Psychanalyse inquiète de notre-Président

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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Psychanalyse inquiète de notre-Président

9 septembre 2020 – Macron est vraiment le président de tous les reflux, de toutes les angoisses, de toutes les folles incertitudes, de toutes « les marées du soir » (malgré son jeune âge et la citation de Montherlant)... Ainsi lit-on, à notre sens, l’analyse du ‘communicant’ Arnaud Benedetti, qui semble plutôt savourer une sorte de fonction de psychanalyste quasiment proche de la magie rassurante par la voie du symbolisme, maître dans l’art de la ‘psychanalyse de l’enfance’.

Passons outre et à un autre paragraphe... Voilà comment, toujours et prudemment ‘à notre sens’, la très-récente causerie de Macron au coin du bois relève-t-elle de plus en plus du tour de France sans fin d’un président-enfantin nous confiant ses préoccupations apeurées, de la sorte qui doit l’empêcher malheureusement, sous l’aiguillon funeste et cruel de ses préoccupations, de se laisser docilement et maternellement emporter dans le ‘do-do-l’enfant-do’ réparateur de nos primes-enfances hors-genre et enfui de nos souvenirs, “réparateur” mais soumis à question, “maternellement” mais sacrément soupçonné d’être un “privilège de marmot blanc”.

Ainsi de son interview de mercredi soir, pour entendre la voix chaude et dynamique de notre-président en incursion salvatrice dans ‘les territoires’, – plutôt “quelques territoires des campagnes de la République” que le tout-net et trop-net “les territoires de la République“ dont on craint tant qu’il soient perdus ; ici après les grandes pluies sudistes, produits de l’incompréhensible colère des dieux qui semblent par instant prendre le relais des fausses-vraies attaques marseillaises du Covid parisianisé, suscitant les vraies-fausses insurrections marseillaises, pagnolesques et si attristantes par rapport aux promesses de la globalisation, quoique bombastiquement jubilantes, – « Tu me fends le cœur ! .. Pas vrai Escartefigue, il nous fend le cœur ! » ; car enfin,  “Il me fend le cœur, et à toi il ne te fend rien !”, dit César s’adressant au président-parisien venu porter la bonne nouvelle des sachants décidés à faire capituler sans condition l’infâme Covid.

« L’interview de ce mercredi d’octobre avait sans doute pour objet de planter le décor d’un chef d’État bivouaquant au milieu des secours, mais l’impression qui s’en dégageait était peut-être d’abord celle d’un homme au cœur des décombres », écrit Benedetti

Ainsi est-il fait bon cas de la ‘parisianité’ dans cette sorte d’occurrence, comme si cette sorte de président-GJ (pour ‘Gilets-Jaunes’) venait en province, dans l’intimité étoilée des bivouacs napoléoniens, pour tenter de restaurer un symbole emporté par les crues épouvantables de la nature déchaînée malgré les offrandes vertes et bio-diversifiées, à l’image des peuplades racisées de la France-séparatiste d’elle-même... Comme si le “séparatisme” dont Macron nous parle avec audace avant de reculer d’un pas, comme Grouchy devant Blücher, concernait d’abord et avant tout le pays français d’avec lui-même, la « Douce France » séparée du « Cher pays de [notre] enfance »

Voici donc encore un peu du professeur Benedetti qui se fait docteur Benedetti le temps d’un bivouac, – sachant qu’avec Macron, c’est “de bivouac en bivouac”, pour confier au « cher et vieux pays » les angoisses pubères d’un président craignant, averti par ses conseillers en com’ de possibles dérapages, de rouler vers les terreurs enfantines, quasiment « Like a rolling stone »...

« Emmanuel Macron dont on sait l’appétence pour le symbolique déroulait un discours dévoré par le poids d’un décorum à la Beckett suggérant inconsciemment que l’atmosphère «veillée d’armes» recherchée ramenait surtout à la sensation lancinante d’une «fin de partie». La magie des symboles n’opérait plus ou comme à rebours. »

Certes, je ne peux m’empêcher de présenter ce texte d’Arnaud Benedetti que je trouve ma foi fort bien troussé sur le ton que l’auteur, me semble-t-il, a choisi d’adopter ; et ton diablement juste, pour ce qu’il me semble et qui “nous semble”, ici, sur ce site, toutes précautions dehors ; ton à la fois inquiet, compatissant, indulgent, vis-à-vis d’un président qui, vraiment, ne nous veut que du bien. L’impression prévaut, en marge de ces catastrophiques colères de Mother Nature comme disent nos amis et modèles américanistes, que nous nous trouvons dans une sorte de pouponnière de la communication, à suivre Macron à la trace. Pouponnière jupitérienne ou pouponnière séparatiste, c’est selon, mais pouponnière à tous les coups.

« Mère, voici vos fils qui se sont tant battus » écrivait sublimement Péguy, comme en prémonition à l’affreuse tuerie de 1914 ; “Mère, voici ton fils qui préférerait ne pas être tant battu”, dit-on à l’exemple d’un Péguy de bon aloi quoique méchamment caviardé, entreprenant de lui consacrer quelques minutes, pour le rassurer, le materner, et préparer son communiqué commun avec Mama-Merkel sur l’avenir radieux de l’Europe-Berlaimont.

Aparté : cette Europe, elle me ravit, elle est toujours là, même aux bivouacs, mais pour s’ouvrir résolument en tournant le dos aux clochers et aux flots tumultueux d’une nature furieuse de voir ces « cher et vieux pays » frileusement repliés sur eux-mêmes et attirant, les benêts, la colère d’un Zeus climatiquement fort-inquiet et citoyennement-concerné. Avez-vous remarqué, comme le fait remarquer Olivier Rey dans ‘L’idolâtrie de la vie’ (Gallimard, Tracts, juin 2020), que « sur les billets en euros ne figurent que des portes et des ponts : manifestement, la possibilité du confinement n’était pas prévue au programme ».

Ah, mauvais esprits pourfendeurs de notre-Europe comme de notre-Président, – mauvais esprit décidément tu es bien trop là, frappant déjà tes sinistres trois-coups de si triste et mauvais aloi, – mauvais-esprit, esprit-frappeur, – du vent, du balai !

Je vous laisse vous plonger dans la fiche que le professeur Benedetti, un connaisseur, consacre aux dernières tribulations psychanalytiques de notre-Président. (Soyons juste et fair-play quant à l’emprunt : dans ‘Figaro-Vox’ du 8 octobre 2020, sous le titre de « Arnaud Benedetti: “L’interview d’Emmanuel Macron ramène l’État au centre du débat”. »)

PhG – Semper Phi

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Ramener l’État au centre du débat

C’est le Macron réparateur qui s’est présenté aux Françaises et aux Français ce mercredi soir après une visite dans les communes sinistrées du sud-est du pays. Le président de la République ne fait pas la pluie et le beau temps mais il entend incarner à tout le moins le vecteur de toutes les compassions et de toutes les solidarités de la Nation pour ses terres cicatrisées. Cette «reterritorialisation» d’un chef de l’État , élu sur l’idée d’une France mondialisée en lieu et place d’une France enracinée, souligne en creux et à son corps évidemment défendant qu’Emmanuel Macron, après plus de trois ans de mandat, constitue une «étrange marque sans actifs», c’est-à-dire dénuée d’implantation locale et dépourvue d’un tissu éprouvé de militants.

Ce président «décentré» au regard de ce que fut l’histoire qui le produisit semble courir après la France. L’interview de ce mercredi d’octobre avait sans doute pour objet de planter le décor d’un chef d’État bivouaquant au milieu des secours, mais l’impression qui s’en dégageait était peut-être d’abord celle d’un homme au cœur des décombres. Les mots étaient-là, toujours volontaires dans leur tonalité, convaincus de la pertinence de l’action publique en ces temps incertains, vantant la réactivité de l’État, déployant en quelque sorte le «SAV» de son gouvernement, comme si les visites de ses ministres et de son chef de gouvernement n’avaient été que les gradations préliminaires de cette assomption compassionnelle de la puissance publique.

Néanmoins, la parole du président était comme effacée par la scène, une scène entêtante, où le visuel évacuait l’argumentation, où l’œil était convoqué comme pour rechercher la métaphore du moment. Emmanuel Macron dont on sait l’appétence pour le symbolique déroulait un discours dévoré par le poids d’un décorum à la Beckett suggérant inconsciemment que l’atmosphère «veillée d’armes» recherchée ramenait surtout à la sensation lancinante d’une «fin de partie». La magie des symboles n’opérait plus ou comme à rebours. Elle dévoilait l’anxiété, l’impuissance d’une sémantique, ou les fragments d’un discours qui s’efforçait de construire et de trouver le fil de sa cohérence: saisir l’instant catastrophique pour rappeler la dimension protectrice de la fonction présidentielle, tant sur l’environnement que sur le sanitaire.

Communication de ritualisation bien plus que d’annonce, de réassurance que de projection, l’interview présidentielle était loin des envolées transformatrices et réformatrices de l’épiphanie de 2017 et du début de mandat. Elle ramenait l’État au centre du débat, une centralité dont on ne sait à vrai dire si elle constitue le dernier recours pour préserver la France ou l’ultime secours pour sauver son chef.

Arnaud Benedetti