N’en croyez pas un mot, ni un Joe

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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N’en croyez pas un mot, ni un Joe

13 octobre 2020 – Comme nul ne doit en ignorer, l’Amérique est la terre de tous les possibles, et aujourd’hui, dans les circonstances qui-sont-ce-qu’elles-sont, cela se réalise comme une sorte d’American Dream au Pays des Merveilles, dans un terrible brouhaha. Je veux dire qu’il y a, fort bruyamment j’en conviens, du rêve fabriqué, du simulacre, du post-vérité et de l’after-postvérité (comme on dit aftershave), dans tous les sens et de toutes les façons, de bas en haut et du centre-extrême à l’extrême-centre. La folie est ravageuse, elle tourbillonne et fabrique des ‘trous noirs’ et les événements finissent par se résumer à n’être plus que des ‘horizons d’événement’ (je n’invente rien, ils inventent pour moi, cette étonnante et fascinante expression.)

... Dès lors et quoi qu’il en soit, qu’on puisse, presqu’avec un enthousiasme assuré et même avec de l’extase quasiment extatique pour certains, qu’on puisse disais-je accueillir la perspective d’une écrasante victoire de Joe Biden, et même la pronostiquer comme allant de soi, accepter pourcentage comptant les sondages qui vont bien pour saluer par avance cette “divine surprise”, relève d’une étape majeure des plus hautes montagnes d’un Tour de France de légende, du temps d’Anquetil ou d’Eddy Merckx. Il s’agit d’un exploit de la volonté simulacre.

En février 2020, il y a donc quelques mois d’ici comme l’on dit du Pont-Neuf aux Deplorables, le pauvre Joe se perdait misérablement au cœur et foulé aux pieds de la meute des candidats démocrates à la désignation, piétiné par elle, en queue de pelotons comme un Poulidor corrompu passant par l’Ukraine ; Tamara, elle, liquidée par Tulsi Gabbard, avait déjà jeté l’éponge. Les deux semblaient promis, pour ceux qui s’en rappelleraient, à l’essoreuse de l’Histoire... Et hop ! Lapins sortis du chapeau ! Mais non, z’aviez pas bien compris (sur l’air de « Z’avez pas vu Mirza ? »), c’étaient bien eux que le destin se réservait d’appeler.

D’ailleurs, c’est dit, les sondages le disent. On vous expose ci-dessous de multiples raisons d’y croire passionnément, la fiabilité, l’honnêteté, le simulacre, la vertu et les précédents. N’en croyez pas un mot, tout va très bien et ces hypothèses sont autant de provocations « i-na-dmi-ssible ! » ... Certes, pourtant, il faut que je vous en dise là-dessus, un peu plus qu’il n’est dit, tout en ne disant rien de tranché puisque le monde est fou, tête dessus-dessous... Laissez, laissez donc aller, puisqu’ils s’inclinent tous en majesté, du New York Times au Monde ; référence oblige, voyez-vous.

Cela vaut-il vraiment la peine satisfaite d’en parler ? Toutes les informations ci-dessous, collectées aux meilleures sources, sont évidemment fausses-vraies, pur FakeNewsisme des Derniers Temps. Inutile de s’attarder, ce sont eux, les faussaires, qui ont la charge de la preuve ; d’ailleurs, rappelez-vous, 2016, ils avaient tous donné les bons résultats, les justes et fondées, avec l’éclatante victoire d’Hillary ; et puis, il avait fallu que les électeurs y aillent de leurs bulletins, et faussent tous les sondages ! Craignez donc que le diable remette ça... Car il est de fait, paraît-il, que cela pourrait recommencer, qu’il y en a qui n’osent pas dire qu’ils voteront pour Trump et qui, dans le secret de l’isoloir, tenez-vous bien, tonnerre ! qui voteront pour Trump !

« On nous cache tout, on nous dit rien », on n’est plus sûr de rien du tout.

N’allez pas croire que je laisse entendre que je crois à la victoire de Trump, c’est-à-dire pour m’en réjouir bien entendu, moi le vieux réac’, pour contredire la séduisante narrative du retour d’Alice à bon port, ayant retrouvé toutes ses Merveilles. Non non, en vérité, je préférerais, dans l’ordre, mais plutôt du point de vue tactique et, disons-le aussi, pour le fun, pour la beauté de la chose et qu’enfin tout se termine en beauté :

• un résultat très serré, avec d’abord l’avantage pour Trump, puis cet avantage grignoté à mesure du dépouillement du reste des votes par correspondance, avec les agitations également à mesure, dans tous les sens des aiguilles d’une montre ;

• une victoire pas trop déferlante de Joe-Kamara, aussitôt suivie de la destitution du vieux Joe Alzheimer, 25ème amendement oblige, avec nomination d’un nouveau vice-président (VP), transcouleur Black & White, inscrit aux Black Lives Matter et dont on découvrirait qu’il est en cours d’inscription et d’infiltration dans les ProudPatriots.com pour le compte d’une cellule suprémaciste (Black ? White ? Chi lo sa ?) constituée au cœur brûlant du FBI.

Au désordre ajoutons le désordre, et « Marions-les, marions-les, ils vont très bien ensemble... » (bis). Il m’est assez difficile, je vous l’avoue, de prendre au sérieux tout ce qui se passe et qui se prend au sérieux, dans ce ‘trou noir’ d’arrogance et de certitudes affichées sur le pont incliné du Titanic. Le paysage, pour moi, est de la couleur et de l’ondulation de la chevelure de Trump, avec toutes les nuances de l’orange et de ses pépins, et de la catégorie décidément bien ancrée de la tragédie-bouffe.

Dans tous les cas, je crois que Trump prendra le maquis, que ce soit à la Maison-Blanche, dans un studio de téléréalité de New York City en pleine sécession, ou dans les Appalaches, sur la route de son club de golf de Floride. En attendant, la campagne des sondages vaut son pesant de pourcentages, y compris lorsqu’une équipe de professionnels du boulot juge bienvenu d’ajouter quelques pourcents d’électeurs démocrates bien typés, pour pouvoir annoncer que Biden à mis plus de 5% de plus dans la vue de son adversaire, le Président des Etats-Unis, ou bien pour préparer quelque coup fourré de haute volée.

ZeroHedge.com, lui, estime que le sondage le plus intéressant est celui qui dit que 36% des républicains et 33% des démocrates jugent justifiée l’usage de la violence pour faire progresser leur point de vue réciproques ; ils étaient respectivement 8% et 8% en 2017. Cela signifie qu’une partie toujours grandissante du public du système de l’américanisme estime que la ‘vérité’ est une chose qui se fabrique à la dure et s’impose à coups de poing et de cocktails-Molotov à chaque moment de chaque jour de chaque élection.

Voici donc un texte sur les sondages qui rythme la campagne électorale 2020, à vous couper le souffle. Trump, relevant d’un Covid19 à vitesse hypersonique, n’est pas dans une humeur et dans une posture où il pourrait accepter de perdre. Trump ne conçoit pas de perdre. Biden, lui, ne sait pas très bien qu’il y a des élections le 3 novembre et qu’il s’y colle avec la copine Tamara à qui il songe à faire quelque pince-fesse dont il a le secret, – sacré vieux Joe !

Cette présidentielle USA2020 ressemble à un entartrage extraordinaire, à une pièce politique de BHL sur la crise ukrainienne, à une leçon de morale civique de Covid19. Elle est absolument à l’image de la Folle Époque qui nous caractérise.

Pour suivre, ce texte de Frédéric Aigouy, sur RT-France, ce 12 octobre 2020, sous le titre complet de « Présidentielle américaine : Biden loin devant dans les sondages... pour un remake de 2016 ? »

Semper Phi

 

Un remake de 2016 ?

Le candidat démocrate caracole en tête des sondages. Mais, comme en 2016, se pose la question de leur fiabilité. Selon l'un des rares instituts à avoir prédit la précédente victoire de Donald Trump, le chef d'Etat disposerait d’électeurs «cachés».

A en croire les instituts de sondage et l'analyse médiatique qui en découle, l'issue de la présidentielle américaine ne fait aucun doute : le candidat démocrate Joe Biden va l'emporter et prendre en main la destinée des Etats-Unis. Avec près de 10 points d'avance sur Donald Trump selon le site Real Clear Politics, qui fournit une compilation des principaux sondages du pays, l’ancien vice-président de Barack Obama ne caracole pas seulement en tête, il a accru ces dernières semaines l'avantage dont il disposait.

Autant d'éléments repris en boucle par les médias américains – et français – ce qui renforce l'impression que les jeux sont faits. Pourtant, si l'histoire récente est un guide, il est bien imprudent de tirer quelque conclusion définitive à partir de ces données. Faut-il le rappeler, en 2016 Hillary Clinton dominait outrageusement dans les sondages ; à tel point que la veille du scrutin, le Huffington Post jugeait que la Secrétaire d'Etat avait... 98,1 % de chances de l'emporter. Avec, le lendemain, le résultat que l'on connaît.

Collège électoral contre vote populaire

L'histoire serait-elle en train de se répéter ? Impossible de se prononcer à l'heure actuelle bien entendu, mais cet emballement médiatique est l'occasion de rappeler un élément essentiel du processus électoral américain : le président n'est pas élu par vote populaire, c'est le collège électoral qui décide du vainqueur.

Chaque Etat dispose d'un nombre de grands électeurs défini (29 pour la Floride, 20 pour la Pennsylvanie, par exemple), et le candidat qui réuni le plus de suffrages dans l'état en question les rafle tous. Il est ainsi possible de remporter le vote populaire mais de perdre l'élection. Hillary Clinton en sait quelque chose ; avec 65,58 millions de voix, elle avait devancé en 2016 Donald Trump de près de 3 millions de votes. Mais ce dernier s'était largement imposé au collège électoral, (306 votes contre 232) pour devenir le 45e président des Etats-Unis.

Vus à travers ce prisme, les 10 points d'avance de Joe Biden au niveau national revêtent une importance relative. Si les médias ont tendance à insister sur cette donnée, il est davantage révélateur de s'intéresser aux chiffres État par État, plus particulièrement à ceux qui ne sont pas fortement marqués politiquement et donc susceptibles de basculer côté républicain comme démocrate, les fameux “swing states”.

Swing states” et ‘faux sondage’

Là encore, si l'on se fie aux sondages, Joe Biden serait en passe d'écraser le locataire de la Maison Blanche. Dans le Michigan et en Pennsylvanie par exemple, deux états clés de la Rust Belt remportés en 2016 par Donald Trump, le candidat démocrate dispose d'environ sept points d'avance, selon la compilation de Real Clear Politics. Joe Biden est également devant dans l'Arizona, en Floride ou encore en Caroline du Nord, trois autres états clés qu'avait gagnés Donald Trump il y a quatre ans.

En fonction des instituts de sondage, l'avance de Joe Biden apparaît même parfois irrattrapable : selon une récente étude du l'université de Monmouth – largement commentée dans les médias – l'ancien vice-président a pas moins de 12 points d'avance sur le chef d'Etat en Pennsylvanie.

Mais la question demeure : à quel point ces données sont-elles fiables ? Pas du tout, selon le président américain qui s'est publiquement interrogé début octobre : « Comment [Joe] Biden peut-il mener en Pennsylvanie alors qu'il est contre la fracturation hydraulique (des emplois!), le deuxième amendement et la religion ? Sondage-bidon. Je vais gagner en Pennsylvanie. »

La méfiance du chef d'Etat à quelques raisons pour se justifier : en 2016, pratiquement aucun institut ne lui donnaient une chance de remporter trois États de la Rust Belt, la Pennsylvanie, le Wisconsin, et le Michigan, dans lesquels il finit pourtant par s'imposer.

Or, les leçons de cet échec n'ont pas vraiment été tirées selon Courtney Kennedy, directrice de la recherche au Pew Research Center, qui s'est penchée sur la question dans un ouvrage récent. « Je dirais que la plupart, si ce n’est toutes nos inquiétudes, demeurent, certaines à un degré moindre », a-t-elle confiée dans un billet publié le 5 août.

« Les erreurs de sondages ne sont pas rares dans les élections présidentielles. Mais les sondeurs courent un risque réel de répéter cette année les erreurs de 2016. Ils ne tiennent toujours pas compte du fait que les électeurs plus éduqués sont davantage susceptibles de répondre à des sondages – et davantage susceptibles de voter pour les candidats démocrates », explique-t-elle. En d'autres termes, les échantillons sur lesquels s'appuient les instituts de sondages ne seraient pas représentatifs du corps électoral : « Certains des problèmes structurels, fondamentaux, qui ont atteint leur paroxysme en 2016 sont toujours là en 2020. 

“Cachés” par peur d'être stigmatisés ?

Malgré tout, un institut s'était distingué en 2016 par la justesse de ses prédictions – sans que personne n'y prête la moindre attention –, le Trafalgar Group. Or, aujourd'hui encore, cet institut est nettement moins catégorique que ses concurrents sur l'issue des résultats dans les États clés, comme par exemple dans le Michigan, où il donne les deux candidats au coude à coude. Selon les données du Trafalgar Group, le chef d'Etat est en outre en tête en Arizona, en Floride, en Caroline du Nord, et seulement deux points derrière Joe Biden en Pennsylvanie.

Dès lors, comment cet institut, qui dans la foulée de l'élection présidentielle avait continué d'impressionner par l'exactitude de ses pronostics, étant une nouvelle fois le seul à prédire en 2018 les victoires en Floride de Ron DeSantis pour le mandat de gouverneur, et de Rick Scott au Sénat, en arrive-t-il à de telles conclusions ?

Son patron Robert Cahaly explique que le Trafalgar group s'efforce de prendre en compte ce qu'il appelle les électeurs «cachés» de Donald Trump. Selon lui, ces individus sont affectés par un «biais de désirabilité sociale», que Robert Cahaly définit comme la peur des électeurs conservateurs et indépendants d'être marginalisés ou stigmatisés pour leurs opinions. Et selon lui, ce biais est en 2020 encore «pire qu'il y a quatre ans».

Pour dénicher ces électeurs «timides» de Donald Trump, peu enclins à divulguer leur opinion à un institut de sondage, Robert Cahaly a développé plusieurs techniques, dont la plus efficace est de demander aux sondés pour qui ils voteront, mais aussi comment ils pensent que leurs voisins envisagent de voter. L'idée de Robert Cahaly est que cela donne à ces électeurs un moyen socialement acceptable d'exprimer leurs propres sentiments, en les projetant sur les autres.

En tout état de cause, l'existence d'électeurs qui n'osent pas exprimer publiquement leur soutien à Donald Trump, et l'influence qu'ils pourraient avoir lors de cette élection est de plus en plus discutée outre-Atlantique. Selon une étude récente menée par l'institut Cloud Research, près de 12% des républicains interrogés ont affirmé qu'ils ne ne donneraient pas leur véritable opinion politique dans le cadre d'un sondage par téléphone.

Si c'est un signe encourageant pour lui, l'avance de Joe Biden dans les sondages est donc loin d'être un gage de victoire en novembre prochain. D'autant que la politique américaine n'est pas avare en rebondissements, et à un mois du scrutin, aucun des candidats n'est à l'abri d'une «surprise d'octobre», qui viendrait perturber sa campagne.

Frédéric Aigouy