Les feux du “Cocktail Molotov”

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Les feux du “Cocktail Molotov”

• RapSit-USA2025. • On se rappelle ce surnom donné à Donald Trump lors de sa première campagne présidentielle de 2016 : « Un Cocktail Molotov humain lancé par ses électeurs contre le Système ». • Le surnom fut vite oublié, d’ailleurs sans avoir fait fortune. • Par contre, il nous plus beaucoup et il nous arrive parfois de le rappeler. • Aujourd’hui, nous nous interrogeons pour savoir si Trump est toujours un cocktail Molotov humain. • Notre réponse est positive et il nous semble même que cette fonction de cet improbable président a pris une ampleur inattendue sans que personne ne s’en avise vraiment. • Notre constat est que le cocktail Molotov humain a mis le feu à l’Europe de l’UE  et qu’il poursuivra son chemin en revenant en Amérique.

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L’on se rappelle de l’image dont nous avons affublé Donald Trump durant la campagne présidentielle de 2016, à l’invitation du cinéaste et documentariste Michael Moore. L’homme (Moore) est d’une gauche très appuyée et il ne vota jamais pour Trump, – bien qu’il ait jugé nécessaire de le préciser durant l’interview citée, peut-être par connaissance de son époque où un simple avis objectif est souvent interprété comme une affirmation subjective du sujet.

Quoi qu’il en soit, c’est lui qui nous inspira, lors d’une interview dans l’émission de ABC ‘Meet the press’, à la fin septembre 2016 (voir notre texte d’octobre 2016) :

« Lors de son interview, Moore a déclaré que les Américains voyaient Trump comme un “cocktail Molotov humain”. “Dans tout le Midwest, dans toute la Rust Belt, je comprends la colère de beaucoup”, a-t-il déclaré. “Et ils voient Donald Trump comme leur cocktail Molotov humain, qu'ils pourront utiliser pour voter le 8 novembre et le jeter au cœur de notre système politique”. “Je pense qu'ils adorent l'idée de faire exploser le système”. »

Ce que nous voudrions examiner aujourd’hui, c’est ce qu’il reste de ce cocktail Molotov, presque dix ans plus tard. Si nous entreprenons cette démarche, bien entendu, ce n’est pas pour vous répondre : “Rien !”, mais au contraire pour préciser le constat surprenant que nous faisons.

Mais parlons d’abord du contexte, qui se situe plus précisément en Europe occidentale, au cœur du cœur du Camp du Bien...

Ô Britannia

En Europe, donc ! En un sens, on pourrait dire, pendant que Macron peaufine ses plans d’attaque contre la Russie et nous choisit un nouveau pape, que “L’Europe brûle !”. Notez ceci, en trois jours : le tremblement de terre électoral en Angleterre, l’affaire AfD-BfV en Allemagne, avec intervention des gens de Trump, le premier tour d’une élection présidentielle roumaine charcutée et coupée en rondelles, au nombre de candidats favoris-et-liquidés.

Finalement, on en a dit assez peu de l’événement sans doute le plus marquant de la liste évoquée, celui des élections régionales britanniques. On notera cette affirmation tout de même, en toute confiance puisqu’elle vient de notre ami Mercouris, – un Mercouris inhabituellement graves, qui  disait avant-hier lors de sa chronique quotidienne :

« Aujourd'hui, [nous sommes] au lendemain de ce qui ne peut être décrit que comme un séisme électoral d'une ampleur que je ne pense pas avoir connue en Grande-Bretagne, certainement pas de mon vivant, et sans doute pas depuis le changement fondamental de la politique britannique, qui a eu lieu dans les années 1920, lorsque le Parti travailliste a remplacé le Parti libéral comme principal parti de gauche. »

Non, la presseSystème n’avait pas envie d’en parler. On suivait la consigne, sans doute et bien entendu, et puis tout semblait décidément devenu tellement terne à force de désespérance (je parle au nom des gentils-globalistes). Curieusement, nous serions assez tentés de repousser l’explication classique de nous autres, avérés complotistes ; – y voir plutôt une sorte de lassitude par banalisation des événements hors du commun, allant tous dans le même sens, déjouant tous les chausse-trappes et les pièges vicieux des guerriers globalistes, sans le moindre respect pour la majestueuse grandeur du projet globaliste.

Tout de même, on cite quelques phrases de RT.com, qui fut lui-même assez peu disert sur e sujet :

« Le parti [populiste] de droite Reform UK a remporté 677 sièges sur plus de 1 600 aux élections locales anglaises, tandis que les partis travailliste et conservateur ont subi de lourdes défaites dans tout le pays. [...]

» Selon une projection de la BBC, si des élections générales avaient lieu aujourd'hui, Reform UK recueillerait 30% des voix, devant le Parti travailliste (20%) et les Conservateurs (15%). Cependant, les prochaines élections générales n'auront lieu qu'en mai 2029. [...]

» Commentant les avancées de son parti, Farage a déclaré : “Dans la Grande-Bretagne d'après-guerre, personne n'a jamais battu à la fois le Parti travailliste et les Conservateurs lors d'élections locales. Ces résultats sont sans précédent… Le Parti réformiste peut remporter et remportera les prochaines élections générales”. »

Toutes les précisions rationnelles qu’on nous donnent n’ont aucune prise sur nous. Lorsqu’il nous est précisé que la victoire n’est pas pour demain puisque les prochaines élections générales auront lieu en mai 2029, on hausse les épaules : d’ici là ! Le parti travailliste aura volé en éclats et se sera réfugié en Ukraine, Starmer sera passé aux conservateurs et aux aveux, le roi Charles aura nommé Farage Premier ministre de son propre palais sans même l’avoir consulté, pour sauver la monarchie. Mais on n’ose même plus sourire à ces plaisanteries éculées qui ne font plus rire personne. La puissante et impériale Angleterre est plongée dans une très grave crise ; ce n’est pas original mais cela vaut d’être signalé.

La tactique de l’“ingérence totale”

En vérité, on a l’esprit ailleurs. Comme d’habitude lorsqu’il s’agit d’affaires européennes, on s’intéresse d’abord au grand voisin, notre oncle-Sam, surtout s’il a pris le visage hurlant et éructant de Trump.

Bien, disons tout de même un mot sur les autres  remous européens, mais ce sera pour voir aussitôt que le susdit ‘oncle-Sam’ y est absolument présent, – et comment ! Ainsi notre déroutement de l’esprit est tout à fait justifié, même il nous mène à l’essentiel.

• Sur l’Allemagne, on a vu notre compte-rendu qui s’intéresse beaucoup plus largement à la réaction des dirigeants américanistes (Rubio, Vance, Musk) après le classement par le service de sécurité BfV de l’AfD en “parti extrémiste” contre qui on peut tout se permettre, qu’à la mesure elle-même. Il s’agit d’une ingérence totale, non déguisée et ostentatoire, qui  laisse présager bien des orages si l’Allemagne poursuit dans cette voie de la liquidation de l’AfD ; car désormais, l’équipe Trump ne lâche pas sa proie quand elle en tient une, surtout en Europe-UE qui semble tenir lieu d’ennemi principal de cette administration.

• La Roumanie est suivie de près par les mêmes Américains, qui ont envoyé des “observateurs” très critiques pour surveiller le premier tour, tandis que Trump a profité de l’événement pour ne pas être en reste sur ces ministres : il a supprimé la liberté d’accès aux USA dont bénéficiaient les citoyens roumains.

Le premier tour donne une forte avance (40,6% contre 21% au suivant) au candidat nationaliste Simion, qui est soutenu par Georgescou, premier au premier tour de novembre dernier et depuis interdit de candidature. L’atmosphère ultra-tendue aidant, Simion qui revendique l’héritage de Georescou, a fortement radicalisé sa position initiale. Certains commentateurs, comme Alexander Mercouris, ne font pas grande confiance à Simion qu’ils identifient comme faisant partie de l’establishment, et mettent en doute sa promesse de faire de Georgescou son premier ministre.

Mais il y a cette atmosphère d’extrême tension, venue d’on ne sait où sinon des événements incontrôlables, qui pèse sur les comportements. Simion s’est appuyé de plus en plus sur le programme MAGA de Trump pour renforcer sa position antiSystème et il s’inscrit ainsi dans une logique pro-américaine qui est paradoxalement, depuis le discours de Vance à Munich, complètement antiSystème avec sa traduction opérationnelle en une position anti-UE (et pourquoi pas anti-OTAN ?).

Ce ne sont là que les crises européennes en position de paroxysme. Partout, l’administration Trump joue la politique du “cocktail Molotov” qui manie les contradictions sans souci de la contradiction. Trump, si ambiguë dans le cas ukrainien, actuellement plutôt zélenskiste et antirusse, soutient partout des candidats dont le fond de commerce est l’opposition à Zelenski et de meilleures relation avec la Russie.

On voit combien Trump suit une politique chaotique, volontairement ou non, – et plutôt non, qu’importe, – qui en fait l’adversaire en pleine “ingérence totale” des élites européennes pro-UE et viscéralement antirusses. Qui veut y comprendre quelque chose avec l’aide  de la raison et de sa logique perd son temps, d’autant qu’à côté de cette attitude Trump passe des messages sur sa vision de l’histoire complètement déformée et bouffonne (les USA, uniques vainqueurs de la Première et de la Deuxième Guerre mondiale !), – bien faite pour mettre les Russes en rage (pas les Français qui, sous le patronage du personnage qu’on sait, ont perdu dans un coin du grenier les grandes heures de l’histoire de France).

Du bon usage du “cocktail Molotov”

Selon une pratique éprouvée chez nous, nous nous répétons : “Qui veut y comprendre quelque chose... perd son temps”. Seuls comptent la profonde valeur des éléments fous que nous voyons défiler. Ainsi, au point où nous nous trouvons, nous employons à nouveau notre technique si facile et répétons la question que nous posions en tête de ce texte :

« Ce que nous voudrions examiner aujourd’hui, c’est ce qu’il reste de ce cocktail Molotov, presque dix ans plus tard. Si nous entreprenons cette démarche, bien entendu, ce n’est pas pour vous répondre : “Rien !”, mais au contraire pour préciser le constat surprenant que nous faisons. »

• Manifestement, le cocktail Molotov a répandu son feu sur l’Europe en tant que réunion conformiste du Système (l’UE) chargée d’une intégration globaliste liquidant les identités européennes. Tout cela est apparu évident avec la guerre en Ukraine mais ce n’est pas tant cela qu’attaquent les trumpistes. Leur attaque doit être comprise d’un point de vue métapolitique contre les tendances sociétale-progressistes, – tout ce qu’on glisse dans le phénomène monstrueux du Woke, –  que la tendance globaliste US du parti démocrate a instillé comme un poison (avec Zelenski comme virus accessoire) à l’Europe.

Dans ce cas, la tendance “tradi-technologiste” (archéo-futurisme, si l’on veut) du populisme trumpiste, que représentent des hommes aussi différents que Vance et Musk, devient l’allié objectif puissant de tous les courants populistes antiSystème en Europe. Comme dit Vance, à Munich justement, évacuant aussi bien l’Ukraine que l’antirussisme avec lesquels l’UE tente d’imposer le globalisme :

« La menace qui m'inquiète le plus vis-à-vis de l'Europe n'est ni la Russie, ni la Chine, ni aucun autre acteur extérieur. Ce qui m'inquiète, c'est la menace intérieure, le recul de l'Europe par rapport à certaines de ses valeurs les plus fondamentales. »

“Quel beau discours ! Quel superbe discours !”, s’exclame Trump à Washington, se fichant du tiers comme du quart qu’il contredise après tout des pans entiers de ce que va être sa politique ukrainienne. Lui non  plus, Trump, lui surtout ne comprend rien à ces contradictions qui sont ses propres contradictions. Ce qui lui importe, c’est l’effet, et la haine vengeresse qu’il porte contre les démocrates qui ont infecté l’Europe avec le Woke... et Zelenski, justement ! Ainsi le cocktail Molotov continue-t-il son chemin plein de tournants (apparemment) contradictoire avec une santé resplendissante et une flamme grondante.

• Alors, dira-t-on, nous nous retrouvons avec une sujétion à l’Amérique, même si c’est pour la meilleure raison du monde ? “Même” s’il n’y avait que cela, nous aurions déjà bien des raisons de nous réjouir en entendant, parmi d’autres, les grondements britanniques, allemands et roumains qui font trembler le système gloibaliste. Mais il n’y a pas que cela. Il est très possible sinon probable que les USA se dirigent vers une crise constitutionnelle gravissime qui ranimera le feu de l’opposition entre les “tradi-technologiste” du populisme et les ultra-progressistes du wokenisme. C’est notamment l’avis de Steve Bannon, un trumpiste maximaliste laissé un peu en marge, qui critique l’implication de Trump dans la guerre d’Ukraine. Pour le cas que nous mentionnons, il envisage les débuts d’une telle crise pour cet été.

Il s’agit de la “Grande Guerre des lois” (‘Lawfare’) qui se profile. Il est vrai qu’un certain nombre de juges fédéraux, nommés par les démocrates pour attaquer tout ce qui se rassemble autour de Trump, bloquent certains aspects de la politique de Trump aux USA, que ce soit concernant l’immigration ou le nettoyage des fonctionnaires par le DOGE installé par Musk. Que va-t-il se passer ? Le DoJ de Trump va très probablement contester ces décisions et réclamer leur annulation, avant de s’occuper de la tête des juges. Dans nombre de cas, on risque d’aller jusqu’à la Cour Suprême. Dans nombre de cas (bis), alors que l’attitude de la Cour est très flottante, les décisions portent sur des domaines où la Constitution est extrêmement vague. Il est très improbable qu’on puisse parvenir à des décisions tranchées qu’acceptent les deux partis. Comme la volonté d’appliquer son programme politique de l’administration est au moins aussi forte que la volonté de blocage de ses adversaires, – deux positions alimentées par des haines partagées, – on se trouve devant autant de bourgeons de crises constitutionnelles. Ainsi naissent les “guerres civiles” aux USA, où la loi, aussi imprécise que la Constitution, est un facteur décisif qyue chacun s’emploie à tordre à son avantage pour verrouiller le pouvoir.

Ainsi va le “Cocktail Molotov”... Inutile d’ajouter qu’en creusant un peu, vous verrez y apparaître le visage de Gorgone de la GrandeCrise dont nous dirons, si nous en venons à bout : “Mon Dieu, elle est encore plus grande morte que vivante”. Alors, nous saurons de conviction sûre que nous sommes au bout du chemin et que s’ouvre une terra incognita

Mis en ligne le 5 mai 2025 à 15H50