Les drones et la « stratégie socioculturelle »

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Les drones et la « stratégie socioculturelle »

• Un fleuron de notre démocratie exprimée dans la grandeur de sa presseSystème, le ‘Guardian’ londonien, nous gratifie d’une analyse de la “stratégie des drones [en Russie]” suivie par l’Ukraine, à la suite des dernières attaques du 12 août. • Les très faibles résultats du point de vue militaire et dans la réalité, enregistrés lors de ces attaques, s’expliquent par le fait que cette stratégie est dite « socioculturelles ». • C’est une description étonnante de l’emploi exclusif de la communication dans nombre des actes de cette guerre. • La narrative suit et suffit.

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Comme l’on sait, il y a désormais des attaques régulières de drones (en général de type ‘kamikaze’) en Russie, et notamment à Moscou. Les effets sont assez minimes du fait de deux raisons :

• Les capacités limitées de l’Ukraine, autant pour la structure électronique des drones que pour leur capacité d’emport ;

• L’efficacité de la défense anti-aérienne russe, que ce soit aussi bien pour la détection que pour la riposte, par armement (missiles ou canons) ou par interception électronique des drones, – brouillage et/ou prise en charge du contrôle des drones.

Le ‘Guardian’, poursuivant sa mission de communication sur la guerre en en Ukraine (brouillage et/ou prise en charge de l’information, plus de 5 000 articles publiés depuis le 22 février 2022), analyse la “stratégie” suivie par l’Ukraine pour ses attaques par drone en Russie. Interrogeant un “expert”, monsieur Samuel Bendett du Center of Naval Analysis, notamment à partir du fait, démontré selon sa propre indubitabilité et ses sources par le ‘Guardian’, d’attaques russes volontaires contre des civils, le journal nous présente la stratégie « socioculturelle » comme concept qui justifie et oriente ces frappes.

« Il a noté que frapper Moscou, qui est censée être la ville la mieux défendue de Russie et un centre de la vie politique, économique et sociale, a exercé une certaine pression sur le gouvernement russe et sur la population, et a montré que l’Ukraine ne laisserait pas d’attaques dévastatrices sur ses civils sans réponse.

» “C'est une réponse socioculturelle aux attaques de la Russie contre des cibles civiles”, a-t-il déclaré. »

Dans ces conditions, et constatant par ailleurs que ces raids ont des effets humains et matériels extrêmement limités, sinon dérisoires par rapport aux enjeux militaires qui sont en cours, plusieurs explications sont données sur les buts réels, – dans ses effets justement, – de ces attaques. Quelques éléments de réponse nous sont donnés dans l’article, qui sont répétés à deux reprises pour que l’on comprenne bien :

« Une nouvelle campagne de frappes de drones a ciblé la capitale russe ces derniers jours alors que Kiev a démontré sa capacité à frapper Moscou et à maintenir la guerre du Kremlin dans le cœur et l'esprit des élites russes et d'autres qui cherchent à ignorer l'invasion de l'Ukraine. [...]

» Des sources du ministère de la Défense à Kiev ont déclaré que les attaques de drones avaient le double objectif de remonter le moral en Ukraine à un moment où les succès sur les fronts étaient rares et de soulever une question parmi le public russe sur la capacité de Poutine à les protéger. »

On voit donc les buts de cette stratégie “socioculturelle” des attaques de drones en Russie :
1). Détourner l’attention des citoyens ukrainiens (et autres, compris les lecteurs  du ‘Guardian’) des tristement piètres résultats, – sauf pour le nombre de soldats ukrainiens tués, – de l’interminable “contre-offensive” de l’armée ukrainienne en Ukraine ;
2). Montrer aux citoyens russes que la guerre en Ukraine existe encore, les décourager, les paniquer, peut-être même les pousser à ébranler le pouvoir poutinien...

D’une façon assez paradoxale et malgré l’évident entrain avec lequel sont présentés ces deux objectifs, les deux derniers paragraphes de l’article, où les auteurs sont pris d’un soudain besoin d’enquêter sérieusement, montrent les Russes et les Moscovites assez sinon complètement indifférents à ces attaques plutôt considérées comme un accident courant sinon distrayant de la vie de la cité :

« Pourtant, l'impact psychologique documenté jusqu’à présent est douteux, les sondages indiquant peu de changement dans le jugement des Russes sur la guerre tandis que des preuves anecdotiques de psychologues et des rapports de journalistes montrent que de nombreux Russes ont simplement décidé d'ignorer les attaques.

» “La société n'est pas aussi préoccupée par les drones que lorsqu'ils ont commencé à frapper Moscou”, a déclaré un psychologue basé à Moscou, Alexander Kichaev. “Il y a de la frustration et de la colère, mais ce n'est pas du tout écrasant... le seuil de la douleur a été dépassé et maintenant les gens y sont habitués.” »

Ce qui est remarquable dans ces diverses appréciations, c’est combien n’est envisagé que le seul facteur de la communication. Nulle part n’apparaît la notion d’efficacité militaire de ces frappes, y compris contre des civils s’il le faut. Les attaque de “terreur” (“terroriste”), pour frapper la psychologie des civils ennemis, est un vieux classique de notre glorieuse civilisation, – surtout, surtout ! du côté anglo-saxon. Les campagnes importantes et structurées “de terreur” par les airs, mis à part le “blitz” allemand de 1940, ont été l’offensive stratégique de 1943-45 contre l’Allemagne (USA-UK), et de 1944-45 contre le Japon (USA, couronné par les deux bombes atomiques), en 1951-1954 contre la Corée du Nord (USA), contre le Vietnam du Nord en décembre 1972 (USA), contre l’Irak, la Serbie et tant d’autres. Chaque fois l’aspect psychologique dit de “de choc et [d’]effroi” (“shock and awe”, nom moderne donnée à la doctrine énoncée par Harlan K. Ullman et déformée par les neocon selon la “politiqueSystème”) reposait sur les effets dans la perception des témoins encore en vie, y compris dans les directions politiques, de destructions colossales et de massacres souvent considérables.

Dans le cas qui nous occupe, les dégâts sont extrêmement minimes et tiennent une place complètement accessoire. Il s’agit bien d’une stratégie de quasiment-pure communication, selon le principe essentiel que « les narratives gagnent les guerres », – ou empêchent de les perdre de façon trop gênante, “dans le cas qui nous occupe”. Tout le texte du ‘Guardian’ est d’ailleurs parsemé de passages où de pseudo-effets des attaques sont affirmées, dans un vague placé au hasard dans du flou mal défini qui se perdrait dans les nuances d’un camaïeu sans fin... Y compris “à quelques kilomètres” de la résidence de Poutine !

« Des vagues précédentes de frappes de drones ont touché des infrastructures militaires et énergétiques, le centre financier de la ville de Moscou, d'autres bâtiments résidentiels ou des zones ciblées dans la riche banlieue ouest du district de Rublyovka, à quelques kilomètres de l'endroit où Vladimir Poutine conserve sa résidence Novo-Ogaryovo. [...]

» De nombreuses cibles militaires et civiles russes ont été frappées, ainsi que des attaques contre des territoires civils, en réponse aux attaques russes contre des civils ukrainiens. »

Certes, les Ukrainiens n’ont rien inventé, et l’on comprend qu’ils se rabattent sur les narrative lorsqu’on mesure la tâche impérative qui leur est assignée et les moyens qui leur sont fournis pour l’accomplir. Le chef de toute cette bande étant lui-même comédien, le simulacre fonctionnant à merveille, l’armée US étant totalement convertie au wokenisme et Hollywood étant déjà sur place avec la bénédiction d’une famille impériale de très-grande qualité, – entre Joe et Hunter, – la « stratégie socioculturelle » bat son plein et rencontre pleinement les habitudes américanistes-occidentalistes.

C’est la cause principale qui rendra (rendrait ?) très difficile une rupture entre Mister-Z et l’Occident-addictif. Si Zelenski est sans doute accro à la coke, le bloc-BAO devenu Occident-addictif est totalement dépendant de l’usage de la narrative et donc accro-à-Zelenski. Il peut de moins en moins congédier ses employés les plus actifs et les plus mis en valeur sous le prétexte de l’abus de communication au dépens de la vérité-de-situation (chose manifestement inconnue dans les parages). Ainsi, après avoir violemment forcé Mister-Z à rompre les négociations avec la Russie en mars-avril 2022, l’éventuelle nécessité énoncée par les parrains du galopin de le forcer à s’y remettre lorsque les Russes seront trop avancés sera très difficilement rencontrée. Ainsi (suite et fin) serait-il possible que le roi-temporaire de la narrative, s’il doit chuter, emportât ses maîtres dans sa chute... A plusieurs, c’est sûr, “plus dure sera la chute”, – c’est une simple question d’attraction terrestre comprise naïvement selon la narrative hollywoodienne.

 

Mis en ligne le 13 août 2023 à 15H55