On verra demain

Faits et commentaires

   Forum

Il n'y a pas de commentaires associés a cet article. Vous pouvez réagir.

   Imprimer

 659

On verra demain


11 novembre 2002 — En marge des grandes activités diplomatiques, militaires, etc, les manifestations anti-guerres continuent régulièrement. Tout aussi régulièrement s'impose ce trait remarquable : la systématique sous-évaluation, par les organisateurs eux-mêmes, de l'affluence à ces manifestations.

• A Londres, le 28 septembre, on attendait autour de 100.000 personnes. Il y en a eu entre 350.000 et 500.00 selon les estimations, plus de 500.000 même selon The Independent.

• A Washington, D.C., le 26 octobre 2002. Les prévisions faisaient état de plusieurs dizaines de milliers de manifestants, avec un maximum de 100.000 pour les plus optimistes du côté des organisateurs. Finalement, ce chiffre de 100.000 a été l'estimation minimale de la manifestation. Par exemple, selon le commentateur Chad Nagle, la manifestation rassemblait certainement 200.000, peut-être 300.000 personnes.

• A Florence, hier 9 novembre, les organisateurs attendaient d'abord autour de 50.000 personnes, puis ils ont révisé jusqu'à 100.000, voire 150.000 dans les dernières heures. Finalement, on décompte un minimum de 450.000 personnes, sans doute plus de 500.000, pour certains jusqu'à un million de personnes.

Ce ne sont que des exemples. Partout, la tendance est la même : une tendance à une mobilisation beaucoup plus forte que n'attendent les organisateurs eux-mêmes, sans parler des autorités (voir plus loin). Cela laisse à penser, quant au potentiel de mobilisation lorsque les événements vont encore s'aggraver, comme c'est infiniment probable avec la probable guerre. Parallèlement subsiste le même climat, dont nous avons fait le sujet d'une de nos chroniques hebdomadaires : cette sorte d'indifférence, d'inattention (forcée, sans doute) des autorités des pays où se déroulent ces manifestations, indifférence et inattention pour ces manifestations.

De même, on continue à trouver quelques tentatives assez dérisoires de camoufler l'ampleur de ces manifestations, assez dérisoires et bien entendu complètement maladroites, comme il y en a déjà eu à l'occasion de la manifestation de Washington, par exemple. Ainsi, le Washington Post présente-t-il au départ de son texte la manifestation de Florence de la façon suivante : « Thousands of demonstrators » (quelle idée est-ce là, pour 450.000 !), puis le chiffre de 450.000 apparaît dans le cours du texte, mais comme une estimation des organisateurs alors qu'il s'agit d'une estimation des autorités, les organisateurs penchant plutôt pour un décompte proche du million (voir la dépêche Reuters). On reste confondu devant ce surprenant semblant de manipulation, complètement inefficace, qui semble à la fois plein d'hésitations, de remords par anticipation, d'incertitude (d'indifférence ?) ... Finalement, un bon reflet de l'attitude des autorités ?


• Le Washington Post du 9 novembre : « Thousands of demonstrators marched through Florence in a carnival-like protest Saturday against a possible war in Iraq and globalization. There was none of the violence that marred last year's Group of Eight summit in Genoa.

» The demonstration had caused security concerns in the city famous for its place in art history, but police kept a low profile in the throngs of demonstrators waving rainbow flags.

» There was no official count, but organizers said 400,000 people marched. »

• L'agence Reuters du même jour : « More than 450,000 anti-war protesters from across Europe marched through this Italian Renaissance city on Saturday, denouncing any U.S. plans to attack Iraq.

(...)

»  Authorities estimated more than 450,000 protesters were on the streets, and people were still streaming in from a fleet of buses and trains hired for the occasion. Organizers said the crowd could swell to more than a million people, making it one of the biggest rallies ever seen in Italy. »


Il faut surtout observer à ce propos des manifestations anti-guerres qu'un problème ne cesse de se confirmer et de grandir, comme les foules de manifestants. Il y a cet étrange décalage entre d'une part la réalité des rues, d'autre part l'apparente indifférence officielle, et, au-delà, des politiques inexistantes, inconséquentes, etc, et qui, dans tous les cas, ne tiennent aucun compte de ces diverses expressions populaires. L'on en revient à la prévision, évidente, que le phénomène va encore grandir dans les semaines, les mois qui viennent, sans même envisager ce qui se passera si la guerre est déclenchée (lorsque la guerre sera déclenchée), lorsque les autorités se trouveront placées devant des mouvements très puissants et très nerveux, sans rien, ni de précis, ni de séduisant, ni de rassurant, à leur proposer. Réponse officieuse à cette sorte de remarques, d'une source européenne, mi-excédée, mi-fataliste : « Pour l'instant, on n'y pense pas, on a assez à faire avec le quotidien. »

L'on en vient par conséquent à observer que la plupart des pays occidentaux (européens pour l'essentiel), dans le chef de leurs dirigeants, se trouvent en complet désarroi pour ce qui est de formuler une politique vis-à-vis de la crise USA-Irak. Ce n'est qu'une confirmation de plus. Ce désarroi risque d'être aggravé, certes par l'absence de prévision d'une politique quelconque vis-à-vis du phénomène de protestation populaire, et encore plus par la difficulté de prévoir la réelle ampleur du mouvement comme on le constate, et la tendance systématique, y compris chez les organisateurs, à la sous-estimation. Dans cette crise, le désarroi des dirigeants bâti sur l'indifférence qu'on a observée, rend encore plus grave la possibilité d'une perspective d'un mouvement de mobilisation et de colère beaucoup plus fort que prévu dans les populations, comme cela se confirme chaque jour.