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27552 février 2021 – Cela fait maintenant une quasi-décade que les murs de Wall Street, – dite ‘La Rue du Mur’, – résonnent des terribles incursions des divers petits ‘Deplorables’ dissimulés au cœur d’un monstre nommé WallStreetBets. Comme chacun sait (je ne suis pas en avance sur le coup), il s’agit d’une monstrueuse petite machinerie permettant de regrouper des petits, tout-petits investisseurs pour se lancer à l’assaut des murs de ‘La Rue du Mur’.
(D’autres disent que ce n’est pas ça du tout, que c’est du capitalisme déguisé, on verra plus loin, nos habituels-WSWS.org, désormais passés maîtres dans l’art du complotisme, selon les consignes du vieux Léon.)
D’après ce que je peux en juger, moi qui ai vraiment une très faible culture des questions boursières & Co, on consultera ceci (Sakerfrancophone/MoA) ou ceci (Eléments) pour avoir assez bonne vision de l’affaire, et de l’appréciation qu’on en peut avoir. Tout y est original, dans cette machination certainement complotiste et dans tous les cas étrangère à ‘nos valeurs’, comme on n’a pas manqué de le remarquer.
... Quant aux réactions diverses (devant les mesures prises par le Système, notamment via @RobinhoodApp, popu contrer cette incroyable audace d’user du marché libre comme s’il était libre), certaines sont pittoresques, comme le cas où l’on voit la démocrate AOC, la gauchiste du Squad, et le sénateur Ted Cruz, le républicain un peu populiste de pas mal à droite que AOC a accusé d’avoir voulu l’assassiner le 6 janvier dernier au Capitole, – eh bien, les deux faisant page commune sinon, comme l’on dit, ‘strange bedfellows’ :
« Alexandria Ocasio-Cortez @AOC - 16:36 UTC · 28 Janvier 2021
C'est inacceptable.
Nous devons maintenant en savoir plus sur la décision de @RobinhoodApp d’empêcher les investisseurs particuliers d’acheter des actions alors que les fonds spéculatifs sont libres de négocier les actions comme ils l’entendent.
En tant que membre de la Commission des services financiers, je serais favorable à une audition, si nécessaire. »
« Ted Cruz @tedcruz - 16:47 UTC - Jan 28, 2021
» Retweeting @AOC
Je suis tout à fait d'accord. »
Quant aux motifs des attaquants-déplorables, l’on dit volontiers qu’ils sont plus vertueux que l’on pourrait penser si l’on en restait au point de vue de Wall Street. Ils sont du vent de la colère populiste dont on nous parle si souvent, et notamment de la colère populiste-trumpiste (même si je mets en garde tout le monde, PhG en premier, surtout de ne pas réduire les populistes à Trump, ni Trump aux populistes, pas du tout ; mais tactiquement, on peut accepter l’approximation)...
Bref, comme l’écrit Bloomberg.News :
« Plutôt que l'avidité, cette dernière vague de spéculation, et surtout l'extraordinaire excitation qui régnait autour de GameStop, avait un moteur émotionnel différent : la colère. Les investisseurs d’aujourd’hui sont animés par une colère justifiée, contre l’injustice qui touche toute une génération, contre ce qu’ils considèrent comme de la corruption et de l’injustice en voyant la façon dont les banques ont été renflouées en 2008 sans avoir à payer de pénalités plus tard, et contre la pauvreté et l’inégalité. C’est ce qui le rend différent de toutes les spéculations et divers crashs boursiers spéculatifs qui l’ont précédé. »
Pour faire œuvre d’originalité, et montre d’un peu de travail personnel, je me suis reporté à un texte de Revolver.News du 1er février 2021 que j’ai tenté de traduire et d’adapter, pour présenter une vue globale de cette odyssée qui a certainement le charme de la nouveauté...
« Des millions de personnes dans le monde entier ont été séduites par la saga WallStreetBets. Quelques petits investisseurs en ligne [du type ‘Deplorables’] ont découvert qu’un fonds spéculatif avait massivement surenchéri sur le prix du détaillant de jeux vidéo GameStop ; ils ont initié une courte et forte pression qui a transformé quelques investisseurs en millionnaires tout en envoyant dans les choux et au bord de la faillite un chouchou de Wall Street. La réaction de la presse, de Wall Street et même de la Maison Blanche de Biden a été une stupéfaction indignée. Quelques mini-traders gagnant de l’argent aux dépens d’un hedge fund milliardaire, cela n’est rien de moins qu’un scandale national.
» La riposte répressive contre les WallStreetBets, qui a lieu une semaine seulement après l’entrée en fonction de Joe Biden, montre les tactiques que le nouveau régime compte utiliser pour maintenir les masses dans le droit chemin. Bien que ce soit superficiellement une affaire financière, WallStreetBets est en fait traité comme un soulèvement populiste. Ceux qui sont au pouvoir, terrifiés et enragés de voir leur statut menacé, réagissent de manière excessive et rejettent toutes les règles qu’ils ont eux-mêmes édictées dans une tentative maladroite de garder les choses sous contrôle. »
Leur désespoir, continue le texte, est si évident, si déchirant, qu’il a même été montré à la ‘télé’, à des millions de téléspectateurs, malgré leur grande pudeur d’héroïques grands-fauves blessés par cette vilenie. C’est Mr. Leon Cooperman, qui porte la difficile responsabilité d’être milliardaire because Wall Street, dans l’héroïque besogne du hedge-funder, qui est venu absolument gémir, geindre, pleurnicher, avec toute cette discrétion caractéristique et toute cette fureur discrète qui caractérisent les gens de sa sorte, les 0,001% qui conduisent l’avenir culturel de notre civilisation :
« It’s a bullshit concept... It’s a way of attacking wealthy people. » (Traduction-adaptation ? “C’est conceptuellement une véritable Bullshit, ces déplorables sonovobitches, ils attaquent les pauvres riches!”)
Revolver.news, poursuivant sans souci des souffrances d’autrui, poursuit sans la moindre décence, sans la plus humaine compassion : « Non, le délit ici est que cette fois, un fond spéculatif a été victime d’une manœuvre financier agressive, plutôt qu’en être l’instigateur selon son habitude, et que les gagnants ont montré toute leur jubilation en le faisant. Les prétendus champions du marché libre sont scandalisés par le fait que le marché libre a réellement fonctionné. »
Certes, on notera par souci d’équité et de bonne foi qu’il a été question chez certains observateurs au regard perçant de l’inévitable ingérence russe, car il y aurait une bien grande injustice et une louche inclinaison du regard, vers la gauche et vers l’Est, ou bien qui sait vers l’extrême-droite et verts l’Est, à ne pas rappeler cette évidence-là
Et puis enfin, il y a les plus malins, les Dupont-Dupond de l’analogie métahistorique, comme l’est la charmante et pétulante madame Laura Unger, qui occupa de très importantes et bombastiques fonctions à la SEC, organisme s’occupant de la parfaite honnêteté de la marche des simulacres faussaires de la Rue du Mur, – c’est dire le peu de travail qu’elle eut dans ces fonctions, – mais aujourd’hui elle déborde de fureur, absolument et sacrebleu ! Je vous laisse la présentation en anglais dans le texte pour montrer que je n’invente rien, pour ne rien enlever de la hauteur incroyable du travail de déduction de Laura :
« “It puts a lot of question about the integrity of the market”… Former SEC Commissioner Laura Unger compares short squeeze to January 6th at the Capitol. »
Je vous passe le reste : la Liberty Bell de Philadelphie qui sonna le 8 juillet 1776 (quatre jours de retard) pour saluer la déclaration d’Indépendance du propriétaire d’esclaves Jefferson (et d’autres) a retenti, cette fois pour proclamer que cette même Liberté chérie était en danger. Les mesures d’urgence, toutes choses pour défendre la Liberté, ont été prises : censure, accès dénié aux souscripteurs, réseaux coupés, suspendus, – outragés ! brisés ! martyrisés ! Mais Wall Street libéré !
Effectivement, le souvenir du si terrible 6 janvier 2021, lorsque des hordes de Goths-Wisighots-ProudBoys investirent le Capitole de cette même Liberté... Mais enfin ! On se demande pourquoi Hollywood s’acharne à faire des scripts alors que tout est là, dans le marbre meurtri du Capitole de la Liberté et dans les murs agressés de la Rue du Mur. L’analogie est si stupéfiante que l’on croirait, tenez-vous bien, que j’irais jusqu’à croire à un complot...
« ...[la plateforme] Discord a censuré la page de discussion de WallStreetBets, prétendant hypocritement que l’interdiction était une coïncidence due à un “discours de haine” et à la “diffusion de fausses informations” [‘FakeNews’ en français]... [...]
» Personne n’est dupe. Les WallStreetBets comptent plus de 200 000 membres. L’idée de punir collectivement un groupe plus important que la ville de Baton Rouge, en Louisiane, à cause de quelques messages offensants est ridicule. [...]
» Les similitudes entre WallStreetBets et la répression plus large des conservateurs après l'émeute du Capitole sont frappantes. Dans les deux cas, les autorités ont réécrit de façon flagrante les règles à la volée pour s'en servir à leur avantage. Dans les deux cas, il est clair que ces règles nouvellement réécrites ne s’appliquent que de manière sélective, et ne seront jamais utilisées contre ceux qui jouissent de la faveur des puissants. L’Amérique n’a pas eu de mur à la frontière parce que “les murs ne fonctionnent pas” [selon Joe], mais le Congrès en aura un pour se protéger. L'Antifa est “juste une idée” [d’après Joe], mais même ceux qui ont monté trois marches des escaliers du Capitole [deux jours avant ou trois jours après] les émeutes [du 6 janvier] doivent être pris et considérés comme ‘insurrectionnistes’ potentiels et donc confirmés. Avec WallStreetBets et le Capitole, la réaction n’est que partiellement liée à l’événement lui-même. Il s’agit aussi d’envoyer un message : “Ce que nous pouvons leur faire, nous pourrons le faire aussi”... Ils utiliseront les mêmes méthodes encore et encore...
» Quel est leur objectif final ? Il est probable qu’il n’y en a pas. La classe dirigeante corrompue de l'Empire américain globaliste est devenue si fragile et dégradée que la planification à long terme la dépasse pratiquement. Tout est fragilité émotionnelle, vulnérabilité et réaction excessive aux événements immédiats. Mais même sans plan, le résultat obtenue dans le cours des choses est facile à prévoir : une société où personne n’ose parler ou agir, publiquement ou anonymement, sans une parfaite adhésion idéologique. Un pays où les paysans [disons les ‘Deplorables’] doivent être maintenus dans les rangs.
» Et nous sommes à peine plus d’une semaine dans l’administration Biden. Bouclez vos ceintures, ça va secouer. »
Mais tout cela, hein, c’est du grand n’importe quoi ! Oubliez tout ce que vous venez de lire, car les chevaliers de la situation-de-vérité-à-Léon arrivent au grand galop. Les trotskistes de WSWS.org, depuis qu’ils ont enfourché le cheval fougueux et diabolique du ‘fascisme trumpiste’ n’ont de cesse de vidanger la moindre cuvette, le plus petit crachat qui oseraient s’intituler ‘populiste’. Tout ce qui est pour le peuple, par le peuple et dans le peuple, ne peut être que trotskiste, ou en-attente d’être trotskiste. Ainsi a-t-on une version diablement expurgée de cette fausse-vraie attaque-simulacre, toutes complicités assumées, complotisation extrême des complotistes sordides facho-capitalistes, – pour expliquer la Semaine Sanglante de la Rue du Mur.
On vous laisse lire la péroraison d’un texte d’analyse de WSWS.org en date du 28 janvier 2021.
« Le principal point à réfuter est l'opinion, souvent exprimée par les utilisateurs de WallStreetBets, selon laquelle en spéculant sur un titre sans valeur, et en forçant potentiellement les entreprises de Wall Street à subir des pertes, elles protestent en quelque sorte de manière progressiste contre le système capitaliste.
» Il ne fait aucun doute que beaucoup de personnes qui ont acheté des actions de GameStop voulaient faire croire à leur position d’opposition au système financier et boursier, pour favoriser leurs propres intérêts indépendants dans un système général dominé par l'injustice et l'inégalité sociale. En vérité, ils voulaient simplement faire avancer leurs pions dans un ordre social qui condamne des millions de personnes au désespoir économique.
» Mais l’idée qu’en s’associant avec des gens comme Elon Musk, Donald Trump Jr et Ted Cruz [qui ont tous trois soutenu WallStreetBets] pour prendre le train en marche d’un épisode maniaque de spéculation, on obtiendra une sorte de résultat social progressiste, cette idée est absurde.
» La spéculation des consommateurs surendettés a précédé tous les grands désastres financiers de l'histoire. Avant le krach de Wall Street en 1929, des centaines de milliers de petits investisseurs se sont entassés sur le marché boursier, beaucoup d'entre eux contractant de vastes emprunts sur les conseils de colporteurs prétendant que le marché boursier continuerait inévitablement à monter. En 2008, ce fut la même chose, mais avec des habitations : chacun fut invité à acheter une maison qui était au-dessus de ses moyens, enrichissant ainsi massivement Wall Street.
» Comme pour les investissements massifs à effet de levier effectués par les petits actionnaires dans le passé, cela va probablement se terminer par un désastre pour les petits actionnaires. Si les petits investisseurs réussissent à imposer des pertes aux fonds spéculatifs, quel en sera le résultat ? Une petite fraction de la population deviendrait plus riche, – des sections de la classe moyenne ayant reçu une éducation primaire [NDLR : non-troskiste]. La pandémie continuerait à faire rage, les guerres subsisteraient et la grande majorité de la classe ouvrière continuerait à peiner dans la pauvreté et l’oppression... »
» Le site internet du Parti Socialiste Mondial ne propose pas de conseils financiers à nos lecteurs. Mais nous offrons un conseil politique : mettez votre énergie à lutter pour les intérêts sociaux de la classe ouvrière. Une pandémie fait rage, plus de 400 000 personnes sont mortes et 10 millions de personnes sont sans travail rien qu’en Amérique. Ces problèmes ne seront pas résolus par des actions individuelles, et encore moins par l'achat d’actions de premier ordre, ils le seront par la lutte collective de la classe ouvrière pour le socialisme. »
L’évolution des trotskistes n’étonnera historiquement personne, pour qui se réfère à leur saint-Léon, mais elle apparaît curieusement pathétique dans ce cas, d’ailleurs suivant la ‘ligne’ qu’on a signalée plus haut. Manifestement, les trotskistes n’ont jamais voulu entendre parler de la thèse de l’“ennemi principal’ de Ho Chi-minh, lorsqu’il passa un accord d’une sorte d’entente temporaire avec les Français en 1946 pour pouvoir mieux contenir la Chine qui le menaçait au Nord. C’est tout à fait caractéristique, à la fois de notre époque et de la situation des États-Unis, cette absence abrupte de tout compromis, de quelque côté qu’on se tourne, et le refus de prendre en compte les accidents tactiques qui surviennent, quelle que soit le but stratégique que l’on poursuit.
On laissera donc les trotskistes de WSWS.org avec leurs explications dogmatiques clef-en-main, dont le modèle remonte à la fin des années 1920. Je leur préfère dans cette époque où tout dépend de la communication la puissance des images et la force des symboles, surtout lorsque les employés du Système s’empressent de vous donner leur clef-en-main à eux, qui est tout à fait d’actualité et d’un modèle au fonctionnement parfait.
Quel que soit le but poursuivi par les gens de WallStreetBets, reste qu’ils sont apparus comme les acteurs d’une attaque des ‘Deplorables’ contre le Temple du capitalisme triomphant : après le Capitole, le Temple !
Il reste en effet, pour notre joie commune, que cette interprétation, qui a de bonnes chances d’être une vérité-de-situation, inaugure quoi qu’il en soit une nouvelle forme d’attaque complètement inédite, une sorte d’hybridité nouvelle dans la guerre hybride déjà terriblement hybridée que la tellurique menace de l’antiSystème fait peser de tout son poids sur le Système. L’angoisse les étreint alors, une fois de plus : que vont-ils encore inventer, ces ‘Deplorables’-là ? Quelle nouvelle sorte de censure allons-nous devoir inventer pour défendre notre Bullshit Liberté ?
Bien entendu, l’on peut une fois de plus s’abîmer dans des plaintes et des dénonciations des mesures arbitraires et illégales qui ont été prises une fois que l’attaque des ‘Deplorables’ eût été réalisée pour ce qu’elle fut. On peut une fois de plus décrire la puissance et l’imposture de cet énorme Système qui nous oppresse... Bref, on peut faire comme si l’on ne le savait pas, comme si l’on ignorait depuis cinq ans, depuis dix ans, depuis 50 ans, de quoi est fait ce système de l’américanisme.
Ce n’est pas mon cas : là-dessus, je sais depuis longtemps à quoi m’en tenir. Ce qui m’étonne par contre, et avec quel délice, c’est de voir, toujours plus flagrante et fringante, l’extrême fragilité du Système, « si fragile et dégradée [...] [où tout] est fragilité émotionnelle, vulnérabilité et réaction excessive aux événements immédiats... La façon presqu’émouvante dont il ne voit rien venir et dont, ensuite, il grossit démesurément l’adversaire, lui donnant une puissance qu’on n’imaginait pas ; la façon dont il est sûr de voir tout et dont il ne voit rien... Le Système : « Toi, le venin », – mais le serpent est myope, ma parole.
By Jove, se faire avoir de la sorte par les ‘Deplorables’, c’est déplorable...