énormément, avec un renforcement de l’aile populiste soutenu éventuellement par des pressions populaires. On se trouverait alors au bord d’une rupture complète de l’État de Droit puisque, des deux côtés, des élus en viendraient à soutenir, ou à accepter d’être soutenus par des mouvements populaires quasiment insurrectionnels.

Et s’il y avait tout de même destitution ?

Perspective inimaginable, tant elle contient d’inconnus tous plus explosifs les uns que les autres... C’est-à-dire qu’on accueillerait avec intérêt des avis sur la perspective d’une “présidente Harris” ; la perspective des candidatures si Biden est automatiquement mis hors-jeu ; la perspective de position de Harris devenue présidente pour l’élection de 2024 ; etc.

Désordre, désordre, suite...

... On peut même envisager que le vote du Sénat sur la destination n’ait pas lieu avant les élections. Les hypothèses, propositions, constructions et complots ne manquent pas.

En fait cette affaire des destitution constitue d’abord une sorte de légalisation, d’officialisation et de symbole de la situation inextricable où se trouve le pouvoir US. Cette catastrophe venant ponctuer une situation elle-même en tous points catastrophique a avec elle la logique de l’irrémédiable ; non pas parce qu’elle élimine un homme ou modifie une politique mais parce qu’elle met légalement à nu la crise totalement existentielle des USA.

 

Mis en ligne le 13 septembre 2023 à 14H35