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4642Il est manifeste que le pays aujourd’hui le plus à l’aise en Europe pour la manœuvre politique pouvant amener des gains considérables, c’est sans aucun doute l’Italie. Son terrain d’essai favori, son “souffre-douleur” principal, c’est sans aucun doute la France : l’Italie de Di Maio-Salvini joue avec la France de Macron comme un chat avec une souris, – et cela quoi qu’on pense des gains ou des pertes tactiques de la politique suivie par l’un ou l’autre leader italien ; l’essentiel est bien dans l’affrontement du “modèle populiste italien” et du “modèle antipopuliste français” assiégé par le populisme français.
(Il existe par ailleurs un contentieux important entre Français et Italiens dans les affaires internationales : les relations avec la Russie, la Libye en 2011, les migrants, etc., tout un ensemble que rappelle WSWS.org dans un article de ce 8 février 2019. Mais pour notre compte, nous pensons que l’enjeu qui prime tout, balaye toutes les autres considérations et concerne directement les deux pays, y compris dans le même sens, est la situation totalement nouvelle créée par le gouvernement populiste à Rome et la crise des Gilets-Jaunes en France.)
Le triumvirat italien joue sa pièce à merveille. Di Maio, le Vice-Premier du M5S, joue à fond les Gilets-Jaunes parce qu’il trouve en eux une réplique parfaite des méthodes d’action des 5 Etoiles, dans cette démarche de “démocratie par le bas” et juge que c’est ainsi renforcer son mouvement en Italie, en perte de vitesse vis-à-vis de La Liga. Salvini, lui, travaille au niveau européen, pour réaliser un rassemblement populiste. Les deux partis populistes sont concurrents en un sens mais ils ont pour l’instant tout intérêt à travailler de conserve, contre les croutes diverses qui peuplent le rassemblement devenu grotesque de l’UE. L’élégant Premier ministre Conte est certes une potiche, mais il n’est nullement inutile quand les circonstances le permettent, en prodiguant auprès des pays étrangers qui se sentent touchés par ces remous des bonnes paroles que l’on finit en général par entendre...
La dernière intervention polémique est celle de Di Maio, avec des Gilets-Jaunes eux-mêmes objets de contestation en France (ce dont Di Maio n’a cure, puisqu’il ne considère que l’aspect symbolique des GJ contre la direction française)... « Luigi Di Maio, vice-président du Conseil des ministres italien, s'est félicité, dans un tweet publié ce 5 février, d'avoir rencontré “le leader des gilets jaunes Christophe Chalençon et les candidats aux élections européennes de la liste RIC d'Ingrid Levavasseur”. “Le vent du changement a traversé les Alpes.” a-t-il commenté.
» Le leader du mouvement 5 étoiles ne tarit pas d'enthousiasme dans sa publication et pour cause, cette rencontre s'inscrit dans un contexte électoral européen imminent. De fait, la liste de “ralliement d'initiative citoyenne” (RIC), composée de Gilets jaunes, a été confirmée le 24 janvier dernier, quatre mois avant les élections européennes. Si la démarche est saluée par Luigi Di Maio, il est à noter qu'elle peine à susciter l'engouement du mouvement citoyen. Les choix politiques passés de certains des premiers membres de la liste ‘RIC’ inquiètent particulièrement les Gilets jaunes.
» Réagissant au tweet de Luigi Di Maio, le journaliste de Libération Vincent Glad a noté la présence sur la photo d'une autre figure contestée au sein des Gilets jaunes, celle de Marc Doyer. “On retrouve même à gauche sur la photo Marc Doyer, l'ancien macroniste devenu gilet jaune avant de se retirer de la liste RIC sous la pression de la base” commente-t-il. »
Cette fois, ou dans tous les cas pour l’instant, l’intervention de Conte n’a pas réussi à voir se lever un orage sévère entre la Franc et l’Italie à la suite de l’initiative de Di Maio, – ou bien disons qu’elle n’a pas encore le temps de faire sentir ses effets puisqu’elle n’a pas eu lieu officiellement. La France a rappelé son ambassadeur à Rome, pour la première fois depuis 70 ans, c’est-à-dire depuis la chute de Mussolini et l’installation de l’actuel régime démocratique.
« Le ministère des Affaires étrangères français a annoncé avoir rappelé son ambassadeur en Italie pour des “consultations” ce 7 février, dénonçant des “accusations répétées, d[es]attaques sans fondements, d[es] déclarations outrancières” qui n'ont “pas de précédent depuis la fin de la guerre”. Le communiqué du Quai d'Orsay pointe également du doigt «les dernières ingérences» italiennes qui «constituent une provocation supplémentaire et inacceptable», faisant certainement référence à la rencontre, le 5 février, entre le vice-président du Conseil italien Luigi di Maio et des représentants de Gilets jaunes. Une rencontre déjà qualifiée de “provocation” dès le 6 février[par le Quai d’Orsay]
» “Tous ces actes créent une situation grave qui interroge les intentions du gouvernement italien vis-à-vis de sa relation avec la France”, estime en outre le Quai d'Orsay, avant d'annoncer sa décision de rappeler l'ambassadeur de France en Italie, Christian Masset. Le communiqué se conclut par un appel à son voisin italien à “retrouver la relation d'amitié et de respect réciproque”. »
Les relations entre la France et l’Italie ont ainsi atteint un point de tensions sans précédent entre deux États-Membres de l’UE, et cela nullement sur un contentieux objectif, sur une question de forme de type institutionnel ou organisationnel, mais certes sur une question de fond qui constitue le cioeur de notre Grande Crise d'Effondrement du Système. Nous disons “point de tension” et nullement “point de rupture” puisque nous sommes au sein de l’UE et cela impose des liens et des affrontements excluant la rupture au sens classique de la diplomatie. Cette situation engendre des effets particuliers. L’appartenance commune à l’UE n’implique nullement dans ce cas un mécanisme d’apaisement venant surmonter l’affrontement ; au contraire, en maintenant ces liens particuliers à l’UE, y compris avec rappel d’ambassadeur, cette situation permet à l’affrontement de se poursuivre, donc de s’aggraver, si l’un ou l’autre des protagonistes l’entend ainsi.
Cet affrontement entre l’Italie et la France nous apparaît justement exceptionnel par sa gravité formelle et politique à la fois, entre deux pays d’une Union si vantée pour sa cohésion et dans laquelle la cohésion porteuse d’une nécessaire marche vers l’intégration représente un enjeu central de la stabilité de l’ensemble, et tout cela plus encore entre deux pays du noyau initial de l’Europe. D’autre part, il faut considérer combien cette exceptionnalité de l’affrontement France-Italie correspond en vérité à un affrontement politique fondamental et complètement exemplaire du grand affrontement en cours au cœur du Système entre deux pays exemplaire par leurs caractères autant que par leurs poids politiques respectifs :
• La France de Macron, particulièrement et exceptionnellement dans le chef de ce président, se trouve être selon nous dans les circonstances présentes le pays du bloc-BAO le plus soumis au Système du fait de la subversion cherchant à susciter un effondrement de sa psychologie collective conduite sous une pression d’une force sans précédent par une équipe dont l’entreprise est sans aucun doute de type démoniaque. Dans ce cas, la France apparaît comme le pays le plus engagé dans la voie de la soumission au Système dans sa transcription opérationnelle, par ses voies à elle qui prennent en général l’allure qu’on connaît déjà d’une soumission à l’Allemagne. (Voir le texte de Régis de Castelnau, du 31 janvier 2019 sur VuduDroit.) Bien entendu et en contrepartie radicale qui fait heureusement constater que l’attaque du Système se fait dans une situation absolument effervescente du fait de cette attaque, ce même pays est l’objet d’un mouvement de résistance antiSystème d’une puissance et d’une originalité considérables, à mesure de l’orientation satanique imposée par sa direction.
• L’Italie de Di Maio-Salvini constitue le premier pays d’une réelle puissance, et d’un poids incontestable, qui s’est structuré selon les conceptions populistes qui l’orientent nécessairement vers l’antiSystème, sans rencontrer au niveau national d’opposition-Système réellement efficace, notamment dans le champ d’affrontement de la communication. Selon cette logique d’affrontement dans le cadre de l’activisme Système-antiSystème, l’Italie semble suivre une politique d’agression ouverte contre la France, toujours selon les normes du temps qui privilégient le terrain de la communication bien sûr. En un sens, l’affrontement France-Italie a une importance symbolique exceptionnelle au cœur de l’Europe et au cœur du Système ; et dans cet affrontement, l’Italie attaque la France de façon ouverte, comme si elle identifiait le pays dont la direction suit la voie la plus démoniaque, donc nécessitant une attaque frontale.
Du côté des institutions européennes, on n’est pas en reste dans une situation d’extrême tension, même si les attitudes d’une extrême inquiétude sont conduites d’une façon beaucoup plus structurée, en un sens dans une forme beaucoup plus stable et retenue que les affrontements entre les États-Membres. Pour autant, la gravité des conflits en cours n’est pas moindre, et peut-être est-elle même réalisée dans toute leur extrême gravité beaucoup plus que dans les États-Membres impliqués.
D’une façon très imagée et pour rester dans le registre ésotérique, nous dirions que l’état d’esprit des directions institutionnelles débat autour de la question de l’enfer... Effectivement, on se bouscule au portillon pour savoir qui, dans la direction européenne, est le plus proche de l’enfer. Pour le président Donald Tusk, le Royaume-Uni, totalement à la dérive pour le Brexit, navigue sur les rives de l’Enfer. A côté de cela, son complice Jean-Claude Juncker philosophe dans le même sens, mais pour son propre compte.
Donc, si pour Tusk l’enfer c’est les autres, – les Anglais, – pour Juncker, l’enfer c’est lui-même, – c’est-à-dire, le travail qu’il fait, l’action de la Commission... « Je me demandais à quoi ressemblait cet endroit spécial en enfer pour ceux qui ont promu le Brexit sans même un schéma d'un plan pour le réaliser en toute sécurité », a déclaré Tusk, suggérant que maintenant il sait, car il n’y a qu’à regarder le Royaume-Unis dans tous ses ébats et ses négociations avec Cerbère. Là-dessus, Juncker a renchéri mais dans le sens où l’enfer c’est lui-même, comme s’il était son propre Cerbère, une chope à la main : « Je suis moins catholique que mon bon ami Donald. Il croit fermement au paradis et par opposition à l'enfer. Je crois au paradis et je n’ai jamais vu l’enfer, mis à part le temps où je faisais mon travail ici, – car ici c’est bien l’enfer ».
Actuellement, des sources dans les institutions européennes signalent un changement remarquable dans la forme des préoccupations gravissimes en cours. La situation habituelle a toujours été que les institutions tenaient une ligne plutôt idéologique optimiste et pleine d'allant, confiant dans leur puissance et leur capacité pour conduire les États-Membres à cesser leur contestations, leurs querelles, etc. pour se regrouper dans l’ensemble institutionnel qu’offre l’UE. Les passages difficiles dans tel(s) et tel(s) États-Membres étaient considérés en général avec un réalisme idéoilogique optimiste parce qu’un événement institutionnel marquait la limite de la crise et nul ne doutait dans la bureaucratie bruxelloise que le retour aux normes européennes l’emporterait. Aujourd’hui, le réalisme idéologique bruxellois alimente plutôt un profond pessimisme, notamment dans deux crises, – celle du Brexit avec le Royaume-Uni et celle des Gilets-Jaunes et toutes les incertitudes satellites dont la France est secouée.
La position très dure de l’UE dans le Brexit a moins à voir avec un compte à régler avec le Royaume-Uni, et une victoire à emporter pour l’UE, qu’avec la crainte-panique à Bruxelles qu’un Brexit réussi grâce à des concessions de l’UE donnerait à d’autres pays l’idée de tenter à leur tour la sortie de l’UE. Selon le jugement de John Laughland, « l’UE doit tout faire pour que le Brexit échoue et que la séparation se fasse dans le chaos, pour éviter une réaction en chaîne avec d’autres pays membres ». Dans le cas français qui est l’autre crise qui les inquiète, à Bruxelles centre de l'Europe, l’idée d’un référendum pour sanctionner le “Grand Débat” en cours, destiné à mettre un terme à la crise des GJ est loin de rassurer la bureaucratie. Nul ne sait si cette crise peut être arrêtée de cette façon, et nul ne sait surtout si un référendum (sur quoi ? Sur quelle(s) question(s) ? Etc.) ne donnerait pas l’effet contraire d’accélérer la crise. Les précédents extrêmement récents et encore presque brûlants sont terriblement fâcheux : c’est l’idée de Cameron de soumettre l’idée du Brexit à référendum (juin 2016) pour liquider l'idée, qui a abouti au résultat inverse ; c’est un référendum sur une réforme constitutionnelle (décembre 2016) qui a eu la peau de Matteo Renzi et a ouvert la crise italienne accouchant du premier gouvernement populiste G5S-Liga.
Jusqu’ici si assurée de sa puissance, l’UE a, aujourd’hui, brusquement peur de son destin.
Mis en ligne le 8 février 2019 à 10H45
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