L’UE face à l’embargo des armes anti-Assad

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L’UE face à l’embargo des armes anti-Assad

On débat aujourd’hui à Bruxelles de la levée de l’embargo UE sur les armes pour les rebelles syriens, dont le mandat vient à expiration le 31 mai ; il s’agit d’armes quasi idéologiques, dans le sens anti-Assad, dans le sens où ce dirigeant est considéré comme ce monstre qui “ne mérite pas d’exister” selon une parole ministérielle fameuse. Il est possible que les islamistes, parmi les combattants de la liberté soutenus par le bloc BAO, aimeraient bien disposer de telles armes et qu’ils parviendraient à en disposer si elles étaient livrées. Bien qu’adepte de la bataille de la liberté anti-Assad, le bloc BAO s’est aperçu de cette possibilité (les armes pour les islamistes) et, singulièrement, entend sélectionner son aide, si aide il y a, ou bien même s’abstenir de ce décider en faveur de cette aide...

En effet, le bloc BAO ne fait pas bloc. Il est divisé, d’une façon voyante ou d’une façon discrète. La répartition des rôles est intéressante à décrire, sinon révélatrice ; elle fait le sel de la fable qui sert effectivement de grand récit épique de la politique extérieure pour l’Europe comme partie intégrante du bloc BAO. Un article de EUObserver du 25 mai 2013 nous permet de faire les comptes.

• Au sein de l’UE, il existe des positions médianes (“ni-ni”, ni pour ni contre, favorable à un arrangement-compromis, etc.) : «[A] more neutral group – including Belgium, Denmark and Germany – shares concerns on proliferation but wants to avoid an EU split or seeing the whole sanctions document fall by the wayside.»

• Il existe un groupe nettement opposé à la levée de l’embargo. Ce groupe s’exprime et, l’un des pays les plus affirmés dans ce sens, l’Autriche, a annoncé qu’elle pourrait retirer ses troupes faisant partie de la force de paix de l’ONU sur le Golan si une décision de levée d’embargo était prise. Parmi les autres opposants déclarés, la Tchéquie, la Finlande, les Pays-Bas, la Suède. «“Who can guarantee that radical forces, strong enemies of Israel for example, won't receive such modern weapons systems?” a Czech diplomat noted.» Pas vraiment de réponse.

• Les USA, par la voix anonyme d’un de leurs officiels, ont fait savoir à EUObserver qu’ils étaient partisans d’une levée de l’embargo. Le média parle d’une note écrite qui lui aurait été transmise le 24 mai : «Amending the EU arms embargo on Syria to allow for the provision of lethal assistance to the opposition is ultimately a decision for EU member states. However … the US strongly supports the easing of the EU arms embargo as part of the international community’s collective efforts to demonstrate its full support for the Syrian opposition and to continue to pressure the regime.» On reconnaît une politique typiquement dans la manière de l'administration Obama, qui est de “soutenir en arrière”, voire de “diriger par derrière”, dans tous les cas de recommander aux autres de faire ce qu’elle ne tient nullement à faire de façon affichée. Plus que du machiavélisme ou de la fine manœuvre, il s’agit d’indécision et du goût pour les demi-mesures dans l’espoir de ne mécontenter aucune des parties en cause, notamment ni les républicains du Congrès, ni les “partenaires” russes.

• Une autre originalité de la situation est que, toujours selon EUObserver, les Israéliens sont discrètement et officieusement contre la levée de l’embargo, ne disant rien du tout mais tenant à le faire savoir. Ils confirment ainsi leur plus récente sinuosité stratégique qui est de soutenir, sans trop le dire et d’une façon complètement indirecte, le régime Assad en ne soutenant surtout pas les rebelles. EUObserver observe que cette divergence de politique d’Israël de la ligne US est très inhabituelle ; on ne peut dire le contraire, comme on ne peut nier que la “guerre syrienne” est l’occasion de manœuvres inédites.

«In an unusual split in Israeli and US policy, an Israeli diplomatic source said Israel would prefer the EU to err on the side of caution. “We're not in favour of introducing yet more weapons into Syria,” the Israeli contact told this website.»

• Restent les leaders du mouvement, les Britanniques et les Français, plus que jamais maximalistes (avec les Italiens en prime, dont on se demande ce qu’ils font là). Finauds et pleins de nuances extrémistes, les Britanniques voudraient ajouter une ligne dans le document UE proposant aussi bien des sanctions anti-Assad que la levée de l’embargo : «A British diplomat said London wants to include a new line in the EU sanctions document which says it can ship “equipment which protects civilians” to “moderate” opposition forces.»

• Les Français, surtout, nous intéressent, par une sorte de vieux réflexe d’atavisme nostalgique, “dont on se demande ce qu’il fait là”. Ils ont dans leur politique une sorte d’entêtement parfois patelin et quelquefois interrogateur (grands yeux un peu étonnés), entêtement souvent dubitatif et cherchant à comprendre la cause même de leur attitude ; mais, de toutes les façons, entêtement toujours et toujours dans le sens le plus radical, avec la plus grande logique cartésienne et une attitude citoyenne présentée comme pondérée ; une sorte de maximalisme-extrémiste qu’on entend affirmer comme si c’était la prudence même et si bonne conseillère, façon d’extrémisme-maximaliste en bon père de famille, sorte de déraison raisonnable défendant des “valeurs” bourgeoises avec une fureur qu’on prendrait pour un bon placement. Le président François Hollande, qui nous est apparu en songe comme un président-poire à l’audace louis-philipparde, déploie effectivement une politique d’invective et d’extrémisme tranquille sur le ton d’un notaire évidemment de province, plutôt à-la-Flaubert du type Bouvard & Pécuchet qu’à-la-Balzac qui connaît trop bien la noirceur de l’âme humaine ; et tout cela comme on fait, en bon et placide notaire, l’inventaire des biens de la famille qui fut cossue in illo tempore.

Il a été interrogé, “en exclusivité” nous est-il précisé par l’intervieweur-minute qui partage manifestement les préoccupations stratégiques du président-poire, sur la stratégie de cette manœuvre de la levée de l’embargo espérée. Cela se passait à la soirée de l’IHEDN où le président-poire venait informer la France et son armée à propos de la grandeur militaire de la France. Sa réponse à l’intervieweur montre une rectitude de pensée et de colonne vertébrale à la fois, et nous restituons à ce propos le verbatim selon l’intervieweur. (Bruxelles-2, ce 25 mai 2013.) Le texte est accompagné d’une photo de la signature du livre d’or de l’Institut par le président, avec éventuellement, qui sait puisqu’on peut toujours rêver, avec peut-être cette remarque en forme d’épigraphe que nous aurions pu lire par-dessus son épaule  : “Mais qu’est-ce que je fais là ?”

«On peut effectivement se poser la question de savoir si on ne doit pas choisir entre la peste et le choléra. Effectivement, il reste peu de marge entre le mouvement Al Nosra et consorts — qui combattent le régime de Bachar mais dont l’inscription sur une liste anti-terroriste est demandée par les USA, la France, et la Syrie (Damas) —, et le Hezbollah branche militaire — qui soutient le régime et dont l’inscription sur la liste est demandée par le Royaume-Uni… A cette question, il n’a pas dénié la difficulté. “Nous devons faire évoluer la situation” m’a-t-il répondu. Eventuellement même de façon “militaire” pour faire avancer la “solution politique”. “La Russie continue de fournir des armements. Il faut lui adresser un signe. [...] Oui, un signe, que nous aussi nous pouvons armer”».

Ainsi sera-t-il dit qu’«il peut le faire !», selon l’observation tonitruante de Francis Blanche. Le président Poutine en sera informé, lorsque la France lui livrera son premier porte-hélicoptères classe Mistral : “Nous aussi, nous pouvons armer”. Pendant ce temps ou bien en attendant, le ministre Fabius manifestera, devant ses collègues interdits, que la France sait dire “non” quand le fondement de la civilisation le réclame. Il doit déjeuner ce jour avec les ministres correspondants, US et russe, et leur dire notamment que la France ne veut pas de l’Iran à la conférence Genève-II, comme le voudraient les Russes. Fabius entend rappeler à ses interlocuteurs que l’Iran cherche à tous prix à déclencher la guerre en Syrie, jusqu’à la faire lui-même, alors que la France réclame inlassablement la paix selon la formule la plus pacifiquement simple : liquidation de Assad, installation au pouvoir des rebelles, éventuellement armés par la France & Cie avec approbation de l’UE. Et puis, expliquera Fabius aux deux compères US et russe ébahis, la présence de l’Iran aux conversations sur la Syrie compliquerait les négociations sur le nucléaire iranien : on ne va pas, ici, s’asseoir pour deviser à côté de quelqu’un (l’Iran) qu’on va placer, là, en face de soi pour mieux exiger sa capitulation. Les deux collègues, US et russe s’en retourneront dans leurs capitales respectives, respectivement étourdis. Quand désormais tousse la France d’aujourd’hui, le monde vérifie son Sonotone.


Mis en ligne le 27 mai 2013 à 04H18

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