Négociations, façon Moscou

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Négociations, façon Moscou

• Peu, très peu avant l’ouverture du deuxième round de négociations auxquelles personne ne croit mais auxquelles tout le monde sacrifie, les batailles de la guerre d’Ukraine s’amplifient. • Il y a le Donbass, il y a le front Nord, il y a Odessa. • La bataille d’Odessa est un exemple de la détermination russe et de la supériorité qualitative et quantitative de leurs moyens. • Eux, les Russes, semblent avoir tranché : les négociations ne mènent à rien, l’administration Trump est engluée dans ses zigzags, la guerre se réglera sur le terrain.

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En même temps qu’approche la seconde rencontre pour les “négociations de paix” à Istamboul, les Russes intensifient massivement leurs efforts pour ce qui apparaît désormais comme la grande offensive d’été annoncée depuis un certain temps. Il est à noter que la presse américaine est anormalement prolixe sur l’événement, reconnaissant de facto la supériorité militaire des Russes. Le New York ‘Times’ consacre un article avec ce titre curieusement intitulé d’une offensive russe lancée “dans le cadre” des négociations de paix.

« La Russie semble vouloir lancer une nouvelle offensive en Ukraine dans le cadre des négociations de paix. » (« Russia Appears to Launch New Offensive in Ukraine Amid Peace Talks »)

Le caractère paradoxal des comptes-rendus de la presse, qui sont faits pour insister sur la volonté russe de ne pas rechercherai la paix (donc d’être le “méchant”), finissent par donner comme impression d’une très grande puissance russe qui dicte toutes ses conditions, tant sur les conditions des négociations que tout ce qui les accompagne (donc d’être “le plus fort”). Il semble que les États-Unis n’ont pas encore compris que la Russie n’a strictement aucune confiance dans la possibilité d’une paix avec de tels “partenaires”, – les Ukrainiens et les Européens bien sûr, mais aussi l’aile Kellogg de l’administration Trump, –  et qu’elle en a tiré la conclusion que tout se réglera sur le terrain. Mais reconnaître cela du côté US, c’est reconnaître la puissance des Russes dont on ne cesse de moquer la faiblesse et la désintégration des forces.

Par exemple, le rapport de l’Institute of Study of War, très proche des neocon, qui semble curieusement pleurnicher à propos du comportement de puissance intraitable et déterminée des Russes dont il a pourtant l’habitude de moquer l’absence complète de puissance et la faiblesse de volonté et d’organisation, donc la complète domination qu’ils subissent militairement et politiquement :

« Les responsables russes continuent de dicter les termes et le calendrier des négociations de paix avec l'Ukraine et tentent de brouiller les pistes. Ils posent des conditions pour accuser faussement l'Ukraine de retarder les négociations. [...]

» La Russie force l'Ukraine à faire des concessions sur le calendrier, les conditions et le lieu des négociations... »

Tout cela est couronné par la constance des efforts du Pentagone pour ne rien comprendre de la stratégie et des intentions des Russes et par conséquent des prévisions complètement faussées sur les mouvements en cours de l’armée russe. Larry Johnson note que le Pentagone estime que le principal théâtre des opérations russes reste le Donbass et que les diverses poussées, au Nord (Kharkov) et au Sud (Odessa), sont des manœuvres de diversion sans aucune finalité stratégique, ayant comme seul but de pousser les Ukrainiens à dégarnir leurs fronts du Donbass.

Cette analyse apparaît complètement fausse et significative de l’inculture du Pentagone. Le cas d’Odessa, – toujours de source US, nous y tenons, – est particulièrement significatif, toujours de cette inculture marquant la “pensée” occidentale sur la guerre.

Fureur sur Odessa

L’accent est effectivement mis dans le compte-rendu choisi ici sur la situation d’Odessa, objectif sur lequel les Russes exercent une pression intense. Nous donnons des informations de provenance US également, CNN principalement, et reprises par les réseaux russes, notammentTsaregrad’ et ‘Pravda USA

« La Russie intensifie ses frappes aériennes sur l'Ukraine, rapporte CNN. “Cette année, les troupes russes occupent en moyenne environ 14 kilomètres carrés de plus par jour”, précise la chaîne de télévision américaine. Ce mois-ci, la Russie a fortement intensifié ses attaques contre l'Ukraine à l'aide de missiles et de drones. Elle accélère également son offensive terrestre dans de nombreuses zones de la longue ligne de front, ce que reconnaissent les dirigeants et les analystes ukrainiens, rapporte CNN.

» La chaîne américaine souligne que la Russie a considérablement augmenté la production de drones et de missiles l'année dernière. Cela permet à l'armée russe de mener des frappes massives avec plusieurs centaines de drones simultanément. La stratégie russe vise à neutraliser les défenses aériennes ukrainiennes avec des dizaines de drones bon marché afin que les frappes de missiles atteignent simultanément leurs cibles, rapporte CNN.

» Selon certaines informations, les forces terrestres russes ne sont pas loin derrière. Elles sondent simultanément la défense ukrainienne dans de nombreux secteurs de la ligne de front, et les Ukrainiens ne parviennent pas à suivre partout. En conséquence, l'armée russe occupe des villages abandonnés par les forces armées ukrainiennes et avance par petits groupes en rase campagne.

» Parallèlement, les Russes soutiennent l'offensive par des frappes de missiles et des bombes aériennes guidées, ajoute la chaîne de télévision. Grâce à cela, l'armée russe dépasse “chaque mois les objectifs fixés par le Kremlin”, a déclaré à la chaîne américaine Jack Watling, chercheur principal au Royal Institute of Defense Studies de Londres. Après avoir remanié son commandement et accumulé des stocks d'armes et de matériel militaire, la Russie est désormais prête à accélérer le rythme et l'ampleur de son offensive, souligne-t-il. »

Le même Watling donne des précisions peu encourageantes sur la récente “trouvaille”, de type ‘game-changer’, que les Ukrainiens tentaient de mettre en place sous le nom extrêmement populaire dans la presseSystème de ‘Drone Wall’ (“mur de drones”). L’idée est basée sur l’emploi massif de drones contre l’armée russe, puisque l’armée ukrainienne est à cours d’effectifs. Watling résume l’échec opérationnel du concept. Nous y ajouterions tout de même la vanité stratégique de ce même concept, puisque ce que prétendaient faire les Ukrainiens, les Russes peuvent le contrer à une échelle bien supérieure avec une production de 500 à 1000 drones par jour, avec l’intention de transformer le “mur de drones” en un immense gruyère à l’efficacité infiniment douteuse...

« En raison de la pénurie de personnel, la seule solution pour les forces armées ukrainiennes est de s'appuyer sur les drones. C'est pourquoi les Ukrainiens développent un concept parfois appelé “mur de drones”. Son objectif est de créer un corridor défensif continu composé de plusieurs échelons de drones. Cependant, le talon d'Achille de cette stratégie réside dans les stations radar qui permettent de contrôler les drones. L'armée russe le sait et s'efforce donc systématiquement de détecter et de détruire ces stations radar, déplore Watling.

» Les prochains mois seront donc déterminants dans ce conflit, et les drones y joueront un rôle majeur, conclut CNN. Traduit en russe, cela signifie que la Russie met la pression sur l'Ukraine, et les États-Unis l'ont parfaitement compris. »

Rendre à la Grande Catherine...

De façon plus précise, un autre texte explique les derniers événements qui se sont produits dans le port d’Odessa et dans les divers accès maritimes, nous faisant mesurer l’enjeu qui s’institue ici. On l’explique de deux façons :

• Odessa est devenu une plaque tournante, à la fois de livraisons d’armes occidentales, à la fois d’une préparation intensive pour livrer une bataille (essentiellement avec des drones) interdisant la Mer Noire à la flotte russe.

• Les Russes ont riposté de façon intensive ces derniers jours, avec des drones mais aussi avec des missiles balistiques hypersoniques ‘Iskander’. Les Russes prévoient l’utilisation assez rapide de drones navals et surtout sous-marins. D’une façon générale, la presse russe semble estimer que les Russes ont repris le dessus après avoir reculé devant les attaques portées contre la flotte. Il ressort de tout cela que la bataille d’Odessa aura lieu autant sinon plus sur mer que sur terre.

«  L'autre jour, un missile russe Iskander a touché le port d'Odessa et a gravement endommagé sinon détruit un important déploiement de drones navals. Ces drones, venus de Grande-Bretagne, avaient pour objectif de terroriser les eaux de la mer Noire, près de la Crimée, et d'attaquer le ferry de Kertch. Cependant, les plans ennemis ont non seulement été gravement contrecarrés par les Russes, mais les Américains ont également paniqué. Odessa a cessé d'être une plaque tournante acceptable pour eux. “Annulez vos vols si vous ne voulez pas d'ennuis”, exhortent les publications militaires américaines. [...]

» Les navires en provenance des États-Unis craignent donc d'entrer dans le port d'Odessa. Le journal estime que les approvisionnements militaires seront bientôt épuisés. Ce pôle logistique est devenu très dangereux.

» Et tout cela parce que la frappe d'Iskander a détruit un important lot de drones marins dans le port d'Odessa. Ils provenaient de Grande-Bretagne. Ce sont ces drones qui ont servi de moyen à l'Ukraine et à ses alliés occidentaux pour terroriser la flotte russe en mer Noire. Nos navires avaient été contraints de quitter les côtes de Crimée. Nos lanceurs de missiles ouvrent désormais la voie à la flotte russe vers Odessa. Et les discussions ont déjà commencé : une attaque russe contre la perle de la mer ? »

En résumé, du côté russe cette fois, on présente de cette façon la bataille qui se dessine pour Odessa, – dans une circonstance qui ne fait guère de doute sur la réalité de la bataille, – c’est-à-dire, pour les Russes, la nécessité de prendre Odessa et de rendre à la Russie cette ville portuaire créée par la Grande Catherine, ville fameuse autant pour son intérêt stratégique que par sa signification historique et symbolique. Désormais, les Russes se laissent “porter” par la force des événements et la dynamique opérationnelle qui conduisent à l’affrontement.

Bien entendu, tous ces “détails” échappent aux planificateurs du Pentagone qui n’ont pas encore déterminé qui est cette drôle de “Grande Catherine”.

« Il semble que les Russes aient “exploité” ces trois dernières années et qu'ils se laissent désormais porter par le vent. En ce sens, nous commençons tout juste à combattre de manière adulte, sans regarder en arrière, en nous concentrant uniquement sur nos propres intérêts.

» L'expert militaire et capitaine à la retraite Vassili Dandykine est convaincu que la principale bataille pour Odessa, qui se déroulera notamment en mer Noire, est imminente. On ne peut pas parler d'Odessa sans Nikolaïev. Il y a aussi l'estuaire du Dniestr, dont les îles sont presque toutes sous notre contrôle.– a noté l'expert dans un commentaire sur la situation dans une émission de la chaîne Tsargrad.

» Ce jeu d'attaque de drones peut être mené à deux. Selon Dandykine, les Russes sont probablement déjà en train de déployer leurs renforts dans les zones qu'il a citées. Et à l’avenir, nous nous concentrerons probablement sur les véhicules guidés sous-marins. »

Ainsi commence, ou bien “a commencé” la grande offensive russe, en même temps que se déroulent ces négociations-bouffe d’Istamboul. Nous avons parlé essentiellement d’Odessa, mais il faut aussi songer au Nord, où les troupes russes continuent à avancer ; et au Donbass, bien sûr, où se poursuit la bataille... Plus de 1 500 kilomètres de front, toujours marqués selon la presseSystème par  le piétinement des troupes russes. Bien curieuse performance : une offensive de plus en plus efficace selon cette même presseSystème, autrement dit une avancée massive en piétinant sur place.

Depuis plusieurs semaines, Mercouris ne cesse de répéter :

“ Tout le monde annonce que la grande offensive va commencer et se demande quand la chose va se faire. Mais la grande offensive a déjà commencé ! »


Mis en ligne le 31 mai 2025 à 17H50

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