Qu’est-ce que c’est qu’une crise, qu’est-ce que c’est que la normalité?

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Ce week-end, il y a eu beaucoup de commentaires sur la crise française. Surtout des commentaires anglo-saxons avec les ricanements qu’on imagine, certains l’élargissant à la dimension continentale, comme Timothy Garton-Ash dans The Guardian du 11 novembre. La sensation est effectivement celle d’un événement apocalyptique, — français ou européen, ou occidental, c’est selon la tendance du commentateur.

Tournons-nous vers le champ de bataille… Crise apocalyptique? Quelle crise? Où ça, la crise? Des interrogations étonnantes qui vous viennent en écoutant (d’après une dépêche Reuters de ce midi) Michel Gaudin, directeur général de la police nationale, qui a retrouvé sa sérénité, qui nous dit que « Les choses pourraient se normaliser très très rapidement ».

Des précisions chiffrées vous découvrent le pot aux roses : « Au total [pour la nuit de samedi à dimanche], 374 véhicules ont été brûlés, dont 298 en province et 76 en Ile-de-France, ce qui représente une baisse de 25% des incendies de ce type. Ces chiffres sont à comparer aux 502 véhicules brûlés, dont 86 en région parisienne et 416 en province, dans la nuit de vendredi à samedi.

« “C'est quasiment le chiffre normal pour la région parisienne”, a précisé Michel Gaudin, relevant que la moyenne d'incendies de véhicules en Ile-de-France en “temps normal” était d'une centaine durant le week-end et de “40 à 50” en semaine. »

Alors, où est la crise? Ou plutôt : qu’est-ce que c’est qu’une crise, aujourd’hui? Les films qu’en fait la TV? Les humeurs des commentateurs? Les talk-shows et les équipes anglo-saxonnes envoyées sur place et qui doivent bien ramener quelque chose? Tiens, imaginez qu’il ait plu à torrents, style-Katrina en un peu plus civilisé, chaque jour, entre le 27 octobre et le 13 novembre, qu’est-ce qui se serait passé? (Nous voulons dire : ça brûle moins quand il pleut, et puis ça mouille, on préfère rester chez soi.) Par ailleurs, dans le même souffle (c’est le rapprochement qui est joli), nous apprenons qu’on peut se payer de “40 à 50” voitures par nuit, en semaine, et que c’est très bien, — une sorte de sport national des banlieues, — cela remplace la TV et les bistrots du temps jadis. Rien d’une crise, ça, simplement la “normale saisonnière”, la normalité.

Enseignement de la “crise des banlieues” : le plus difficile, aujourd’hui, est de savoir quand la normalité est une crise dissimulée et quand une crise est la normalité joliment fardée. Parfois, c’est les deux en même temps. Qu’en dira-t-on dans six mois? Voilà qui est intéressant. Restez aux aguets, virtualisme en bandoulière.


Mis en ligne le 13 novembre 2005 à 18H21

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