Ma fascination pour OSINT

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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Ma fascination pour OSINT

13 décembre 2017 – Je ne tiens rien qui me soit aujourd’hui d’une importance approchante, – pour ne rien dire d’“égale”, sinon de “supérieure”, – que la question de “la Vérité perdue”. Une suite de textes, pour le travail récent sur cette question, s’attache à ce sujet, notamment à propos, – pour résumer le propos, – de cette chose nommée OSINT (Open Sources INTelligence : le “renseignement en sources ouvertes”). C’est un de ces cas que l’on connaît dans notre époque présente où les aspects techniques et bureaucratiques les plus vulgaires touchent sans le vouloir, justement, à une vérité-de-situation ; c’est l’un de ces cas qui rencontrent l’argument selon lequel, pour comprendre notre époque, il faut la suivre quotidiennement avec des outils métaphysiques et spirituels (métahistoire) qu’il s’agit d’utiliser directement.

(Les textes dont je parle, sur OSINT, vraiment très proches, comme un débat ouvert qui s’impose, qui se poursuit jour après jour, qui est pour moi d’une importance chaque plus grande et plus haute... Voir deux fois le 10 décembre 2017 et le 10 décembre 2017, et le 11 décembre 2017.)

Ce que je veux ici exprimer par ce titre qui semblerait faire la part belle à un “machin” technocratique, en plus américaniste et “CIA-manufactured”, – c’est que “Fascination pour OSINT” indique simplement le choc que j’ai ressenti à découvrir par ce biais assez commun sinon vulgaire une conceptualisation intuitive de ce que j’estime être une vérité (pour ce cas, le mot est de mise), et qui se trouvait en moi d’une manière informelle et anarchique. Aussitôt, je me suis mis en quête d’avis et de témoignages de quelque “source ouverte” qui m’est proche. Ainsi ai-je discuté sur la question de savoir ce que les élites-Système, et notamment dans le monde du renseignement, pensent de OSINT. Je précise que ma “source ouverte” est d’esprit complètement indépendant, mais avec une expérience très puissante et opérationnelle des milieux en question, – et que tout cela se situe dans les centres institutionnels de la direction européenne.

Je résumerais le propos de cette “source” en gardant une de ses phrases, qui décrit une situation où « partout, dans les structures d’information et de formation, règne l’affirmation que ce qu’on nomme OSINT est le plus formidable instrument de renseignement, permettant, s’il est utilisé à fond, d’avoir une connaissance quasiment complète de la situation, de la réalité ». Cette attitude est répercutée partout, et elle fait partie des principes fondamentaux de tout écolage et formation des matières sensibles, notamment la diplomatie et le renseignement. « Les documents écrits qui sont fournis aux fonctionnaires qui suivent régulièrement des journées de mise à niveau des techniques d’information et de renseignement, retranscrivent ceci comme un des principes essentiels : avec OSINT, vous savez pratiquement tout, bien plus qu’avec les documents classés “secret” et les autres choses du même type, qui concernent surtout des matières techniques ou bien le détail opérationnel de tel ou tel domaine. »

Cela étant bien admis et compris, qui confirme absolument ce que nous dit Steele, on nous informe aussitôt que cette pédagogie générale et impérative n’est suivie d’aucun effet sans que l’on puisse donner une explication satisfaisante de cet étrange tête-à-queue... « Alors que tout le monde sait et répète l’importance primordiale des “sources ouvertes” jusqu’à en considérer la somme comme la clef de la Vérité, lorsqu’il s’agit d’être “opérationnel”, de travailler et, par conséquent, de fournir des analyses, puis d’arriver aux décisions, les “sources ouvertes” ne sont absolument pas utilisées. On en reste aux documents internes, dépêches, rapports des divers points d’observation, de la diplomatie et du renseignement. Les “sources ouvertes”, tout ce qui ne fait pas partie de la maison, est tenu comme quantité négligeable, voire comme du matériel purement et simplement suspect, et il en coûte du point de vue de sa position, de sa carrière, voire de la confiance qu’on peut réellement lui accorder, à celui qui prétend en user pour son travail. »

(Bien sûr, me dis-je en aparté et pour nourrir d’autres réflexions à venir, c’est dans ce refus-là qui ouvre la porte au simulacre que le Diable se glisse. C’est lui qui a fait cette fissure et qui tient entre ses mains la volonté et l’organisation des zombies-Système.)

Il ne fait aucun doute que cette bonne réputation théorique de l’OSINT date de l’émergence de l’internet comme principal outil opérationnel du système de la communication. (Steele date effectivement le début de la “révolution-OSINT” à 1988 pour son compte.) C’est à partir de ce moment qu’OSINT est devenue la panacée que l’on décrit, selon les lignes d’une appréciation d’une révolution fondamentale de la communication et donc de l’information naturellement “en sources ouvertes” et accessible à tous (“les autoroutes de l’information”, disaient Clinton et son vice-président Gore). Si le Corporate Power et tous les échanges économiques se sont effectivement emparés de cet instrument, ainsi, et surtout pour mon compte, que le public en général où bourgeonnait le noyau d’une “nouvelle-dissidence” qui allait donner naissance à l’antiSystème, par contre le pouvoir politique ne s’est jamais tourné vers ce qu’il acclamait, tenu et retenu, sinon emprisonné qu’il était et qu’il reste par les bureaucraties concernées, hostiles à tout flot d’information qui ne vient pas d’elles.

(Ce pour quoi, comme l’écrit Steele, la CIA s’est appropriée OSINT, pour que personne d’autre ne s’en serve dans le système de l’américanisme et lui fasse une concurrence mortelle, et bien entendu pour ne surtout pas s’en servir elle-même [« ...mépris total de la part de la CIA pour ce qu'on appelle Active OSINT (HUMINT ouvert) [...] La CIA, par manque d'intégrité, a dès le début de la révolution OSINT en 1988, insisté sur le fait que le service clandestin devait contrôler autant que “posséder” toutes les formes d'HUMINT. Avec une malice préméditée, elle a combattu toute tentative de créer des réseaux multilingues globaux étudiant des sujets humains ouverts, à l’aide d’individus de haute qualification dont les observations n’auraient pas été classifiées et qui n’auraient pas été autorisés à disposer de clearance. En 2016, le ministère danois de la Défense a finalement reconnu que la CIA avait forcé tout le monde à faire de l’OSINT faussaire pendant toutes ces années. »] ... Ce pour quoi, accessoirement, la NSA intercepte tout ce qui vole en fait de communication dans le monde et stocke l’ensemble dans d’énormes réduit où au moins 99% de ce matériel n’est pas dépouillé [“Nous sommes tous écoutés, certes, mais combien d’entre nous sont entendus ?”].)

Reste, pour mon compte là encore à cause du rôle que je lui attribue, reste la Russie dont je m’ouvre, – comme cela tombe bien, – à ma “source ouverte”. « La Russie c’est une énigme, nous ne savons pas comment ils travaillent... » Nous tombons alors rapidement d’accord sur une perception commune, que j’ai eu le temps depuis de peaufiner. Venus de très bas (de l’URSS fracassée par le communisme, puis de la post-URSS fracassée par l’hypercapitalisme), la Russie poutinienne a dû refaire son chemin à partir de rien ou tout comme ; mais cela, en l’occurrence, devait se révéler être un avantage, à mon estime. Repoussée par le bloc-BAO, déjà en plein simulacre notamment par le moyen du refus de tout capacité d’OSINT, simulacre élaborée quasiment en mode de surpuissance par les bureaucraties, les Russes s’y sont trouvés opposés par la simple dynamique de cette logique mécaniste et systémique. Je pense et je crois qu’ils ont assez vite compris ce qui se passait, eux-mêmes ayant de l’expérience dans ce domaine (voir les réflexions de Rogozine en 2008, puis celles de Lavrov depuis...). Ils ont ainsi compris que le travail en “sources ouvertes” était en soi une nécessité, pour eux-mêmes dans la mesure où la presseSystème américaniste-occidentaliste était devenue une extraordinaire chambre d’écho du simulacre-BAO, ennemi juré de l’OSINT. Il suffit de lire le New York Times et le Washington Post aujourd’hui pour savoir ce que la CIA sait, pense, croit et veut nous faire croire. Ainsi les Russes ont-ils été amenés à opérer le plus simplement du monde : pour contrer l’attaque constante du simulacre hors-OSINT, il suffit de dire la réalité qu’ils connaissent grâce à l’OSINT. Leur propagande, c’est le récit véridique des événements en cours. C’est pour cette raison qu’il est hasardeux et même insensé de mettre les Russes et nos dirigeants dans le même sac pour les comparer.

(Le Saker-US disait à peu près la même chose il y a quelques temps, car effectivement il suffit de décrire les vérités-de-situation que vous parvenez à saisir, c’est-à-dire de parler avec franchise en tentant de décrire la réalité, que vous faites votre meilleure propagande : « D’une part, la contre-propagande russe ne s’adresse pas à un groupe isolé de personnes, mais elle est fondamentalement la même, que ce soit sur RT ou sur Spoutnik pour le public étranger, ou sur les principales chaînes de télévision russes. L’effort propagandiste russe est mondial et intrinsèquement cohérent. De plus, et au risque de passer pour un propagandiste russe moi-même, je dirais quelque chose d’assez évident mais pourtant difficile à comprendre : les Russes n’ont pas besoin de mentir, leur propagande est essentiellement véridique, basée sur des faits et la logique. »)

Bien entendu, et je l’ai si souvent répété, s’il n’est pas question de les “mettre dans le même sac” que nos dirigeants il n’est pas question par contre de faire des Russes des antiSystème parce qu’ils seraient hors du Système. Ils y sont, comme tout le monde, comme les Chinois, comme les Nord-Coréens, comme les Israéliens et les Palestiniens, comme Daesh bien entendu puisqu’appointé par la CIA, comme vous et moi, – comme moi, effectivement, qui utilise un outil du Système pour vous parler. (Voir la définition du Système dans le Glossaire.dde : « ...[I]l est “notre Tout”, et il fait système de toutes les parties du Tout, jusqu’à être Système du Tout. ») Nul n’échappe au Système qui englobe l’univers, et c’est pour cela que l’on peut être et qu’il faut être antiSystème, et c’est de cette façon que l’on peut “faire aïkido” en retournant contre le Système ses propres forces, – ce que je fais à l’instant en écrivant ces mots qui seront disséminés par cet “outil du Système”...

Toutes ces choses sont dites et redites à longueur de colonnes et d’articles de ce site, depuis des années. Rien n’est jamais venu contredire ni même entraver cette perception du monde, et chaque jour qui passe démontre que le travail en “sources ouvertes” soulève des montagnes d’une grandeur et d’une beauté inégalées. La circonstance qui m’a fait écrire la précédente page de ce journal, la négation par les dirigeants-BAO de l’efficacité de l’intervention russe en Syrie, est une telle sottise grossière qu’il n’y a nul besoin de démonstration. Qui a suivi les événements syriens en “sources ouvertes” sait très rapidement qu’Assad était au bord de l’effondrement en septembre 2015 sous les coups de Daesh & Cie, que Daesh était une créature disons de la CIA pour faire court, –la CIA est de tous les coups de l’islamisme armé et mortifère depuis l’Afghanistan-1979 et les décisions du professeur Brzezinski, – et qu’à partir du 30 septembre 2015 la situation a commencé à basculer dans l’autre sens parce que ce jour marqua l’arrivée des Russes que personne, du côté de Langley et des autres centres-BAO, n’avait vu venir. Il ne faut pas perdre son temps à discuter avec ceux qui affirment le contraire, ceux qui disent qu’ils ont été les vrais vainqueurs de Daesh finalement alors qu’ils sont eux-mêmes les producteurs de Daesh originellement, et que leur exploit ces dernières semaines, – comme l’a montré la BBC elle-même tentée par OSINT pour la circonstance, – a été d’organiser l’évacuation d’une partie des combattants de Daesh qui risquaient l’élimination complète dans leur déroute. Qui, dans cet asile de fous, prétendra encore que ceux qui font s’évader le reliquat des bandits risquant l’anéantissement de la part de ceux (les Russes) qui n’ont rien fait dans cette bataille sont les vainqueurs de ces bandits ?

De là et tous comptes faits, ma fascination pour OSINT, d’être avec tous ceux qui procèdent de la même façon, chaque jour avec une chance qui m’est donnée de saisir une vérité-de-situation de plus. Il m’importe peu ici, ni de tresser des lauriers aux Russes, ni de faire l’appel de ceux qui ont vu juste. Il n’est pas question, ni d’être pro-russe, ni de “voir juste”. Il est question de comprendre qu’avec l’outil-Système magique dont nous disposions, effectivement, avec un peu d’expérience, avec le courage de l’intuition, on parvient à détailler la vérité du monde à livre ouvert ; comme si la précieuse clef de la Vérité qui seule saura soutenir, relever et rendre plus fortes nos psychologies si sauvagement agressées, était confiée à nos mains fièvreuses.