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1317Relevant avec son équipe et son esprit brillant d’un premier tour des présidentielles à la gloire de l’équipée sarkoziste, le ministre français des affaires étrangères Juppé nous avait, le 24 avril (voir le 25 avril 2012, sur Antiwar.com) proposé que l’affaire syrienne se transformât en une bonne petite intervention bien légale et internationale. Cette suggestion pleine d’une mesure bien française et bien dans la tradition gaullienne dont se réclame ce ministre, s’appuyait sur l’analyse indubitable que “la communauté internationale”, cette entité magique parée de toutes les légitimités possibles, en avait assez d’être “défié” par le “régime Assad”, évidemment seul et unique coupable des violations du cessez-le-feu ; par conséquent, il serait bon d’envisager de préparer une invasion du pays par l’intermédiaire de l’ONU, dont on attendrait dans ce cas une remarquable unanimité, et cela éventuellement avant le deuxième tour des présidentielles, au cas où...
Le propos est certes ridicule et dérisoire, comme le diseur de la chose, mais il est excellent pour l’esprit de l’entendre ainsi qualifié par un membre de l’opposition syrienne. Ce fut donc le cas, le 27 avril 2012 (selon Novosti) à Moscou. C’est Qadri Jamil, qui dirigeait une délégation du FPCL, organisation d’opposition intérieure syrienne, qui parlait ; à première vue, et même à vue confirmée, pas vraiment des amis d’Assad, puisqu’opposant… Il nous apprit pourtant que Mr. Juppé est à la fois ridicule et provocateur.
«La menace d'appliquer à la Syrie le chapitre VII de la Charte des Nations unies, récemment formulée par le chef de la diplomatie française Alain Juppé, n'est pas réaliste, a estimé vendredi Qadri Jamil, chef de la délégation du Front populaire de changement et de libération (opposition intérieure syrienne), en visite à Moscou. […] “Ces propos sont fantaisistes et provocateurs […]. Leur but est de pousser les forces radicales qui ont perdu en importance vers un extrémisme encore plus accru”, a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse à RIA Novosti.
»M. Jamil a ajouté que ce genre de déclarations donnait à certains courants de l'opposition l'espoir illusoire d'une intervention étrangère. “Certains pays, qui s'attribuent aujourd'hui le droit d'instaurer un nouvel ordre mondial, incitent l'opposition à refuser le dialogue avec le pouvoir, empêchant ainsi d'arrêter l'effusion de sang dans le pays”, a poursuivi l'homme politique.»
Parallèlement, à Moscou toujours, Lavrov a émis quelques considérations sur la situation en Syrie, et les violations du cessez-le-feu. Il n’a jamais été aussi précis et accusateur pour ce qui est des responsabilités, aussi bien celles des “rebelles” qu’il est de plus en plus nécessaire de séparer de l’“opposition”, que celles des pays qui les soutiennent (monarchies du Golfe et les activistes du bloc BAO). Selon Novosti, ce même 27 avril 2012 :
«L'instauration d'un cessez-le-feu en Syrie est entravée par les provocations de groupes armés de l'opposition, a déclaré vendredi sur la chaîne de télévision Rossia-24 le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov. “Le cessez-le-feu, déclaré en application du plan de (l'émissaire spéciale des Nations unies et de la Ligue arabe) Kofi Annan et soutenu par le Conseil de sécurité de l'Onu, ne s'est pas encore affirmé définitivement et ce, pour beaucoup, à cause de provocations de groupes armés de l'opposition, qu'il s'agisse d'explosions, d'attentats ou d'attaques contre les forces et bâtiments gouvernementaux”, a indiqué Mr. Lavrov.
»Et d'ajouter que tout cela visait à torpiller le plan Annan et à susciter l'indignation de la communauté internationale, en essayant ainsi de provoquer une ingérence extérieure. “Nous avons adopté à l'unanimité au Conseil de sécurité de l'Onu une résolution qui exige de toutes les forces syriennes qu'elles arrêtent la violence et toutes les hostilités. Tous ceux qui ont de l'influence sur les forces syriennes, tant gouvernementales que d'opposition, doivent l'employer », a dit le chef de la diplomatie russe.»
Somme toute, cette journée du 27 avril est intéressante… Il semblerait se passer ceci, que les Russes seraient en train d’établir une nouvelle plate-forme de la répartition des forces en Syrie, avec cette visite de l’“opposition” à Moscou, et la sortie de cette opposition contre les extrémistes dialectiques du bloc BAO. Jusqu’alors cette opposition intérieure, qui, outre sa marque démocratique, a seule la légitimité chronologique et de situation d’une contestation constructive de la situation syrienne, était laissée de côté, notamment lors des réunions des “Amis de la Syrie”. Cette mise à l’écart, c’était le sort qu’on lui réservait, essentiellement parce qu’elle est difficilement contrôlable par les manipulateurs du bloc BAO, pas assez maniable, pas assez décidée du tout à installer le désordre en Syrie en commençant par la chute du gouvernement. Ce que les Russes seraient en train de tenter, c’est de donner à cette opposition un statut séparé des “rebelles” manipulés et financés par les forces extérieures de déstabilisation et de déstructuration. On pourrait alors parvenir à une situation qui sortirait du schéma manichéen favori du Système, mais où il y aurait trois forces : le régime Assad, son opposition intérieure, et les rebelles manipulés de l’extérieur. Ainsi ne serait-il plus question de laisser toutes ces forces d’opposition au bloc BAO et aux monarchies du Golfe, pour qu’ils les dissolvent et les pulvérisent jusqu’à leur élimination en les plaçant sous le contrôle des rebelles extérieurs.
Les Russes ont dû prendre des précautions vis-à-vis d’Assad pour lancer cette opération, mais ils ont des arguments convaincants puisqu’ils sont la principale force de soutien du même Assad. D’une certaine façon, l’opération tombe “bien”, en laissant de côté l’aspect éventuellement cynique de la réflexion, puisque l’opposition se trouve à Moscou au moment où les rebelles passent à une tactique terroriste qui va diablement entamer leur argument de dénonciation des pratiques d’Assad contre les civils, et qui va encore plus dresser contre eux cette opposition. Dans le même temps, et toujours selon la même logique des circonstances et d’une évolution importante de la crise, les déclarations des Russes se font beaucoup plus nettes et dures, aussi bien à l’encontre des rebelles que, bientôt, des pays qui les soutiennent et les alimentent en armes.
Mis en ligne le 30 avril 2012 à 06H48