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214429 décembre 2017 – Les Russes, c’est comme les migrants pour les anti-migrants : on les fiche dehors par la porte, ils rentrent par la fenêtre. Le bloc-BAO est en danger de voir sa vertu menacée des pires outrages. Certes, dans un bel et rude effort démocratique de leur vertu à eux profondément outragée, les amis-américanistes avaient réussi à se débarrasser de cette peste rouge-brune en balançant dans la catégorie “agent de l’étranger” RT, réseau mondial russe d’information, ou disons plutôt “d’infection” hein... Soupir de soulagement tout au long de la civilisation... Et soudain ! Qu’apprends-je ? Où suis-je ? Que fais-je ? « J’écris ton nom, Liberté », au secours... Depuis le 18 décembre, nous vivons sous l’empire de l’immonde hydre propagandiste : RT s’est installé en France !
Je reprends mon souffle, un instant submergé par l’horreur...Changeons de registre, rangeons nos masque-à-rade, la tragédie-bouffe est terminée.
En une décade juste, je me suis fait une idée grossière, encore très approximative, du RT-français avec émission en direct et en continu nouvellement installé. Par conséquent, on prendra tout ce que j’écris avec l’extrême réserve d’une première vision parcellaire, comme j’ai d’ailleurs le plus souvent l’habitude de faire avec tous les sites et réseaux que je consulte. Je pourrai sans doute modifier mon avis, dans tous les cas l’affiner, le préciser, etc., – cette évolution est même bien au-delà du “sans doute”, elle est certaine pour un réseau qui s’installe et doit chercher avant de se trouver dans sa formule de croisière. Par conséquent, il s’agit vraiment d’un avis d’une toute première impression sur l’objet même, mais aussi, et peut-être plus intéressant, des réflexions plus générales, dépassant le seul RT, que m’a fait naître l’arrivée du réseau et les quelques regards et oreilles indiscrètes que j’ai laissés traîner à cette occasion.
Il s’agit bien d’un réseau complet, alors qu’il n’y avait jusqu’ici qu’un site (lequel reste en place), quelques collaborateurs français, des traductions d’autres langues (soit du russe, soit de l’anglais) dans un français souvent approximatif, avec quelques vidéos souvent repiquées de-ci de-là ; bref, un travail très approximatif, incomplet, dont il y avait très peu d’effets à attendre. Désormais, il s’agit d’une chaîne en continu, en direct, présentant des JT réguliers et divers reportages surtout dans le domaine international m’a-t-il semblé. Cela s’expliquerait par le fait que nombre de ces reportages sont évidemment communs à toutes les chaînes en différentes langues du réseau, avec simplement une voix off traduisant les interventions, souvent faites en langues locales bien entendu.
A côté de cet axe central du RT-français en continue, il y a diverses rubriques de nombreux opinions et tribunes, interviews et entretiens, etc., offerts en conditions autonomes, selon une formule que je trouve très intéressante. Ces interventions, ces vidéos, ces émissions sont détachées des contraintes horaires et figurent dans leurs rubriques, comme une documentation à disposition permanente, avec possibilité de remonter assez loin dans le temps. L’ensemble, – à toute première vue je le précise à nouveau, – donne une impression d’ordre, de rangement, à laquelle je suis très sensible en tant qu’ancien journaliste-papier de journaux d’une autre époque où les sujets (tel événement, telle rencontre, etc.), les thèmes (politique, culture, économie, etc.), les contextes (national, international), les formes (opinions, analyses, etc.) sont aisément identifiables et repérables dans l’ensemble.
Pour le reste, le réseau RT-France devrait suivre la politique déjà connue, notamment sur le réseau US/anglais, c’est-à-dire avec des journalistes et du personnel français pour le travail en continu et les reportages propres au réseau lui-même. Tout cela demandera certainement du temps pour se rôder et se mettre en place, mais la formule est très différente de celle des réseaux français, et en général des pays de ce type, y compris US, ceux-ci et ceux-là avec un amoncellement beaucoup plus grand d’émissions diversifiées, l’abondance de la publicité, la très grande place accordée aux sujets essentiellement nationaux, avec l’intégration directe de débats, interviews, etc., – l’ensemble donnant une impression de pression et de rythme parfois pesants, parfois superficiels, voire même une impression de confusion.
Bref, il y a déjà des choses à dire à propos de RT par rapport aux autres et il y en aura de plus en plus, mais là n’est pas le plus important me semble-t-il. Tout bien réfléchi, l’aspect le plus important, c’est de disposer d’un réseau en français qui fait nécessairement une grande place, une très grande place à l’international observée d’une façon analytique et documentaire, ce qui diffère complètement des réseaux disponibles en France qui sont extrêmement franco-français, sinon très parisiens, même quand ils prétendent “faire de l’international” et qu’ils d’émettent d’ailleurs que de Paris.
Par exemple, dans les quelques visionnages que j’ai faits, j’ai entendu parler du Yémen, et vu des images du Yémen en même temps que des témoignages sur le vif, dans la population, en beaucoup plus grande quantité que, disons, plusieurs mois de vision du même type (épisodique) des chaînes de TV françaises. J’ai quand même eu le temps d’entendre un professeur français d’une part, de gens de l’ONU d’autre part, observer que la situation humanitaire était épouvantable au Yémen du fait des attaques saoudiennes et d’autres, avec soutien sinon participation américanistes, et tout cela exposé en grands détails, dans un style qui fait prendre conscience de l’importance de l’évènement. Le Yémen est aujourd’hui, et de loin, le pays confronté aux menaces humanitaires les plus catastrophiques du fait des attaques dont il est l’objet, dont on ne peut pas dire qu’elles relèvent (ces attaques) le standard moral des attaquants et, encore moins pour ceux qui les soutiennent et ne cessent de s’affirmer, eux, comme des démocraties exemplaires... Ce qui me conduit à la question de la propagande, puisque l’on sait de quel côté seraient plutôt les Russes et de quel côté “nous” nous trouvons.
Je l’ai déjà réglée pour mon compte, cette question, non pas parce que les Russes sont exemplaires de vertu mais parce que les autres, ceux du bloc-BAO (“nous”, en quelque sorte), vivent dans un tel simulacre aux dimensions cosmiques, dans de telles conditions d’une réalité désintégrée, qu’il suffit de dire ce qu’on sait des vérités-de-situation pour porter au bloc-BAO (“nous”, en quelque sorte) des coups d’une violence inimaginable au niveau de la communication. On appelle donc logiquement “propagande“ ces agressions de la vérité contre nos constructions de simulacre : il est normal que nos autorités et notre presseSystème dénoncent tout ce remue-ménage où se glissent des vérités en y voyant effectivement le venin de la propagande.
La position que je défends a déjà été exposée à cet égard, justement alors qu’il était question de RT, dans ce cas de RT-USA, après que RT ait été obligé d’effectivement s’inscrire comme “agent de l’étranger”, il y a deux semaines, le 13 décembre dernier :
« Reste, pour mon compte là encore à cause du rôle que je lui attribue, reste la Russie dont je m’ouvre, – comme cela tombe bien, – à ma “source ouverte”. “La Russie c’est une énigme, nous ne savons pas comment ils travaillent...” Nous tombons alors rapidement d’accord sur une perception commune, que j’ai eu le temps depuis de peaufiner. Venus de très bas (de l’URSS fracassée par le communisme, puis de la post-URSS fracassée par l’hypercapitalisme), la Russie poutinienne a dû refaire son chemin à partir de rien ou tout comme ; mais cela, en l’occurrence, devait se révéler être un avantage, à mon estime. Repoussée par le bloc-BAO, déjà en plein simulacre notamment par le moyen du refus de tout capacité d’OSINT, simulacre élaborée quasiment en mode de surpuissance par les bureaucraties, les Russes s’y sont trouvés opposés par la simple dynamique de cette logique mécaniste et systémique. Je pense et je crois qu’ils ont assez vite compris ce qui se passait, eux-mêmes ayant de l’expérience dans ce domaine (voir les réflexions de Rogozine en 2008, puis celles de Lavrov depuis...). Ils ont ainsi compris que le travail en “sources ouvertes” était en soi une nécessité, pour eux-mêmes dans la mesure où la presseSystème américaniste-occidentaliste était devenue une extraordinaire chambre d’écho du simulacre-BAO, ennemi juré de l’OSINT. Il suffit de lire le New York Times et le Washington Post aujourd’hui pour savoir ce que la CIA sait, pense, croit et veut nous faire croire. Ainsi les Russes ont-ils été amenés à opérer le plus simplement du monde : pour contrer l’attaque constante du simulacre hors-OSINT, il suffit de dire la réalité qu’ils connaissent grâce à l’OSINT. Leur propagande, c’est le récit véridique des événements en cours. C’est pour cette raison qu’il est hasardeux et même insensé de mettre les Russes et nos dirigeants dans le même sac pour les comparer.
» (Le Saker-US disait à peu près la même chose il y a quelques temps, car effectivement il suffit de décrire les vérités-de-situation que vous parvenez à saisir, c’est-à-dire de parler avec franchise en tentant de décrire la réalité, que vous faites votre meilleure propagande :“D’une part, la contre-propagande russe ne s’adresse pas à un groupe isolé de personnes, mais elle est fondamentalement la même, que ce soit sur RT ou sur Spoutnik pour le public étranger, ou sur les principales chaînes de télévision russes. L’effort propagandiste russe est mondial et intrinsèquement cohérent. De plus, et au risque de passer pour un propagandiste russe moi-même, je dirais quelque chose d’assez évident mais pourtant difficile à comprendre : les Russes n’ont pas besoin de mentir, leur propagande est essentiellement véridique, basée sur des faits et la logique.”) »
Finalement, ce que j’espère de cette arrivée de RT-France, – avant des avis plus substantivés sur la structure du réseau, l’écho qu’il peut obtenir ou non, etc., – c’est bien qu’une certaine frange de Français/de francophones, même s’il s’agit éventuellement d’antiSystème, apprennent en suivant une communication beaucoup plus ouverte vers des conflits et des analyses qu’ils connaissent peu et auxquels ils ne s’intéressent guère par conséquent, notamment parce qu’on le leur dissimule, à apprécier l’importance des nouvelles internationales. RT, pour eux, et quoi que vaille RT, c’est une cure de désintoxication nécessaire après l’usage exclusifs de la communication pourrie des réseaux français qui sont incapables d’aller un peu plus profondément dans les domaines qui importent parce qu’ils ne savent que s’arrêter à la forme du simulacre en désignant la gangrène ainsi mise à nu comme la vertu de la postmodernité.
Bien sûr, c’est de l’information russe, c’est du “vu de Moscou”, mais justement les Russes sont, au niveau de la communication, ceux qui s’intéressent peut-être le plus aux affaires extérieures pour ce qu’elles sont, et non pas en les transformant selon leur vision. Cela ne signifie pas que ces nouvelles ne penchent pas plutôt vers les intérêts russes, d’ailleurs en les identifiant comme tels, et souvent proches de certaines vérités-de-situation (c’est à nous de trouver) puisque le simulacre est notre monopole ; cela n’est pas gênant et n’a rien de la propagande de notre ignoble conformisme, paralysant pour l’esprit ; au contraire, cela assouplit l’esprit, le rend plus vif, puisque c’est à lui de trouver la chose la plus intéressante pour son ouvrage. Même avec ces réserves qui n’en sont d’ailleurs pas vraiment, il y a surtout un intérêt russe pour l’extérieur en tant que, par exemple, les USA sont incapables d’avoir parce qu’ils n’imaginent pas une seconde que puisse exister un extérieur d’eux-mêmes alors qu’eux-mêmes, les USA, jugent être à peu près tout et même davantage, c’est-à-dire un peu plus que le monde entier lui-même... Le reste du bloc-BAO n’est pas loin, lui non plus, de penser de la sorte : c’est notre façon à “nous” d’être libres.
RT-en-France, avec sa terrible propagande décrite par nos propres officines, c’est un exercice qui aiguise la liberté de l’esprit. “Je retrouve ton nom, Liberté”.