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2360Considérant en toute logique, et selon un point de vue assez objectif sur cette question comme il nous a habitués, le site ZeroHedge.com estimait, le 2 juin 2014, que le bloc BAO, et pour notre cas la partie européenne (UE) du bloc, avait simplement tiré un trait sur l’Ukraine. (Comme elle l’a fait, précédemment, pour la Syrie, après deux ans d’activisme déstructurant et hystérique aboutissant à un complet échec). Ainsi Tyler Durden, de ZeroHedge.com notait :
«Considering that even German publication Spiegel is now reporting that that “Vladimir Putin has won the propaganda war over Ukraine and the West is divided”, it is hardly surprising that western coverage of the Ukraine civil war has ground to a halt: without a coherent agenda, the western propaganda machine is unsure of just what the right angle is in its coverage of Ukraine events, which is why as in the case of last summer's Syrian conflict coverage, the “free media” has simply decided to push back events in east Ukraine to the page 8, if cover it at all. Unfortunately, for the locals in the separatist regions, while the west may now chose to simply close its eyes to the consequences of its intervention the civil war is all too real and deadly: as RIA reports, there were multiple casualties after a fighter jet attack struck the eastern city of Luhansk. “The assault was followed by heavy gunfire on the ground, causing panic among civilians.”»
Durden n’avait pas tort quant au silence de la presse-Système, – “silence de mort”, si l’on ose dire d’une façon sinistre. Pour autant, il n’a pas raison du point de vue de l’avis implicite qu’il semble donner, selon lequel il s’agit, de la part du bloc BAO, d’un aveu implicite de défaite («Vladimir Putin has won...», etc.). Il s’agit effectivement d’un silence de convenance, silence de mort qui n’est même pas un salut silencieux aux morts innocents de la chose ; silence de convenance comme, dans les salons, on évite les sujets qui tachent, sinon éclaboussent. Pour le reste, le bloc BAO est plus que jamais assuré de sa vertu, de sa surpuissance, et surtout de sa supériorité. Cela vaut bien entendu pour les USA, mais également, de façon au moins aussi intense et même plus intense dans certains cas, pour l’Europe-UE et ceux des pays-membres qui n’existent et n’agissent qu’en fonction de cette référence. Nous allons d'abord évoquer deux cas dans ce sens...
• Lundi (3 juin) a eu lieu à Bruxelles une rencontre de négociations sur la question de l’énergie (gaz), en relation principalement avec la crise ukrainienne, entre l’UE et la Russie. Ce qui nous intéresse ici n’est pas le déroulement et les effets de cette réunion, qui était de toutes les façons un événement d’un processus qui en comportera d’autres, – donc, rien de décisif ; ce qui nous intéresse, c’est le “document de travail” dont disposaient les représentants de l’UE pour cette réunion. Ce “document de travail“ représente une sorte de “feuille de route“ synthétisant la position de l’UE, son orientation, l’argumentation à suivre, etc., c’est-à-dire qu’il résume l’état d’esprit de l’UE dans ces négociations, sa position psychologique, etc. Une source européenne, non impliquée dans ces négociations mais qui a eu accès au document, nous donne son sentiment à partir de son point de vue qui est d’embrasser les matières concernées en se référant à la situation générale, notamment en tenant compte des facteurs politiques de la situation aussi bien que des facteurs spécifiques à la question en négociation. Le résultat est une extraordinaire démonstration de suprématisme, cet autre nom de l’“exceptionnalisme”, – ou bien son complément pour nous proposer l’expression d’exceptionnalisme-suprématisme...
«Ce document est stupéfiant, observe cette source. Il implique un discours qui constitue une véritable intervention unilatérale et autoritaire. Pratiquement, on dit aux Russes : voici comment cela va se passer, vous allez faire ceci, ceci et ceci, etc. Tout cela est énoncé sans la moindre possibilité envisagée de donner à l’autre le moyen d’objecter, de contre-argumenter, pour chercher par exemple un compromis. Il s’agit d’une dialectique bureaucratique sous une forme implicite, voire parfois explicite, d’ultimatum... Il était enjoint aux fonctionnaires de parler aux Russes exactement comme les représentants de l’UE ont parlé à Ianoukovitch, en novembre 2013, lors de la rencontre qui a mené au refus de l’Ukraine de l’accord de coopération avec l’UE. Nulle part il n’y a la moindre allusion à la situation politique en Ukraine, aux positions russes, etc. Il s’agit d’une dialectique de diktat et rien d’autre.»
• Nous revenons, pour compléter ce rapide dossier, sur une dépêche de l’agence Reuters, du 30 mai 2014. L’événement est anodin, – la visite du ministre tchèque des affaires étrangères Zaoralek à Londres, ce jour-là, – et il est ainsi d’autant plus significatif ... L’attitude montrée ici, durant une conférence donnée par le ministre, est quelque chose de naturel, qui est suivie même dans les circonstances les plus anodines, justement.
«Speaking during a visit to London to meet British Foreign Secretary William Hague, Zaoralek said that Russia was clearly behind violent unrest in eastern Ukraine, but that there were no immediately effective steps the West could take to stop it. [...] “I have no doubts that Russia is responsible for the situation in Donetsk and Slaviansk,” Zaoralek said in an interview over breakfast at a west London hotel. “There is no chance for us to solve this situation by power, there is no possibility to solve it in the short term.” [...]
»[...W]hile underlining the importance of a coordinated Western response on sanctions, [Zaoralek] was skeptical of any near-term change in Putin's stance. “In the real world this process is going to happen over the more long term – to solve it in a few months is probably impossible,” he said. “Putin's behavior is ambiguous and probably will continue to be. On one side he is trying to show that he is ready to negotiate and make some concessions, and on the other side we see the Russians are delivering uniformed militaries to Donetsk and the Dombas (region).”
»The West's best chance of securing a shift in policy from Russia is to show them that Europe is an economic partner they need to modernize their economy, Zaoralek said. “For Russia I see no other alternative than to co-operate with Europe when we're talking about modernizing,” he said. “Maybe for us this situation represents difficulties but for Russia this isolation could be a fundamental problem.” “I see no future development of Russian industry this way. That's why I can't understand this Putin decision. From the point of view of future development, it's a disaster.”»
Bien sûr, Zaoralek, ministre de la Tchéquie, voilà qui est de peu d’importance ; mais c’est ce “peu d’importance” qui fait toute l’importance de la chose. Voici donc un de ces hommes des nouveaux et petits pays de l’UE, tous imprégnés de l’“esprit de l’UE” dans lequel ils croient trouver aussi bien la puissance du bloc BAO que la revanche contre l’ex-URSS, et qui conduit une pensée complètement exceptionnaliste et suprématiste. On passera, – à peine et tout de même en le notant, – sur la certitude du ministre que les Russes sont derrière les événements d’Ukraine orientale, alors que rien, absolument rien, ne justifie un tel jugement et qu’au contraire ont été déjà dévoilés les plus grossiers montages du susdit bloc BAO, à l’actif des institutions les plus “honorables” (voir le 25 avril 2014, à la gloire du quotidien “de référence” de la civilisation entière, le New York Times). On s’arrêtera par contre sur cette affirmation que, sans le bloc BAO, et l’UE plus précisément, la Russie est perdue, destinée à s’enfoncer dans le délabrement industriel et la quasi-barbarie, comme un pays du tiers-monde en train de glisser dans le quart-monde. Zaoralek parle de la Russie de 2014 comme s’il parlait, en outrant le propos, de celle de 1994, celle d’Eltsine, ivre du matin au soir et soumise à l’encan du capitalisme sauvage venu du bloc BAO et des oligarques déchaînés. Et cela est dit, par Zaoralek, en s’appuyant implicitement sur la référence des références, l’exceptionnelle Amérique, qui a notamment, comme exemple de modernité industrielle à proposer à la Russie, la ville de Detroit... (Voir le 20 décembre 2008, – encore n’était-ce que le début de l’agonie de Detroit.)
Ainsi parlons-nous d’exceptionnalisme, et encore plus de suprémacisme, en observant que l’UE, et donc les pays européens, ont endossé cette dialectique prédatrice caractérisant aujourd’hui l’Occident dans son entier, sous l’habit du bloc BAO en mode de surpuissance-autodestruction. On pourrait dire que le suprémacisme est au racisme, dans l’échelle des délits éventuels, ce que l’assassinat prémédité systématique est à un homicide involontaire accidentel, pour ce qui est de l’intensité et de l’orientation de la psychologie gouvernant l’attitude qui en résulte. L’exceptionnalisme-suprémacisme a complètement envahi l’UE, à visage découvert, véritablement comme une doctrine active de fonctionnement, dans tous les cas depuis le coup de force de novembre 2013 (négociations avec l’Ukraine). Ce qui était sur le moment le simple résultat d’une mécanique bureaucratique est devenue une sorte de doctrine activiste, fondée sur l’affirmation d’une sorte de supériorité morale, psychologique et technologique comme un équivalent postmoderniste à la supériorité raciale et ethnique des suprématismes des XIXème-XXème siècles. Il s’agit du plus récent avatar de l’extension du concept d’“occidentalisation” (que nous nommons plutôt “anglosaxonisation”) identifié par le philosophe de l’histoire et historien des civilisations Arnold Toynbee après 1945, qui s’est très fortement sophistiqué au niveau de la de la communication et de la perception que ceux qui l’éprouvent en ont, jusqu’à changer de nature pour devenir l’actuel et postmoderne exceptionnalisme-suprémacisme...
(Les pays anglo-saxons et l’anglosaxonisme étaient déjà partie prenante de cette forme de suprémacisme, et ce sont eux qui ont mené la transmutation de cette attitude, comme on peut le déduire, notamment, des remarques d’Arnold Toynbee et de nos propres développements dans La Grâce de l’Histoire. On peut lire une approche de ces conceptions le 15 octobre 2013, avec notamment l’observation centrale que l’“occidentalisation”/“anglosaxonisation” développé dans l’exceptionnalisme-suprémacisme est d’une nature complètement différente du colonialisme ; la confusion entre les deux implique une énorme confusion des jugements politiques, avec contresens et contradictions, dont le Système profite allégrement ... «L’“occidentalisation” du monde est entamée justement, selon Toynbee, juste après la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Le paradoxe est que ce démarrage coïncide exactement avec le début de la décolonisation (indépendance de l’Inde en 1947, guerre d’Indochine, etc.). Cela nous conduit à considérer l’“occidentalisation”, non comme la poursuite de la colonisation, comme on l’avance souvent, mais bien comme quelque chose de tout à fait différent de la colonisation. En fait, la décolonisation, c’est-à-dire la destruction de la colonisation, était nécessaire pour permettre le lancement de l’occidentalisation. Il n’y a pas complémentarité ni substitution, mais bien opposition entre les deux termes. [...] La notion de “racisme anglo-saxon” avancée par Toynbee doit être appréciée avec une extrême attention. Pour nous, les Anglo-Saxons ne sont pas racistes, ils sont suprémacistes, le suprémacisme n’étant pas une catégorie du racisme, mais un caractère en soi... Pour nous, le racisme se définit par rapport aux autres, de diverses façons, dans un univers relatif et circonstanciel ; le suprémacisme se définit par rapport à soi, et à soi seul à l’exclusion du reste, comme un caractère identitaire dans un univers absolu. (Le racisme ne conduit pas nécessairement à l’oppression et il peut changer, évoluer, éventuellement disparaître ; le suprémacisme ne peut évoluer par définition et conduit nécessairement à l’oppression.) L’anglosaxonisme, ou panaméricanisme, est suprématiste, comme le fut le pangermanisme et son rejeton catastrophique que fut le nazisme...»)
Pour nous, il ne fait aucun doute que ces doctrines ont pénétré avec une rapidité extraordinaire la bureaucratie de l’UE et les directions politiques de nombre des pays-membres de l’UE, particulièrement les plus faibles et les plus irresponsables, et notamment nombre de ceux de l’ancienne Europe communiste, qui trouvent ici un supplément de puissance de communication sans assumer la moindre responsabilité à cet égard. Il est assuré, jugeons-nous, qu’il existe un sentiment de supériorité (suprémacisme) complètement implicite et assumé sans véritable conscience de la chose des bureaucraties de l’UE et des pays-membres de l’UE surtout dans les catégories envisagées ; cette attitude conduit par exemple, – et exemple particulièrement puissant et significatif aujourd’hui, – à juger les Russes comme un type humain inférieur du point de vue moral, psychologique et technologique (des “barbares”, des “sauvages” ou Untermenschen, – selon les références culturelles). A cet égard, la proximité avec les doctrines extrémistes des XIXème-XXème siècles est évidente ; l’exemple extrême se trouve dans les sentiments d’hostilité furieuse par rapport aux Russes des ultra-nationalistes est-européens, notamment ukrainiens, polonais et baltes, qui établissent ainsi un lien historique entre le suprématisme actuel et le suprématisme des doctrines du XXème siècle dont ils ont hérité.
Ces divers constats complètent notre appréciation selon laquelle l’UE va de plus en plus évoluer comme une machinerie oppressive et incontrôlable, durcissant son attitude à mesure que la contestation populaire va augmenter, affirmant des doctrines de plus en plus extrémistes sans aucune conscience de leur extrémisme à cause du vernis moraliste qui les habille. En effet, cette attitude qu’on décrit vis-à-vis de la Russie n’est pas limitée à ce pays, mais constitue une émanation parmi d’autres dans le même sens de l’exceptionnalisme-suprématisme. On retrouve l’idée développée au niveau institutionnel le 31 mai 2014.
Mis en ligne le 4 juin 2014 à 13H58
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