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3206Du temps où régnait la vertu, il suffisait que vous envisagiez la première réserve venue quant à la version officielle de l’attaque 9/11 pour qu’on vous labélisât aussitôt, avec vomissements comme arguments complémentaires, – “complotiste”, ô tare suprême... Avec le putsch avorté de Turquie, si vous ne croyez pas qu’un false flag a été monté de A jusqu’à Z par Erdogan pour renforcer sa dictature, vous êtes aussitôt labellisé antidémocrate et fasciste (sort of....), avec vomissements comme arguments irrésistibles. Le complotisme a perdu ses guillemets et devient une pratique courante de la vertu-Système.
La rumeur, non “la preuve” de celui qui, le premier, a lancé la rumeur, concerne la mention de “my Turkish source” citée d’une façon péremptoire. Il s’agit de Ryan Heath, de Politico.com, organe dont chacun connaît l’impeccable vertu-Système dans la défense de la démocratie et des droits de l’homme au nom du département d’État. Quoi qu’il en soit, cela doit nous instruire, de manière à peine indirecte, de l’importance qu’attachaient Washington et ses compères (les Français en premier !, comme l’explique Bhadrakumar, qu’on verra plus loin), à la chute d’Erdogan. Nous pensons que Peter Lavelle, qui par ailleurs analyse justement la situation générale, n’a pas raison sur un point précis, lorsqu’il dit que les menaces de Kerry sont du business as usual et que Erdogan est de la catégorie chérie par Washington “he is a son-of-a-bitch, but at least he is our son-of-a-bitch”.
« There he goes again – U.S. Secretary of State John Kerry likes to talk big, but his words are regularly hollow – if not downright comical. Kerry calls on Turkey’s President Recep Tayyip Erdogan to “respect democracy,” “rule of law,” and “democratic institutions” or Turkey’s NATO membership could be on the line. Any U.S. official citing democracy and the rule of law should be and is laughed out the room of global public opinion. Erdogan has already started cleansing Turkey of real and imagined dissent. »
Non, certainement pas de notre point de vue qui poursuit et élargit celui du texte du 17 juillet... On vous fait certes grâce des gâteries style “démocratie” et “rule of law” sans aucun intérêt tant qu’elles n’auront pas été également servies à quelques autres coquins du type-Arabie Saoudite sinon entre copains du bloc-BAO, mais par contre c’est à notre connaissance une des premières, sinon la première fois qu’un secrétaire d’État agite contre un pays-membre, et de cette importance encore, la menace d’une “expulsion de l’OTAN” (Kerry parlant, tiens tiens, comme si “l’OTAN c’est nous”, comme si tout dépendait d’une décision souveraine des USA, ce qui est un bel hommage de la vertu de l’inculpabilité-indéfectibilité au vice otanien). C’est une menace très précise, concrète, et dont la signification est importante, sans aucun doute ; même si elle n’est pas mise à exécution ou même si elle ne risque pas de l’être, – qui peut dire quoi dans cette époque si surprenante ? – elle mesure sans aucun doute par sa force de symbole la dureté de la position US et la vastitude du gouffre qui sépare USA et Turquie ; cette vastitude, comme on l'a dit, concerne notamment une question d'une sensibilité extrême, avec le sort de l'anti-Erdogan Gurel, dont Erdogan veut l'extradition, et que les USA n'extraderont certainement pas.
(Et USA pas seuls, non non ! La réaction du dynamique et exaltant Ayraud [voir plus loin] est interprétée comme un signe substantivé par d’autres sources du soutien très actif de la France dans ce qui serait, – complot pour complot, puisque le complotisme est désormais une pratique courante du Système, – une action US, en soutien de l’émigré Gulen selon une logique de manipulation réciproque, contre Erdogan. La France du président-poire, c’est dit, entend n’en rater jamais une.)
Par contraste, on note le coup de téléphone de Poutine à Erdogan, dimanche, chaleureux et amical, qui tend à recomposer le schéma général d’une jolie manœuvre de repositionnement des uns et des autres. MK Bhadrakumar abonde dans le sens d’un événement où les Russes ont activement œuvré pour mettre en échec, autant que faire se peut, notamment en précipitant par leur action de renseignement sur la chose le putsch avorté dans des conditions improvisées, en y ajoutant l’argument de leur volonté d’empêcher une présence maritime US en Mer Noire :
« Putin’s phone call to Erdogan suggests the possibility that Russian and Turkish intelligence are keeping in touch. The two leaders have agreed to meet shortly. The timing of the coup attempt – following the failure of the US push to establish a NATO presence in the Black Sea and in the wake of the Russian-Turkish rapprochement – becomes significant. Equally, the signs of shift in Turkey’s interventionist policies in Syria would have unnerved the US and its regional allies. »
Le texte de MK Bhadrakumar du 18 juillet sur son site Indian Punchline nous paraît excellent pour décrire cette affaire d’un point de vue qui entre nécessairement dans la dynamique antiSystème qui nous importe. Il y écrit notamment, lui qui est connu pour avoir toujours d’excellents contacts tant à Ankara qu’à Moscou, qu’il s’agit d’une affaire qui peut mettre à mal l’alliance occidentale de l'OTAN, ajoutant une référence à un texte de Sputnik.News du même 18 juillet allant dans ce sens :
« Russian President Vladimir Putin did on Sunday what no major western leader from the NATO member countries cared to do when he telephoned his Turkish counterpart Recep Erdogan to convey his sympathy, goodwill and best wishes for the latter’s success in restoring constitutional order and stability as soon as possible after the attempted coup Friday night.
» The US Secretary of State John Kerry instead made an overnight air dash to Brussels to have a breakfast meeting on Monday with the EU foreign ministers to discuss a unified stance on the crisis in Turkey. The French Foreign Minister Jean-Marc Ayrault was in an angry mood ahead of the breakfast, saying “questions” have arisen as to whether Turkey is any longer a “viable” ally. He voiced “suspicions” over Turkey’s intentions and insisted that European backing for Erdogan against the coup was not a “blank cheque” for him to suppress his opponents.
» The US has expressed displeasure regarding the Turkish allegations of an American hand in the failed coup. Indeed, Turkish allegation has no precedent in NATO’s 67-year old history – of one member plotting regime change in another member country through violent means. Clearly, US and Turkey are on a collision course over the extradition of the Islamist preacher Fetullah Gulen living in exile in Pennsylvania whom the Turkish government has named as the key plotter behind the coup. Turkish Prime Minister Binali Yildirim has warned that Ankara will regard the US as an “enemy” if it harbored Gulen. The dramatic developments expose the cracks appearing in the western alliance system. (See the commentary in the Russian news agency Sputnik entitled NATO R.I.P (1949-2016): Will Turkey-US Rift Over Gulen Destroy Alliance?) »
Quant à l’implication des USA (et de la France, oui oui) dans le putsch avorté selon notre complotisme-désormais-autorisé, Bhadrakumar cite d’autres sources allant dans ce sens, fort précises, et ajoutant comme cerise sur le gâteau que, dans la foulée, l’ancien émir du Qatar et grand ami d’Erdogan, accuse l’Arabie Saoudite (qui a voué Erdogan aux gémonies depuis son tournant pro-russe et éventuellement pro-Assad), d’avoir participé au putsch avorté aux côtés des USA et de la France... Décidément, ce n’est pas leur saison, à eux tous.
« Today [18 July], the famous Saudi whistleblower known as ‘Mujtahid’ has come out with a sensational disclosure that the UAE played a role in the coup and had kept Saudi Arabia in the loop. Also, the deposed ruler of Qatar Hamad bin Khalifa Al-Thani (who is a close friend of Erdogan) has alleged that the US, another Western country (presumably France) had staged the coup and that Saudi Arabia was involved in it. (here and here) Meanwhile, word has leaked to the media that in a closed-door briefing to the Iranian parliament on Sunday, Foreign Minister Mohammad Zarif hinted at Saudi and Qatari involvement in the coup. »
On voit dans ce déroulement qui semble s’éclaircir de plus en plus combien les positions des uns et des autres se modifient, Erdogan retrouvant la place qui était la sienne avant 2011-2012, mais en plus par rapport à cette époque avec un terrible passif avec les USA, et les USA eux-mêmes étant dans une position devenue très incertaine qui peut les conduire à des décisions erratiques. (D’où l’on peut se demander désormais qui est le plus instable : Erdogan ou la politique extérieure des USA, – éventuellement en attendant l’arrivée de Trump ?) Cela explique que nous considérions que la menace lancée contre Erdogan ne relève pas de la seule dialectique diplomatique Made in USA, non plus que l’une ou l’autre nouvelle tentative putschiste ne puisse être lancée contre Erdogan ; acculés dans une position de retraite ou déroute générale, disposant pourtant encore de nombreux points d’appui, les USA peuvent se laisser aller à une aventure trop voyante contre Erdogan.
(Il faut noter que l’hybris US a été particulièrement affecté par la visite d’enquêteurs turcs sur la base d’Incirlink, bastion sacré [et nucléaire] de l’investissement stratégique US en Turquie. Cette “perquisition” venant après une interdiction de vol, – sans doute temporaire mais nul ne sait ce qu’il en est exactement, – et une situation confuse à l'intérieur de la base, constitue un camouflet insupportable pour le Pentagone, et par là même pour Washington, et d'une façon générale un sacrilège insupportable. C’est le genre de chose que l’establishment de Washington D.C. inacceptable, et effectivement genre de choses pouvant conduire à faire des sottises, sous la forme d’initiatives très aventureuses.)
Dans tous les cas, on se trouve devant un exemple parfait de l’évolution de la politique par rapport au concept antiSystème. Il y a quelques mois encore, sinon quelques semaines, Erdogan se trouvait dans le camp-Système dirigé et géré par le bloc-BAO, et jusqu’au cou avec sa position en flèche dans le bouillon syrien et avec les multiples liens avec les terroristes. Erdogan n’est pas devenu soudainement vertueux à cet égard, ce dont nous devons bien nous ficher dans le chaos général de la région comme dans une situation générale caractérisée par la confusion, mais le tour de table et les tables tournantes l’ont amené à se tourner à nouveau, grands bras ouverts, vers Poutine, et même, éventuellement, vers Assad. C’est cela qui fait l’antiSystème, pas la vertu frelatée des références démocratiques que ceux qui accusent aujourd’hui Erdogan foulent aux pieds avec tant d’ardeur, eux-mêmes soutenant tous les terrorismes possibles dans leur rage irrationnelle contre Assad, et copinant avec les États (Arabie et le reste) protecteurs des islamistes les plus extrêmes en même temps qu’organisateurs et financiers de toutes les structures du crime organisée globalisé où la direction-Système d’une puissance comme les USA (du groupe Carlyle à la Clinton Foundation) est complètement impliquée...
Par conséquent, il est convenu désormais de regarder Erdogan avec la bienveillance que nous avions eue pour lui au moins jusqu’en 2011, du point de vue qui seul importe, qui est celui de la bataille de l’antiSystème contre le Système. Les circonstances complexes, kafkaïennes, les psychologies exacerbées, le nihilisme des politiques de “l’Empire du Vide”, le déchaînement de la politique-Système, etc., font qu’aujourd’hui Erdogan occupe cette position. L’important de l’exercice est d’avoir assez de souplesse pour suivre toutes ces évolutions, et de garder à l’esprit la seule référence essentielle, et l’unique référence d’ailleurs dans une bataille aussi gigantesque, qui est évidemment la posture antiSystème.
Mis en ligne le 19 juillet 2016 à 11H51
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