Pour les Anglais, la guerre n’est pas finie

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Pour les Anglais, la guerre n’est pas finie


25 mai 2003 — Les Anglais sont connus pour leur opiniâtreté. Ils le montrent encore avec la question des armes de destruction massive (WMD en acronyme anglais) qu’on n’arrive pas à trouver en Irak. La question a une place importante dans la mesure où la présence supposée et affirmée de WMD en Irak fut l’argument essentiel pour lancer la guerre contre l’Irak.

Cette question est plus ou moins passée au second plan aux USA. Au Royaume-Uni, elle est au contraire de première importance et elle contribue fortement à menacer la position de Tony Blair, qui s’avère extrêmement fragile malgré la victoire rapide en Irak. Il ne s’agit pas seulement d’un courant d’opinion mais d’initiatives très concrètes, au niveau parlementaire.


« Tony Blair is facing growing political pressure to explain the mystery of Iraq's missing weapons of mass destruction. With no solid evidence yet that there are any chemical, biological or nuclear weapons in occupied Iraq, more than 70 MPs, including 53 Labour MPs, have signed a Commons motion challenging him to prove his claim that they were ever there in the first place. »


D’autres initiatives vont encore alourdir le climat, comme celle d’un symposium organisé dimanche prochain, qui traitera de l’illégalité de la guerre et, parmi les sujets qui conditionnent l’appréciation d’illégalité à propos de cette guerre, de la question des WMD.


« The war on Iraq will be condemned as illegal by a panel of eminent international lawyers at a conference being organised by the actor Corin Redgrave. The symposium, to be held next Sunday at the Young Vic theatre in London, will also hear senior legal experts allege that the conflict has seriously weakened the authority of the United Nations and potentially threatened global security.

» The panellists include Professor Philippe Sands QC, a member of Cherie Booth's Matrix chambers, Professor Christine Chinkin, professor of international law at the London School of Economics, and Jan Kavan, the president of the UN General Assembly and former Czech foreign minister.

» Another prominent speaker, Professor Burns Weston, a human rights lawyer at the University of Iowa in the US, fears that other countries might use the American decision to wage war illegally to justify their own unlawful wars. He is most concerned about India and Pakistan — two nuclear powers in dispute over Kashmir. “It is a very bad precedent for other countries that might seek, in their own lack of wisdom, to emulate the United States,” he said.

» The event, called “Liberation or War Crime” will be chaired by the former Radio 4 Today programme presenter Sue MacGregor and is expected to attract other prominent figures, including the playwright David Hare, the Booker Prize-winning Indian writer Arundhati Roy and the former foreign secretary Robin Cook.

» Prof Sands, one of 16 prominent international lawyers who earlier this year publicly warned Tony Blair that the war was illegal, said the conflict raised two major issues. “First, did the Security Council authorise the use of force, and the answer to that is no. And [second] were we misled about the presence of weapons of mass destruction? Apparently, yes. These things are going to come back to haunt us,” Prof Sands said.

» Mr Redgrave, whose film roles include parts in Four Weddings and A Funeral, Enigma and In the Name of the Father, said one objective in staging and paying for the event was to investigate the damage caused by the war to international peace. “Very early on, before the war began, it seemed that one of the main casualties of war was the whole fabric of international law and convention,” he said. “It seemed to me there was a willingness, indeed a desire, on the part of America at least, to rend that fabric in a way that would almost make it irreparable.” »


Il s’agit d’une situation très remarquable, aujourd’hui au Royaume-Uni. Après une formidable campagne anti-guerre avant le conflit, qui faillit entraîner la démission de Tony Blair, la guerre elle-même, avec son déroulement et la victoire très rapide, sembla faire reculer de façon décisive ce mouvement, avec notamment un retournement de l’opinion. La situation actuelle semble indiquer la possibilité d’un nouveau renversement dans le sens contraire, avec la mise en évidence que le renforcement de la position de Tony Blair avec la victoire n’a été que temporaire.

Bien entendu, le déroulement de la situation à Bagdad et en Irak même est pour beaucoup dans l’évolution du climat. D’autres révélations (notamment celles sur les méthodes de guerre) vont contribuer encore plus à relativiser la valeur de cette victoire. Bien entendu, l’absence de toute WMD en Irak constitue un argument de grand poids pour cette relance du débat sur l’illégalité de la guerre. A côté de cela, les perspectives de bénéfices à cause de la reconstruction, bénéfices toujours très hypothétiques (on ne commencera à faire des bénéfices sur l’exploitation du pétrole irakien que dans 10 ans) et liés au rétablissement du calme en Irak, constituent un argument de moins en moins acceptable.

Curieusement, cette guerre en Irak, expédiée en trois semaines et en peut-être un peu plus de 10.000 morts civils irakiens (un record qui laisserait pantois s’il est confirmé, pour ce qu’il dit de l’emploi d’armes sophistiquées qui devraient nous épargner les soucis humanitaires des “pertes collatérales”), — cette guerre ne cesse de nous réserver des surprises. Il est possible qu’elle ait, finalement, raison de Blair lui-même, si l’affaire des WMD introuvables vient effectivement s’ajouter à ses difficultés face à Gordon Brown sur la question de l’euro.