Pourquoi ne pas transporter l’Irak en Californie ?

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Pourquoi ne pas transporter l’Irak en Californie ?


15 mars 2006 — Il est possible qu’un jour la bureaucratie du Pentagone se réveille en s’exclamant ‘eureka’, — car, au fond, pour gagner en Irak, ne suffirait-il pas de le transporter, voire de reconstruire l’Irak en Californie? Il sera bien plus simple, avec Schwarzenegger comme commandant en chef, de convaincre les Irakiens que la démocratie américaniste c’est le meilleur des régimes sauf qu’il n’y en a pas d’autre qui soit pire. (D’autant plus, imaginez cela, que les barbus iraniens auront sans aucun doute plus de difficultés à alimenter les terroristes en voitures-IED. Une pierre, deux coups.)

En attendant ce jour heureux, la même bureaucratie envisage, disons pour un début, de construire des routes spéciales et nouvelles en Irak, des routes ‘anti-IED’ si vous voulez… (Ah oui : IED pour Improvised Explosive Device, ce qui, en bon anglo-américain hollywoodien, se traduit par : ‘voiture-suicide’.) Alors, on construit ces routes ($167 millions proposés cette année pour la chose, ce n’est qu’un début) ; on les camoufle, on met des voies à double sens pour tromper les IED, on met des pancartes ‘interdit aux IED’ et la bataille est gagnée.

Bien, cessons d’être sérieux. Un article de AP relayé par Yahoo nous conte, hier 14 mars, le développement de l’offensive bureaucratique anti-IED. Au Pentagone, bien sûr.

Maintenant, quelques morceaux choisis.

• GW a lu son texte sans y trouver à redire... « In a radio address on Saturday, Bush said roadside bombs “are now the principal threat to our troops and to the future of a free Iraq.” Bush said in a speech Monday that Iran had supplied IED components to Iraqi groups, but U.S. officials have presented no evidence to support that, nor did Bush explain why Shiite Muslim Iran would aid Iraq's Sunni-dominated insurgency. »

• Le Pentagone a décidé de prendre l’affaire au sérieux ; modestement au début… Ce n’est qu’en trois ans qu’il aura été dépensé autant d’argent contre les IED que pour le Manhattan Project (mise au point de la bombe atomique) en cinq ans, tout au long de la Deuxième Guerre mondiale. « From 2004 to 2006, some $6.1 billion will have been spent on the U.S. effort — comparable, in equivalent dollars, to the cost of the Manhattan Project installation that produced plutonium for World War II's atom bombs. »

• Et l’affaire des routes anti-IED, bien sûr : « In one initiative showing how seriously it takes the threat, the Defense Department proposes spending $167 million to build new supply roads in Iraq that bypass urban centers where convoys are exposed to IEDs. »

• Mais les spécialistes vous diront que ce qui compte, c’est le renseignement recueilli par les moyens technologiques idoines et traité comme tels, c’est-à-dire “Sexy” : « “The idea is to get the pieces of an IED to ‘Sexy,’” said this senior master sergeant [Air Force's Bob Sisk]. ‘Sexy’ is CEXC, the Counter Explosive Exploitation Cell, a secretive group at Baghdad's Camp Victory that is building a database on IED incidents, in search of patterns and defenses. »

• Par ailleurs, il importe de rester réaliste pour mesurer l’effet des $6,1 milliards dépensés depuis 2004: « Lt. Col. Bill Adamson, operations chief for the anti-IED campaign, was realistic about the challenge in a Pentagon interview. “They adapt more quickly than we procure technology,” he said of the insurgents. »

• $6,1 milliards et autant de technologies plus tard, la situation est donc la suivante: « “There's a road we called IED Alley that the ordnance disposal guys would clear regularly,” [Georgia National Guard's Sgt. Robert] Lewis, 47, of Carrollton, Ga., said at his current post in western Iraq. “But no sooner would they reach the end of that stretch” — eight miles — “than the insurgents would be planting IEDs again at the beginning.” »

Sérieusement, soyons sérieux…

Il est vrai qu’il s’avère bien difficile de déterminer s’il importe de commenter ces importantes nouvelles, et sur quel ton il importe de le faire. Il est vrai que les Américains ont reconnu que les ‘voitures-suicide’ constituent « a major threat », comme ils parlaient, du temps de la Guerre froide, du commandement des missile stratégique intercontinentaux soviétiques ou du Groupe des Forces Soviétiques en Allemagne (GFSA, soit autour de 40.000 chars soviétiques en Allemagne de l’Est). Le terme “threat” (menace) connaît de bien étranges fortunes. Il est vrai également que les Américains semblent frappés d’une étrange maladie ; au plus ils se trouvent confrontés à des équipements primaires et improvisés, au plus ils s’avèrent incapables d’imaginer une riposte autre que plus de technologie, encore plus de technologie, toujours plus de technologie. Il y a là la vraie bataille en cours, la bataille entre le Pentagone et la réalité. Certes, c’est une bataille intéressante à suivre

Il est vrai que dépenser en trois ans pour la lutte anti-IED une somme équivalente à ce qui fut dépensé durant la Deuxième Guerre mondiale pour développer la bombe atomique pourrait être considéré comme un exploit bureaucratique sans précédent. Le résultat est à mesure, — sans précédent, certes.

Il est vrai, répétons-nous, qu’on a beaucoup de mal à choisir le ton sur lequel on doit ou on peut commenter cette sorte de nouvelles, avec toutes les précisions, les enthousiasmes, les certitudes et les découragements qui l’accompagnent.

Il est vrai qu’il est tentant de constater qu’on observe dans ce cas une situation qui semble ne plus être liée à des références humaines habituelles, — qu’il s’agisse de la réalité qui détermine ces situations, du rapport entre l’argent et les résultats obtenus par cet argent, des certitudes à propos de la technologie, — en un mot, la situation de la distance désormais sidérale qui sépare le monde réel du monde virtualiste que l’Ouest a créé dans son centre le plus avancé.

Il est vrai que, dans de telles conditions, on peut envisager une défaite américaniste en Irak, une vraie défaite. Simplement, on ignore quelle forme le concept de “défaite” prendra, quels crédits budgétaires seront nécessaires pour le définir, dans notre histoire virtualiste, à l’époque post-moderne de la lutte anti-IED.

Pour terminer d’une façon on peu plus sobre que nous n’avons commencé, nous citerons cette conclusion d’un article de Greg Grant, qui commentait la QDR 2005 dans un texte publié dans Defense News du 13 février, avec ce titre : « Pentagon Refuses To Adapt to War on Terror. » La conclusion disait ceci: « “The words are there, but in terms of the money going to anything, they don’t take it that seriously,” said Lawrence Korb, former assistant secretary of defense in the Reagan administration.

» Human intelligence, not high-tech gadgetry, is what is needed to root out terrorist cells, according to military analysts. But officers in the U.S. military yearn to command tank battalions, fly fighter planes or skipper a ship, not meet with an informant in a back alley to trade money for secrets.

» “The services look at the terrorists and say, ‘This is just not my idea of a world-class threat, so if the politicians are going to go crazy over it, I’ll take the money, but I’m going to find out some way of maintaining a coherent defense posture,’” said defense analyst Loren Thompson of Washington’s Lexington Institute think tank. »


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