“More confortable” avec le JSF

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“More confortable” avec le JSF


21 novembre 2002 — La démonstration précéderait presque le soupçon ... Nous avions évoqué la chose dans différents analyses sur le JSF, — mais qu'elle soit confirmée, et même documentée au-delà de toute attente, si vite, dans des termes si dépourvus d'ambiguïté, d'une façon si fondamentalement et, sans aucun doute, si ingénument cynique (définition de “cynisme”, pour que nul n'en ignore et n'aille se perdre dans d'inutiles procès d'intention : « Mépris des convenances, de l'opinion, de la morale qui pousse à l'effronterie ou à l'impudence »).

Ci-dessous, voici un entrefilet de la publication Northern Echo, un magazine régional britannique (du Yorkshire). Il concerne le futur porte-avions britannique et la question de l'offre faite par un consortium conduit par Thalés. Il s'intitule : « French out of favour to build new ships », à la date du 18 novembre 2002.


« A French bid to build two Royal Navy aircraft carriers may be scuppered because the US government would rather share technology with a British company.

» French defence group Thales is bidding against the UK's BAE Systems for a £2.9m contract for two 60,000 tonne ships.

» Both companies are planning a modular design, and both would spread work around a number of British shipyards including in the North-East, before final assembly in Scotland.

» Now, senior Pentagon sources have indicated they would be “more comfortable” sharing US technology on the vertical take-off stealth Joint Strike Fighter being flown from the carriers with a British company, than with a French one.

» It is understood that officials from the US Navy have made their views known to senior Royal Navy officials in the Ministry of Defence.

» A Pentagon source said: “On both a security and a commercial basis, we would be more comfortable sharing the technology with the British, rather than the French. However, there is some technology that is so sensitive that we are not very keen to share it with anyone.”

» A spokesman for Thales, which employs 12,000 people in the UK, said the company was a “trusted supplier” which already worked with the MoD in highly sensitive areas such as electronic warfare and data transfer. The bid team includes the fighter's makers Lockheed Martin, the spokesman added. »


Cela fait beaucoup de confirmations en quelques lignes :

• Le JSF est off limits. Tout ce qui touche de près ou de loin au JSF devra être sous contrôle américain. Ainsi, un programme de deux porte-avions britanniques, parce que ces deux navires devraient porter le JSF dans sa version ADAC/V, devra dépendre dans la décision ultime du choix du contractant pour sa production de l'accord de l'U.S. Navy.

• La technologie du JSF sera partagée par paliers, selon les notations de sécurité donnée aux participants/acheteurs : certains auront peu, d'autres un peu plus ; les Britanniques auront beaucoup, mais sur la base exclusive de rester totalement dans les mains britanniques (et américaines).

• ... Néanmoins, — et la précision est bienvenue, là aussi la confirmation précédant le soupçon clairement affirmé : même les Britanniques n'auront pas tout et il y a des technologies qui ne sortiront pas des USA. Aucun détail sur ces technologies exclusives.

(On consultera sur le site divers textes et analyses sur la question du JSF, aussi bien concernant l'entrée des Britanniques dans le programme que la question du JSF en général, par rapport à la problématique européenne exposée pendant le (faible) débat aux Pays-Bas sur la question d'entrer dans le programme et, également, le 15 février dernier, à l'occasion du choix néerlandais d'entrer dans le programme. Dans toutes ces analyses, on trouvera d'autres liens conduisant à d'autres textes sur le sujet.)

Le JSF est donc bien le programme fameux qu'on a déjà commencé à décrire. Il pose toutes les questions importantes de la sécurité nationale. Aux Britanniques, il pose la question de savoir si leur engagement pro-américain est bien la meilleure voie du renforcement de la souveraineté nationale, comme doit l'être toute acquisition de matériels militaires nouveaux ; il leur pose également la question de savoir si la coopération avec les Américains n'est pas un obstacle infranchissable à toute coopération européenne sur les questions d'armement, et particulièrement avec les Français. Pourquoi, avec les Français ? Réponse ci-dessous, de Denis MacShane.


Post-Scriptum : quelques mots d'encouragement, « more confortable » en un sens, du ministre des Affaires européennes Denis MacShane

Il y a dix jours, dans Le Figaro du 11 novembre, le ministre britannique des Affaires européennes était interviewé (titre : « L'Europe ne doit pas se transformer en une sorte d'épicerie »).

Dennis MacShane affirme que l'Europe de la défense est plus que jamais nécessaire, et surtout pour Français et Britanniques : « Voici le domaine par excellence où France et Royaume-Uni se doivent de coopérer de manière intensive. » Après 5 questions insistantes du journaliste sur ce thème auxquelles MacShane répond par l'exaltation des liens de coopération entre Britanniques et Français, le ministre britannique tranche, en se référant au sommet franco-anglais de Saint-Malo qui relança la coopération militaire entre les deux pays en décembre 1998 : « Non seulement [l'esprit de Saint-Malo] est vivant, mais il est essentiel. Incontournable. »