N'achetez pas la camelote US...

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N'achetez pas la camelote US...

On appréciera l’ironie de la situation. Les USA annoncent qu’ils vont livrer aux émirats du Golfe des armements supplémentaires importants, essentiellement des missiles Patriot, pour leur défense contre l’Iran. L’Iran intervient (AFP, relayée par Spacewar.com, le 5 février 2010), par les voix de plusieurs de ses militaires, pour “conseiller” aux pays du Golfe: n’achetez pas la quincaillerie US, elle ne marche pas. Les Patriot abattent en priorité les avions amis, et nous avons des systèmes qui neutralisent les hélicoptères US d’attaque Apache. Pour un peu, les généraux et autres autres Gardes Révolutionnaires iraniens ajouteraient: si vous voulez vous défendre contre nous, faites comme nous, essayez d’acheter des S-300 russes, tellement plus efficaces que les Patriot

«A senior Iranian military official told Gulf states on Thursday not to squander money on US missiles, boasting that Iran can render them useless, the state news agency IRNA reported. Tehran had on Wednesday slammed plans by the United States to beef up defences in the Gulf against potential Iranian missile attacks, with the Islamic republic insisting it posed no threat to its neighbours.

»“Installing anti-missile Patriot missiles is a new trick to empty the pockets of rich Persian Gulf countries,” said General Hassan Firuzabadi, the joint chief of staff of Iran's armed forces. “Patriot missiles can be rendered ineffective by simple tactics, and I advise the regional countries, especially Islamic states, not to waste their money on these missiles which have not worked anywhere,” he said.

»US President Barack Obama's administration is reportedly placing ships with missile-targeting capabilities off Iran's coast, and anti-missile systems in at least four Gulf states – Bahrain, Kuwait, Qatar and the United Arab Emirates. […]

»An Iranian Revolutionary Guards official also said on Wednesday that Iran had developed anti-armor weapons which can combat US Apache helicopters and armored tanks.

»“The enemy should not think their Apache helicopters can have the same power that they have in Iraq and Afghanistan in Iran,” Naser Arab-beigi, who heads the self-sufficiency organization of the Revolutionary Guards, told Fars news agency. “We will end Apache power by our measures. Their armored tanks will be met with the firm response of our weapons,” he said.»

Les pays du Golfe, qui se voient ainsi imposés par les USA un surarmement supplémentaire, tentent désespérément et assez comiquement de convaincre l’Iran que ce surarmement n’est pas pour se défendre contre lui. («US ally Bahrain acknowledged on Wednesday that Gulf military defences were being upgraded but urged Iran not to see them as plans for attack.»)

L’attaque (dialectique, s’entend) est malicieuse, même si elle l’est involontairement. En effet, les USA “imposent”, pas d’autres mots, un lot supplémentaires pour une pincée de $milliards (autour de 7, plus dit-on) d’un missile sol-air dont l’inefficacité, sauf contre les avions amis, semble l’un des titres de sa gloire promotionnelle les plus constants. L’attaque est d’autant plus malicieuse que, pendant ce temps, le principal pays et allié des USA dans la région, l’Arabie Saoudite, est en train de négocier avec les Russes un achat important de missiles sol-air S-300, et peut-être S-400, réputés comme les meilleurs du monde – envisageant de ce fait d'effectuer un changement important de sa politique d’armement (jusqu’alors à orientation fondamentale US, sinon anglo-saxonne), aussi bien à signification politique que technique. Les Saoudiens sont de plus en plus convaincus de l’inefficacité des Patriot, et cette attitude rend d’autant plus malaisé l’état d’esprit des pays du Golfe qui vont devoir à nouveau se gaver de Patriot. (Car, tout le monde, dans ce riche univers schizophrénique, continue tout de même à avoir peur de son ombre, notamment iranienne.)

Les Iraniens, eux, ne cachent pas non plus toute l’estime qu’ils ont pour les S-300 et S-400 russes. Il y a depuis trois ans une course-poursuite épique autour de la vente éventuelle de ces systèmes à l’Iran, que les Russes démentent à intervalles réguliers, avant de laisser aller des fuites sur une possible livraison malgré tout. Les Israéliens sont affolés par cette perspective, eux qui ne rêvent que d’attaquer l’Iran par les airs et jugent les S-300 redoutables d’efficacité; Netanyahou, qui va en Russie ce mois-ci, implorera une fois de plus les Russes de ne pas vendre des S-300 à l’Iran. On dit que le soudain refroidissement USA-Russie, et la hargne des Russes contre les USA, pourraient bien ramener dans l’actualité la possibilité de la vente de S-300 à l’Iran. Que ne dit-on pas…

Cette affaire de quincaillerie est aussi un fort enjeu politique. On voit bien les enjeux directement politiques sur les relations et attitudes des divers pays concernés, mais nous voulons surtout parler des effets politiques de la question même, technique et opérationnelle, autour de ces systèmes d’arme. Il est vrai que la prétendue qualité quasi surhumaine des armements US commence à être redoutablement mise en question. Nous parlons souvent du JSF, bien sûr, mais il y a d’autres domaines affectés du même désordre, qui commence à faire désordre – et la mauvaise réputation du Patriot commence à être prise au mot. Ce système, notoirement inefficace et même dangereux (il a déjà abattu un nombre assez conséquent d’avions amis), est pourtant le fer de lance des pressions diplomatico-militaires US, soutenus par les actionnaires des firmes US concernés (particulièrement Raytheon), auprès des pays “alliés” qu’il s’agit de défendre contre les multiples attaques qu’on prévoit depuis des décennies. Le Patriot est le stéréotype de cette diplomatie militarisée du système de l’américanisme qui prend en compte systématiquement les intérêts de l’industrie d’armement concernée. Aujourd’hui, notamment grâce à la réputation des nouveaux systèmes russes, la réputation catastrophique du Patriot commence à être un handicap assez lourd. Bien entendu, les USA ne sont pas au courant.

Il est certain que les déclarations iraniennes seront entendues, autant par les pays du Golfe que par les Russes, et il n’est pas assuré que la vente “imposée” par Washington soit réalisée sans complication, dans tous les cas dans son entièreté. Il n’est pas assuré que l’un ou l’autre pays du Golfe, se prévalant de l’exemple saoudien et estimant qu’un accord avec les Russes aurait l’avantage de se rapprocher politiquement d’un pays qui a de l’influence sur l’Iran, ne rechigne finalement à cet achat forcé et commence à envisager de se tourner vers la Russie. L’avantage théorique serait celui d’une défense plus sûre, cette fois approuvée par les Iraniens (!) qui trouvent bien du charme au S-300, et de l’espérance que la Russie fasse montre de son influence pour freiner les ardeurs offensives des Iraniens contre les pays du Golfe – “ardeurs offensives” qui sont, par ailleurs, de la pure imagination des stratèges du Pentagone et des directeurs de la communication de Raytheon – à moins, bien sûr, qu’entre temps, il prenne à Israël ou aux USA la fine idée d’attaquer l’Iran. Bien entendu, ce genre d’hésitation vis-à-vis du Patriot qu’on évoque ici n’est que du domaine de la supputation des intéressés et aura surtout pour effet immédiat d’introduire le doute et le trouble dans les relations entre ces pays “alliés” du Golfe et les USA.

La mise en cause des capacités de l’Apache inquiétera aussi les “clients” des USA dans la région, qui regorgent de cet hélicoptère d’attaque extrêmement cher, dont la technologie remonte aux années 1980 et qui est, pour cette raison, constamment alourdie de modernisation coûteuses et peu intégrées. Tout cela implique une offensive de communication contre la qualité des armements US, qui peut constituer un élément important tant une part très grande de l’influence et des restes de la “diplomatie” des USA repose effectivement sur le prestige de la quincaillerie militaire de cette puissance. La paralysie des forces armées US autant que les avatars sans nombre du Pentagone dans le développement des systèmes commencent à peser lourd dans la perception qu’on a de la puissance de cette quincaillerie, cela couplé bien entendu avec le déclin général de la puissance US depuis la crise du 15 septembre 2008.

 

Mis en ligne le 5 février 2010 à 09H34

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