Le rapport intérimaire Marty (Conseil de l’Europe) sur la CIA et la torture en Europe

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Ci-dessous, quelques développements sur la présentation publique du deuxième rapport Marty (sénateur suisse) présenté au Conseil de l’Europe à Strasbourg, sur les vols de la CIA en Europe et les questions de torture qui leur sont liés. Marty a été très ferme dans ses commentaires, indiquant que tous les pays européens étaient concernés par l’affaire de la CIA, et non pas seulement quelques pays d’Europe de l’Est (Roumanie et Pologne).

« Dans le rapport intérimaire présenté mardi au Conseil de l'Europe à Strasbourg, Dick Marty souligne qu’“il est fort improbable que les gouvernements européens, ou tout au moins leurs services de renseignements, n'aient pas été au courant des ‘restitutions’ de plus d'une centaine de personnes en Europe”. Effectivement, plus d'une centaine de personnes ont été enlevées en Europe par la CIA ces dernières années pour être livrées dans des pays où elles ont été torturées. Marty note également que “des centaines de vols d'avions affrétés par la CIA sont passés par de nombreux pays européens”, mais souligne qu'à ce stade, “il n'y a pas de preuves formelles et irréfutables de l'existence de centres de détention secrets” de la CIA en Europe.

» Le Conseil a besoin de temps, — Le document, qui intervient après un premier rapport intérimaire publié le 13 décembre, ne contient pas de révélations à proprement parler mais précise les contours de l'enquête et le procédé des ‘livraisons’. Celles-ci consistent à charger en Europe des personnes suspectes pour les emmener par avion vers un pays où elles seraient torturées. Se référant aux déclarations de fonctionnaires américains, Marty déclare que “de nombreux indices, cohérents et convergents, permettent de conclure à l'existence d'un système de ‘délocalisation’ ou de ‘sous-traitance’ de la torture”. Il estime “fort improbable que les gouvernements européens, ou tout au moins leurs services de renseignements, n'aient pas été au courant de ces livraisons”. “L'administration américaine semble partir du principe que les règles de l'Etat de droit et les droits de l'homme ne sont pas conciliables avec une lutte efficace contre le terrorise” note encore le rapport qui souligne la délocalisation de la détention “à Guantanamo et ailleurs” et les détentions clandestines “facilitent le recours à la torture et aux traitements dégradants”. Marty s'est félicité de l'arrivée lundi d'informations détaillées d'Eurocontrol, l'Agence européenne du trafic aérien, et des images satellite du Centre satellitaire de l'UE, notamment de sites en territoire roumain. “Nous ne pourrons nous prononcer que par la suite sur l'importance et la portée de telles informations”, a-t-il indiqué. Le document énumère les réponses de plusieurs pays. S'agissant de la France, il indique que Paris vérifie avec l'Aviation civile deux vols ayant fait escale sur le territoire national et qui auraient été affrétés par la CIA. La Belgique a ouvert une enquête sur des vols et survols de son territoire. Un rapport reçu par Marty fait état de mouvements suspects d'avions passant par l'Ecosse. Marty attend également les conclusions d'une enquête du gouvernement polonais. La Roumanie a indiqué n'avoir connaissance d'aucun centre de détention secret sur son territoire.

» Dick Marty et la presse — Marty a dû se justifier du recours à des coupures de presse pour la rédaction de son rapport intérimaire. “Les coupures de presse sont importantes, et je crois qu'on ne peut pas les ignorer. D'ailleurs, toute cette affaire est sortie grâce à des nouvelles de presse”, a-t-il répondu aux journalistes qui l'interrogeaient sur cette question. “Le Conseil de l'Europe a seulement son poids moral, il n'a aucun pouvoir d'investigation”, a insisté Marty. Rappelant qu'il avait déclenché une procédure de demandes d'information auprès des Etats-membres du Conseil de l'Europe, Marty a précisé : “Nous attendons encore ces réponses” (un terme a été fixé au 21 février). Il a en outre appelé à la constitution de commissions d'enquête parlementaires dans de nombreux pays. Ce qui est nécessaire, “c'est un engagement de l'ensemble de la société civile, et nous essayons d'encourager toutes ces formes”, a-t-il souligné. Marty a été à plusieurs reprises attaqué par des journalistes lui reprochant de n'avoir fait qu'une synthèse d'informations connues.

» Bravo l’Italie — Marty a adressé mardi un satisfecit à la justice italienne pour son travail d'enquête dans l'affaire Abou Omar. S'adressant à la presse, il a applaudi le travail des juges italiens dans l'enquête sur l'enlèvement en février 2003 à Milan par la CIA d'Abou Omar, soupçonné d'être un activiste islamiste. “25 agents étrangers étaient présents pour procéder à l'enlèvement de cette personne placée sous surveillance par les Italiens, et 22 font l'objet d'un mandat d'arrêt” en Italie, a-t-il souligné, précisant qu'il s'agissait là d'une des enquêtes les plus “complètes” réalisées en Europe sur ce type d'affaire. “J'ai reçu tous les dossiers avec des preuves irréfutables et cela a notamment permis d'identifier des avions qui ont été repérés ensuite un peu partout en Europe”, a-t-il ajouté. Interrogé sur la situation en Allemagne, le parlementaire suisse a regretté que l'on y soit “farouchement opposé à la création d'une commission d'enquête parlementaire”. Les Verts sont pour une commission, mais l'ancien ministre des verts des Affaires étrangères Joschka Fischer y est opposé, a relevé Marty, concluant qu'en Allemagne “on n’est pas disposé à ouvrir les livres (des services secrets) sur cette affaire”.

» Les pressions de GW sur la presse US — Les médias américains sont soumis à de “très fortes pressions” aux Etats-Unis qui les empêchent de diffuser leurs informations sur les détentions secrètes de personnes par la CIA, a affirmé Marty. “Des médias disposent de nouvelles qu'ils ne peuvent diffuser” en raison du danger auxquels ils s'exposent, avec leurs sources, du fait de ces pressions. “Le département américain de la Justice a ouvert une enquête sur les fuites qu'il y a eu au sein de la CIA” et les journalistes s'exposent à des poursuites s'ils refusaient aux injonctions d'un juge de révéler leurs sources, a rappelé Marty lors d'un point presse. Il a cité comme exemples le quotidien Washington Post et la chaîne ABC, qui bien que disposant d'informations provenant de sources différentes, “crédibles, bien informées et dignes de confiance”, ont subi des pressions pour ne pas les diffuser ou les retirer. »


Mis en ligne le 24 janvier 2006 à 19H52

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