Libé contre WSWS.org

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Libé contre WSWS.org

Voici donc quelque chose d’original, c’est-à-dire d’assez nouveau : Libération, dit Libé, prend la plume pour relever le défi de démolir comme il se doit un article de WSWS.org. Nous voulons dire par là qu’il est fort inhabituel que Libé condescende à s’apercevoir de l’existence d’un site politique qui n’est pas un rejeton du Système et un acteur de la presseSystème, et qui plus est sur l’internet ; ou bien est-ce simplement qu’ils ne savent pas que cela existe, des “sites politiques qui ne soient pas des rejetons du Système, et un acteur de la presseSystème, sur l’internet” ; parce que pour ceux-là à la culture si vaste réduite aux acquêts des quelques mois derniers, l’étiquette FakeNews fait l’affaire... Bref, quoi qu’il en soit et quoiqu’on en pense sur le fond, il s’agit d’une sorte d’événement de communication.

Là-dessus, nous précisons aussitôt que nous sommes en territoire connu, parce que l’article de WSWS.org qui est la source de l’intérêt et l’objet de la critique nous est déjà tombé sous la main, ou plutôt sous la plume. PhG en a dit un mot après en avoir donné un extrait dans son Journal-dde.crisis, dans T.C.-60 : Carnage, carnage (le 13 octobre 2018) ; comme ceci...

« ...On laisse la plume à WSWS.org qui en fait la présentation sur le ton tragique qui convient :

» ... [..“U]n document de 146 pages publié par le Pentagone vendredi dernier et intitulé ‘Évaluer et renforcer la résistance des bases industrielles et de la chaîne d’approvisionnement du secteur manufacturier et de la défense aux États-Unis’. Il indique clairement que Washington se prépare non seulement à des affrontements régionaux isolés, mais surtout à un effort de guerre massif et à long terme contre la Russie et la Chine dans des conditions d'autarcie nationale potentielle.

» “Le document indique clairement qu'une restructuration majeure de l'économie américaine serait nécessaire pour atteindre l'objectif déclaré de l'armée américaine: être en mesure de ‘se battre dès ce soir’ contre un ‘adversaire de taille’. Les États-Unis doivent ‘se réorganiser’ pour ‘la concurrence entre grandes puissances’, observe le document. ‘La base industrielle américaine de fabrication et de défens’ [...] crée la ‘plate-forme et les systèmes’ dont ‘dépend notre Combattant’. Ce complexe englobe non seulement le gouvernement, mais aussi le secteur privé, ainsi que les ‘organisations de R et D’ et les ‘institutions universitaires’. En d’autres termes, l’ensemble de l’économie et de la société... »

» Certains y verront les signes indubitables d’une préparation à des échéances tragiques. D’une certaine façon c’est le cas, mais encore faut-il envisager et réaliser de quelle échéance il s’agit. De même que l’America First  (ou MAGA – Make America Great Again) de Trump est une tentative désespérée pour réindustrialiser l’Amérique et lui redonner toute sa puissance comme si l’on remontait le temps, de même le projet du Pentagone est une tentative désespérée de redonner aux USA une puissance militaire qu’ils n’ont plus et qu’ils ne peuvent plus avoir, pour singer l’illusion d’un conflit ultime qui fixerait la Fin de l’Histoire sous l’hégémonie américaniste... »

On trouve donc ci-dessous deux textes dans le prolongement de celui dont il est question : l’appréciation critique de Libé et la réponse de WSWS.org. On comprend que le site de la IVème Internationale (trotskiste), américain de surcroît malgré l’internationalisme affiché des trotskistes (mais avec un formidable effort de traduction de ses textes en de très nombreuses langues), relève le gant que Libé n’imaginerait certainement pas avoir lancé. C’est de bonne guerre, le site trouvant là une occasion bienvenue d’affirmer son statut d’organe important et à l’influence réelle puisqu’il est reconnu comme tel, pour être dénoncé, certes et bien entendu, – par l’un des fleurons de la presseSystème des salons parisiens..

(L’intervention de Libé, comme nous l’interprétons, nous, fait partie du minimum syndical démocratique de réponse circonstanciée à donner à l’un ou l’autre de ses lecteur-commentateurs, dans le sens de travailler inlassablement à la démonstration par l’évidence que les USA, – même ceux de Trump, parce que les USA restent les USA, c’est-à-dire la référence sacrée qui vous fait flageoler sur vos genoux fragiles et tremblants d’émotion, – n’ont pas une seconde ni un milligramme d’intention belliciste, en aucune façon, et surtout pas le Pentagone qui est cette citadelle de l’humanisme et de l’humanitarisme bien connue. Il nous semble que Libé, du haut de sa vertu et de l’arrogance qui va avec, ne cherchait nullement une polémique avec WSWS.org, comme avec toute publication hors de la presseSystème. Peut-être même ne s’est-il aperçu de rien, c’est-à-dire de la riposte de WSWS.org, – on verra, – parce que la lecture de textes hors-presseSystème n’est pas la tasse de thé de ses petites mains, outre d’être sévèrement contrôlée par le Parti.)

On s’attardera moins à la réponse de WSWS.org qui est en partie une répétition de l’exposé et des arguments du texte initial présentés comme on pouvait s’y attendre sur un ton polémique et furieux vis-à-vis de Libé, – c’est qu’on parle au nom de la masse ouvrière du monde entier, – qu’au commentaire initial sur l’un des blogs du quotidien, dit-C heckNews (ditto, antidote vertueux des FakeNews). Le travail de l’intervenante signant ceCheckNews est d’une extrême superficialité, avec comme but avoué-et-vite-pardonné de montrer que le rapport du Pentagone n’a nullement pour but de “préparer la guerre totale” mais plus évidemment de viser la Chine en soutenant la “guerre commerciale” lancée contre elle. La logique invertie la plus élémentaire et la plus voyante (plus c’est gros plus ça passe) est partout présente, notamment par exemple, dans cet “élément de langage” comme ils disent, avec l'enchaînement direct proposition-déduction...

• Proposition : « “L’industrie de la défense américaine – vitale pour s’assurer de notre sécurité nationale – est sous une menace significative alors que les capacités militaires de la Chine, de la Russie et d’autres adversaires stratégiques sont en augmentation”résume le conseiller de Trump à l’industrie de la défense dans une tribune publiée sur Fox News. »

• D’où il se déduit que... « Il est donc vrai de dire que les États-Unis visent particulièrement la Chine. »

Mais tout cela n’a qu’une importance secondaire. Il n’est pas nécessaire de citer Mike Pence (discours contre la Chine) en oubliant les myriades de déclarations désignant la Russie comme “ennemi n°1” pour savoir qu’effectivement, et au vu de ses capacités actuelles en plein développement, la Russie est de loin l’ennemi stratégique N°1 des États-Unis. L’affirmation ne vaut même pas débat.

Ce qui est par contre plus consternant, c’est la complète inculture stratégique et industrielle de l’auteure devant un rapport qui demande d’urgence une réorganisation de la base industrielle et technologique des USA pour évidemment soutenir et alimenter sur la durée un armement de guerre conventionnelle de haut niveau que les USA ont complètement laissée à l’abandon depuis près d’un quart de siècle. On sait bien la cause de cette inattention qui conduit les USA à cette urgence : l’attention exclusive portée à la “guerre contre la Terreur” (hybride et non-conventionnelle), et surtout l’incroyable sentiment de supériorité totale des USA sur n’importe quel autre adversaire, cette arrogance, cet hybris incroyable qui faisait dire en 2002 à Karl Rove, conseiller en communication de GW Bush : « Nous sommes un empire maintenant et quand nous agissons nous créons notre propre réalité. » 

Rien de semblable dans la réflexion de l’auteure, qui ignore totalement la signification stratégique d’une base industrielle et technologique. Nous parlons du type d’effort fait par les USA pour organiser et mettre en place avec les plus grandes difficultés un tel ensemble en 1940-1942, pour soutenir ce qui ne peut être qu’un éventuel effort de “guerre totale” ; car une telle ambition d’une “base industrielle et technologique” dans le sens où elle est annoncée concerne effectivement et nécessairement dans sa capacité ultime la possibilité d’une “guerre totale” ; par conséquent, ce qui est possible n’est pas un mythe ni une FakeNews.

Au contraire dans le raisonnement développé derrière des citations choisies et des références émouvantes de rectitude (Le Monde, le New York Times) on ne voit, selon le penchant général et culturel de l’économisme correspondant à l’esprit de la postmodernité, que l’aspect industriel-commercial du projet de base industrielle et technologique. Cette inculture stratégique conduit à conclure très logiquement par cette absurdité conceptuelle, comme si le Pentagone proposait de radicalement transformer et rénover la base industrielle et technologique des USA dans le seul but de forcer la Chine à baisser ses tarifs naturellement excessifs (cela démontrant le rôle absolument pacifique, sinon redresseur de torts ès-globalisation, du Pentagone) : « ...mais le rapport en question porte sur la stratégie de l’industrie de la défense américaine et sur le poids de la Chine dans cette industrie. Il étaye l’argumentaire américain dans sa guerre commerciale contre la Chine, mais n’annonce pas de “guerre totale”. »

Cela dit autour de l’intervention éclairée de Libé, il n’en reste pas moins que l’hypothèse de WSWS.orgsi elle est juste en théorie selon les intentions du Pentagone, doit être absolument et décisivement nuancée par le constat que l’effort ainsi proposé n’a aucune chance d’aboutir. Les USA n’ont plus, aujourd’hui, de réelle capacité de production industrielle tandis que la création d’armements nouveaux atteint l’impuissance totale (F-35, corvette classe Zumwalt , porte-avions classe Gerald S. Ford) sous les pressions conjugués du bureaucratisme, du technologisme en crise aiguë et de la corruption généralisée du tissu industriel qui ne recherche plus que la production de matériels dépassés et inefficaces pour réaliser des “ventes forcées” surtout à l'exportation avec les bénéfices qui vont avec, sous la pression de l’hégémonisme d’influence en place dans un nombre considérable de pays pénétrés depuis longtemps par tous les moyens (renseignement, lobbies, etc.).

Ci-dessous, pour la chronique, le divertissement, mais aussi l’identification des diverses techniques rhétoriques utilisées, les deux textes qui se répondent : 

• De Pauline Moullot, le 15 octobre 2018 dans Libération, avec le titre (modifié par nous ci-dessous pour des raisons techniques) « Un rapport du Pentagone indique-t-il vraiment que les États-Unis se préparent à une “guerre totale” ? », avec comme sous-titre « Une guerre commerciale est engagée entre la Chine et les États-Unis, mais un rapport du Pentagone ne dit pas que les États-Unis se préparent à une “guerre totale” ».

• De Alexandre Lantier, le 17 octobre 2018 dans WSWS.org, avec en surtitre « Une réponse au quotidien Libération ».

dedefensa.org

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... Les États-Unis se préparent-ils une “guerre totale” ?

Question posée par Fournier le 14/10/2018

Bonjour,

Voici votre question d’origine: «Bonjour, est il vrai qu’un rapport du pentagone dit se préparer à une grande guerre ? Comme le relate ce site, d’autres sites l’ont bien entendu relayer par la suite !»

En effet, plusieurs sites ont repris cet article du World Socialist Website et titré: «Un rapport du Pentagone indique que les États-Unis se préparent à une guerre totale». L’article mélange plusieurs informations authentiques pour arriver à un titre trompeur.

Premièrement, il est écrit que : «Le 3 octobre, les États-Unis ont menacé, pour la première fois depuis la guerre froide, d’attaquer directement la Russie». Deuxièmement, «Cette déclaration a été faite seulement trois jours après qu’un navire de guerre chinois a foncé sur un contre-torpilleur américain», et enfin un rapport publié par le Pentagone «indique clairement que Washington se prépare non seulement à des affrontements régionaux isolés, mais surtout à un effort de guerre massif et à long terme contre la Russie et la Chine».

Que dit le rapport du Pentagone ?

Il est vrai que les Etats-Unis, depuis plusieurs semaines, prennent pour cible la Chine qualifiée «d’adversaire stratégique»; mais une «guerre totale» n’a pas été évoquée. Revenons sur ce qui est écrit dans l’article vers lequel vous nous renvoyez.

Le 2 octobre, des déclarations de Kay Bailey Hutchison, l’ambassadrice des Etats-Unis à l’Otan, ont déclenché un «incident diplomatique»rapporte le Washington Post.  Répondant à une question sur des missiles russes supposés contrevenir au traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire, la diplomate a indiqué que «les contre-mesures consisteraient à retirer les missiles en développement en Russie en violation du traité». Devant la polémique, l’ambassadrice a par la suite précisé sur Twitter qu’elle n’avait pas menacé de frapper la Russie.

Le 30 septembre, un navire de guerre américain qui croisait en mer de Chine méridionale, à proximité d’îles contrôlées par la Chine mais revendiquées par le Vietnam et les Philippines, a été contraint de dévier de route après qu’un navire chinois l’a approché «dangereusement» rapporte Le Monde. Un événement qui intervient dans un contexte très tendu entre la Chine et les Etats-Unis, en pleine guerre commerciale.

Pour autant, un rapport du Pentagone prévoit-il une «guerre totale»? Le rapport en question porte en fait sur l’industrie de la Défense aux États-Unis. Si la Russie n’est citée qu’à une seule reprise, plusieurs pages sont consacrées à la Chine, et à son «expansion militaire et sa modernisation» et à sa «stratégie d’agression économique»«L’une des découvertes clés de ce rapport, c’est que la Chine représente un risque significatif et en hausse d’approvisionnements de matériels et de technologies considérées comme stratégiques et critiques pour la sécurité nationale américaine; un défi partagé par des alliés clés comme l’Allemagne et l’Australie», note ainsi le rapport. Et indique par exemple: «la Chine est le seul fournisseur pour un certain nombre de produits chimiques utilisés dans les munitions et les missiles». La dépendance des Etats-Unis auprès de la Chine en matière d’industrie de la défense est donc dénoncée.

Réquisitoire de Pence aux allures de «guerre froide»

«L’industrie de la défense américaine - vitale pour s’assurer de notre sécurité nationale - est sous une menace significative alors que les capacités militaires de la Chine, de la Russie et d’autres adversaires stratégies sont en augmentation», résume le conseiller de Trump à l’industrie de la défense dans une tribune publiée sur Fox News.

Il est donc vrai de dire que les États-Unis visent particulièrement la Chine. Le discours du vice-président américain Mike Pence devant un think tank conservateur, attaquant frontalement la Chine et l’accusant de s’immiscer dans les élections américaines, a été analysé comme un «présage de nouvelle guerre froide» mais le rapport en question porte sur la stratégie de l’industrie de la défense américaine et sur le poids de la Chine dans cette industrie. Il étaye l’argumentaire américain dans sa guerre commerciale contre la Chine, mais n’annonce pas de «guerre totale».

Cordialement

Pauline Moullot

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WSWS.org exagère-t-il la menace de guerre?

Lundi, Libération a publié un article dans sa section «CheckNews» affirmant que le World Socialist Web Site exagère les préparatifs américains pour une «guerre totale». En réponse à une question d’un lecteur, Pauline Moullot écrit: «En effet, plusieurs sites ont repris cet article du World Socialist Website et titré: ‘Un rapport du Pentagone indique que les États-Unis se préparent à une guerre totale’. L’article mélange plusieurs informations authentiques pour arriver à un titre trompeur.».

Libération avoue que le WSWS rapporte correctement les incidents et menaces militaires entre Washington, Moscou et Beijing. Le journal note que des vaisseaux chinois et américains ont failli entrer en collision en mer de Chine méridionale, «dangereusement» selon Le Monde. Et que l’ambassadrice américaine auprès de l’OTAN, Kay Bailey Hutchison, a menacé de «supprimer» les missiles russes en Europe, provoquant un «incident diplomatique» selon le Washington Post.

Néanmoins, Libération prétend que le WSWS surestime le danger de guerre et en particulier l’importance du rapport du Pentagone sur lequel il fonde son article. Le journal écrit: «Pour autant, un rapport du Pentagone prévoit-il une «guerre totale»? Le rapport en question porte en fait sur l’industrie de la Défense aux Etats-Unis.»

Libération conclut que le WSWS exagère: ce qui se passe n’est qu’une guerre commerciale sino-américaine, sans grande importance. Tout le monde peut aller se coucher en toute tranquillité. «Il est donc vrai de dire que les Etats-Unis visent particulièrement la Chine», écrit Libération, «mais le rapport en question porte sur la stratégie de l’industrie de la défense américaine et sur le poids de la Chine dans cette industrie. Il étaye l’argumentaire américain dans sa guerre commerciale contre la Chine, mais n’annonce pas de ‘guerre totale’.»

En fait, l’analyse du danger de guerre proposée par le WSWS est correcte. Le rapport du Pentagone veut surtout assurer ses capacités d’organiser une «escalade» de ses activités même si les pays dont ils dépendent économiquement «refusent l’accès aux Etats-Unis.» Quoi qu’en dise le comité éditorial de Libération, une «escalade» de l’activité militaire, ça s’appelle d’habitude une guerre. Pour organiser une telle «escalade», le rapport propose des changements radicaux dans l’économie, l’éducation nationale et les finances publiques américaines.

Ainsi, le rapport exige des changements dans toute la société américaine afin de faire la guerre. Si Libération ne considère pas que c’est une préparation à la guerre totale, cela ne fait que confirmer le vieil adage selon lequel «il n’est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir.»

Le rapport du Pentagone intitulé: «Évaluer et renforcer la résilience de la base industrielle et de la chaîne d’approvisionnement des États-Unis dans le secteur manufacturier et de la défense», appelle les États-Unis à se «rééquiper» pour «la lutte entre grandes puissances». Il cite la stratégie de sécurité nationale adoptée en 2017 par Washington, qui dénonce les «puissances révisionnistes» dont la Chine et la Russie et déclare qu’elles constituent le «défi central» posé aux États-Unis.

Afin de se préparer à la confrontation militaire voire au conflit avec d'autres grandes puissances dotées d'armes nucléaires, ce document insiste sur la nécessité de «l'intégration sans faille de multiples éléments du pouvoir national: diplomatie, information, économie, finance, renseignement, application de la loi et armée».

En clair, la stratégie de sécurité nationale des États-Unis consiste à préparer l’intégration de tous les éléments de la société américaine pour mener une guerre totale.

Comme l’a écrit le WSWS, c’est ce que propose concrètement le rapport du Pentagone. Il prône la construction d’un «secteur industriel national vivace, une base industrielle de défense solide, et des chaînes d’approvisionnement résilientes», mais aussi de profonds changements aux institutions universitaires et de recherche, avec des mesures contre les étudiants chinois. Puisque un quart des étudiants en sciences et de génie «aux Etats-Unis sont de nationalité chinoise», écrit le rapport, «les universités américaines sont des catalyseurs majeurs de l’essor économique et militaire chinois».

L’adoption de plans de guerre totale aux États-Unis pousse d’autres grandes puissances, alliées ou non à Washington, à élaborer des mesures similaires. En 2017, la Suède a réintroduit la conscription après l’annonce par l’Allemagne de la remilitarisation de sa politique étrangère. Pendant que le Pentagone apportait les touches finales à sa stratégie de sécurité nationale, Moscou annonçait ses propres projets pour une mobilisation totale de l’économie russe pour la guerre.

Sur fond d'exercices militaires russes visant à contrebalancer le stationnement de troupes de l'OTAN aux frontières de la Russie en Europe de l’Est, le président Vladimir Poutine a dit: «La capacité de notre économie d’augmenter la production et les services militaires à un moment donné est l’un des aspects les plus importants de la sécurité militaire. Donc toutes les entreprises stratégiques, ou simplement de grande taille, doivent être prêtes, quel que soit leur propriétaire».

Ceci démontre que l’escalade de guerres néo-coloniales de l’OTAN depuis un quart de siècle entre dans une nouvelle phase, très dangereuse. Les conflits entre grandes puissances – qui sous-tendaient les tentatives du Pentagone de dominer l’Eurasie après la dissolution de l’URSS, par des guerres en Irak, en Afghanistan, en Yougoslavie, en Syrie, en Ukraine, etc – s’exposent au grand jour. Un nouvel effondrement capitaliste est en marche. Comme en 1914 ou en 1939, Washington, Moscou et les autres grandes puissances se préparent toutes à se faire la guerre.

Libération contesterait sans doute cette analyse. Mais en 2015, quand Washington menaçait d’armer des milices ukrainiennes contre la Russie dans l’est de l’Ukraine, et que la Russie menaçait de répliquer militairement, quelle était l’analyse de l’homme dont Libération avait salué l’élection en tant que président de la République?

Avant de prendre l’avion à Paris pour Minsk, pour tenter désespérément de négocier ce qui allait devenir le traité de Minsk, François Hollande a déclaré: «Nous sommes passés en quelques mois de conflit, à la guerre... Nous sommes en état de guerre, et une guerre qui pourrait être totale».

Rentré de Minsk, Hollande a continué bien sûr à mener les guerres néocoloniales de l’impérialisme français en Syrie et au Mali, s’assurant ainsi le soutien de Libération.

Libération critique le WSWS, par contre, parce qu’il lutte pour alerter les travailleurs du monde entier du danger de guerre et pour les mobiliser en lutte contre la guerre impérialiste. Comme les autres médias officiels en France, ce journal sait que le WSWS a un lectorat considérable, y compris parmi ses propres lecteurs. Comme d’autres publications et organisations pro-capitalistes ressorties du mouvement d’étudiants petit-bourgeois d’après Mai 68, dont le Nouveau parti anticapitaliste, il a jusqu’ici maintenu un silence hostile envers le WSWS.

La carrière de l’auteur de l’article de Libération sur le WSWS, Pauline Moullot, reflète fidèlement l’évolution à droite des couches petites-bourgeoises qui influencent la ligne éditoriale de Libération. La jeunesse maoïste qui a fondé le journal en 1973 sous la protection de Jean-Paul Sartre, mobilisés contre la guerre de Vietnam, a bien changé en 45 ans. Moullot écrit aussi pour Slate.fr et le World Policy Journal, une publication liée au magazine impérialiste français, Politique internationale.

Ce milieu a prospéré au cours des décennies, alors que des guerres sanglantes coûtaient des millions de vies, en fournissant des commentaires pour justifier et exalter divers actes de pillage impérialiste. Leurs salaires, leurs portefeuilles d’actions et leurs privilèges sociaux sont liés aux bénéfices tirés de la guerre et de sa promotion médiatique. Ils ont un intérêt financier à ne pas dire la vérité sur ce que signifient des projets de guerre totale, malgré l’inquiétude croissante des masses.

C’est pourquoi Libération ne se rend pas à l’évidence que la guerre totale est en préparation, et choisit d’ignorer l’importance de faits qui se trouvent devant les nez de ses journalistes.

Alexandre Lantier

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