Querelle sur le pont en forte gite du ‘Titanic

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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Querelle sur le pont en forte gite du ‘Titanic

11 septembre 2024 (17H45) – ... Tant il est vrai qu’il faut, pour conclure à propos d’un débat qui n’eut jamais vraiment lieu puisque à trois (Kamala + les deux modérateurs d’ABC) contre un, en venir à cette métaphore de Maria Zakharova, hier matin et superbement dédaigneuse autant que superbe elle-même : “Qui s’intéresse à une querelle sur l’emplacement des chaise-longues un quart d’heure avant la rencontre avec l’iceberg ?”

Voici dans le texte :

« S’exprimant sur Radio Sputnik mercredi, elle [Zakharova] a déclaré qu’elle ne considérait pas cet événement comme de très grande importance. Cela importait autant que l’issue d’une hypothétique querelle à bord du Titanic au cours de sa traversée de l’océan Atlantique, a-t-elle affirmé.

» “Qui a gagné, selon vous ? Pourquoi cela aurait-il de l’importance ? L’iceberg est à 15 minutes”, a-t-elle déclaré.

» Poursuivant la métaphore, elle a déclaré que ni Trump ni Harris n’avaient l’intention ou la capacité de prendre la barre à roue pour changer la trajectoire du navire. L’Amérique est en marche vers un “désastre total et mondial” et le reste du monde essaie de s’y préparer, a-t-elle suggéré. »

La métaphore est réellement excellente, autant que les mensonges et la censure en vitesse surpuissante cette nuit dernière préparent excellement et sans faiblir à l’autodestruction. Je ne sais lequel des deux mènera la barcasse pleines de trous de bois pourri et de sparadraps décollés du bois pourri jusqu’aux catastrophiques chutes du Grand Canyon mais ils auront suscité une grande leçon de chose avant la chute finale. Le mélange mensonges-censure réalisé dans une atmosphère de componction, au milieu des ors et des éclats de ABC.News, le réseau favori et racheté des studios Disney qui créèrent ‘Mickey Mouse’, à leur tour favoris-woke des démocrates et grands amis de Kamala, me convainquit que nous n’étions plus très loin.

C’est alors, me dira-t-on, que j’aurais pu monter sur mon blanc destrier et charger les menteurs et les censeurs, les bateleurs et les saltimbanques du simulacre-bouffe qu’est devenu l’American Dream. J’aurais pu mais n’en ai rien fait : pourquoi, à la fin ? Parce qu’en cet instant fatal du jugement de la tromperie, j’aurais sacrifié au rituel de ce qui n’est plus mon temps, mon époque, mon univers.

Tous ces gens sont grotesques. Je veux dire par là qu’il y a de vrais grotesques, des grotesques irrécupérables, montés à bord en passagers grotesquement clandestins ; et puis les autres, quelques autres, ceux qui le sont moins ou pas du tout, mais qui, en étant obligé de défendre l’enjeu qui est le leur, le font au risque de le devenir. Moi-même, en prenant la tangente pour un instant (vous voyez bien que je suis revenu puisque me voilà en train d’écrire un texte pour vous expliquer comment j’ai pris la tangente), j’ai pu entretenir l’illusion que j’échappais à leurs griffes. Illusion d’un instant, mais je vous l’assure tout de même, – instant d’un bonheur parfait.

... Effectivement, pendant cet instant donc, la fièvre qui habite mes emportements de scrutateurs des événements politiques m’a laissé quelque paix et le “bonheur parfait” a pu se charger d’une lucidité inattendue et extrêmement exigeante. On n’abandonne pas sur un coup du sort les exigences de son devoir principal et absolument intangible comme l’est le Principe même de notre raison d’être.

La perspective des grands champs de la décadence m’est apparue dans toute son énigmatique immensité. J’ai réalisé que rien n’était accompli mais que vraiment, vraiment, tout commençait à s’ébranler en un grondement tellurique, un formidable tremblement souterrain. Effectivement encore, l’événement-bouffe de la “querelle sur le pont en forte gite du ‘Titanic’” m’est apparu autrement que dans son inutilité nihiliste, au contraire comme une borne aux frontières de l’“énigmatique immensité”. J’ai admis qu’il ne pouvait être autrement pour nous tous, que suivre l’irrésistible attraction de la pente cataclysmique de notre destin. Ainsi tout rentrait-il dans l’ordre du désordre ordonné par les forces divines. Même l’inutile et l’insignifiant gagnaient à leur tour une raison d’être : rien de ce qui nous est donné d’affronter ne l’est à fond perdu et, en toutes choses dans cette terrible époque il y a une étape de l’initiation.

En fait, je ne m’attendais certes pas à trouver sous ma plume un terme suggérant une initiation dans le spectacle si consternant et scintillant de lumières faussaires et trompeuses que fut cette querelle sur le pont du grand navire filant vers son destin catastrophique. Mais les dieux se rient bien des hypothèses dont nous parons la chute de nos civilisations, et notamment de celle-ci selon quoi ce “destin catastrophique” doit être illustré d’événements à la mesure de la catastrophe.

D’ailleurs, de quelle mesure s’agit-il ? Là encore, l’on doit s’interroger sur la puissance nécessaire à la réalisation de ce destin catastrophique. Je pense qu’on ferait alors des découvertes bien surprenantes... Enfin, ainsi soit-il.

Dans tous les cas, je remercie la sublime Maria Zakharova. Je sais bien qu’elle a fait cette remarque en tant que Russe et fièrement russe, qui éprouve du mépris et de la rancune pour cet américanisme-occidentaliste qui a traité et traite la Russie, le fruit de sa passion, avec tant d’indolence et de mollesse. Cette passion, c’est la patriotisme, et Dieu sait si les Russes s’y connaissent, – et chapeau bas... Pour autant, cela n’est plus tout à fait mon cas puisque la France s’est perdue, et c’est pourquoi je crois que Zakharova a éclairé un pan de notre “destin catastrophique” sans y penser, c’est-à-dire en dépassant le seul fruit de son patriotisme russe.

Je veux dire que je ne pense pas que les Russes, malgré tout leur beau patriotisme, détiennent la clef de ce destin. Par contre, ils ont assez de vista pour distinguer sa marche inéluctable. Comme le dit Zakharova, il est temps de se préparer à ce « désastre total et mondial » que va être l’effondrement de l’Amérique. L’on comprend bien ce que dit, peut-être involontairement, cette remarque : “l’effondrement de l’Amérique” est bien la marque de celui de notre civilisation. En cela, point n’est besoin d’être Russe ni d’avoir le patriotisme d’un Russe pour bien le comprendre et en prendre la mesure.

Forte gite, iceberg à 15 minutes, – les amis, le pont va tanguer !