Les consignes de l’oncle bien connu

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Il s’avère que les méthodes d’influence US vers les pays de l’Est et du Sud-Est de l’Europe ne prennent pas de gants. Il s’agit, dans le cas qui nous occupe, de consignes directes, quasiment sous forme de mémos indiquant les choses à faire et les procédures à suivre. Le cas en question est celui du directeur politique du ministère des affaires étrangères slovène, qui a du démissionner. On sera ainsi pleinement rassuré, nous autres Européens, sur l’origine des consignes qui conduisent la politique de la Slovénie pendant sa présidence de l’Union Européenne (1er janvier-30 juin 2008), – c'est-à-dire, notre politique, à nous Européens.

Voici quelques indications sur le cas, d’après nos sources internes.

«Le ministère slovène des Affaires étrangères a annoncé mardi la démission de son directeur politique, Mitja Drobnic, soupçonné par la presse d'avoir fait l'objet de “directives” américaines pour la présidence de l'Union européenne exercée depuis ce 1er janvier par la Slovénie. “Le ministre Dimitrij Rupel a accepté la démission du directeur politique, Mitja Drobnic”, a indiqué le ministère dans un communiqué, précisant qu'il serait remplacé par le secrétaire d'Etat Matjaz Sinkovec pour la durée de la présidence, qui s'achèvera le 30 juin.

»Cette démission suit la publication par le quotidien slovène Dnevnik, la semaine dernière, d'un “document interne” du gouvernement US, avec les “directives” pour la présidence slovène de l'UE. Selon ce document, le secrétaire d'Etat adjoint américain aux Affaires européennes, Daniel Fried, aurait notamment suggéré, lors d'une réunion avec Drobnic à Washington le 24 décembre, que Ljubljana soit “parmi les premiers au sein de l'UE à reconnaître l'indépendance du Kosovo”. Il aurait également insisté sur l'importance du déploiement d'une mission de policiers et juristes de l'UE “malgré les réticences de Moscou et de Belgrade”.»

Il faut aussitôt ajouter que le ministère d’affaires étrangères n’a pas nié l’existence du document ni son contenu. L’enquête ouverte concerne la “fuite” vers la presse, considérée comme un acte à la fois scandaleux et immoral. Les conditions qui font qu’on accepte de tels documents sont considérées, elles, comme courantes, sauf qu'ils auraient pu, au département d'Etat, traduire leur mémo en slovène.

Le ministre Rupel a déploré cette affaire. Il faut bien savoir pour quelles raisons qui ont moins la vertu de la logique, sinon de l'héroïsme: «A cause de cela, nous avons des difficultés avec nos interlocuteurs, en particulier américains.». On compatit et on serait presque prêt à aider. La semaine dernière, le Premier ministre Jansaz avait dit qu’il ne faut pas exagérer, que la Slovénie n’a pas l’intention d’exécuter toutes les consignes US pour «en faire la politique de l’UE». On prendrait ses aises jusqu’à envisager de respirer sans l’autorisation de Washington? La crise n’est pas loin.

La crudité de cette affaire, la brutalité de la méthode US et la façon dont elle semble aller comme un gant aux dirigeants slovènes constituent des références de la situation des pays de l’Est qui ont retrouvé la liberté, – et qui montrent qu’ils savent diablement bien s’en servir, de la liberté. L’entrée dans l’UE de ces pays leur a surtout servi, semble-t-il, à recevoir d’une façon plus directe et efficace les consignes de l’oncle que nous connaissons tous; une sorte de facilité de transmission, en un sens. Tout cela doit ajouter au crédit général de l’Union Européenne et grandir un peu plus la mystique européenne qui nourrit notre pensée politique sur le continent. Nous sommes très heureux et très fiers de nous contempler dans notre miroir, chers Européens.

Mais n'en faisons pas un drame. Tout cela ne soulève même pas l'une ou l'autre vaguelette dans notre presse officielle et libre. “Business as usual”.


Mis en ligne le 30 janvier 2008 à 10H30