Le miracle du printemps libyen surgi en pleine glaciation

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Le miracle du printemps libyen surgi en pleine glaciation

L’ordre de Malte, fondé au XIème siècle pour assister les pèlerins vers la ville sainte de Palestine, se transforma très vite en force auxiliaire efficace des croisades. Plusieurs galères des chevaliers à la croix blanche avaient pris part à l’expédition de Tunis en 1535 quand Charles Quint était intervenu dans les affaires du monde arabe.

Pour celui qui hérita du plus vaste empire chrétien du siècle, la remise sur le trône d’un descendant des Hafsides était un moyen de contrer l’avancée des Ottomans dans cette région de l’Occident musulman. Il avait à défendre et augmenter les possessions espagnoles européennes, dont Malte, et américaines, soit l’héritage reçu de son grand-père maternel (1). À ce titre, il se devait d’enjamber la Méditerranée pour établir de nouvelles colonies et affermir sa présence sur les zones de la côte africaine déjà occupée comme Tripoli en Libye. Tripoli pourtant laissée à la garde des Chevaliers en échange de Malte accordée feudo æterno a été désavantagée par la désertion des soldats mercenaires italiens, elle revint dans l’escarcelle turque en 1551.

Une grande partie de l’histoire moderne des États d’Afrique du Nord, en période de reflux économique en particulier par la perte de leur axe commercial Sud-Nord, en faveur de l’Amérique et de l’Asie, s’est jouée sur l’offensive européenne avide de comptoirs commerciaux et de conquêtes territoriales qui y était contenue par l’hégémonie ottomane à l’Est.

La danse des diplomates occidentaux et agitateurs d’opinion en faveur d’une intervention en Libye évoque les rôles dévolus aux ordres de Malte et de Saint-Étienne. Ils s’étaient acquitté d’une tâche que l’on peut imaginer analogue à celle dévolue à l’Otan et aux instances de l’Union Européenne.

De la même manière que les commissions européennes et leur pléthorique administration sont financées par les contribuables, les ordres chevaleresques destinés à occuper les fils cadets de la noblesse l’étaient par les revenus des commanderies et des prieurés. Les décideurs ne sont pas insensibles à l’activité convaincante des groupes de pression, marchands d’armes ou de pétrole.

Malgré la pluie de feu, d’acier et de sang qui s’abat sur la Libye, le peuple arabe n’oublie ni l’Afghanistan, ni l’Irak et pas non plus le Pakistan.

Il ne veut pas de cette aide qui ne viendrait qu’une fois bien servies les sociétés privées étrangères conseillères en sécurité, bien trempées dans les opérations de police de populations civiles occupées militairement.

La révolution libyenne en serait frelatée, usurpée.

Sa naissance est difficile.

Le couloir est étroit entre la position stratégique du pays producteur du pétrole, l’absence d’institutions étatiques délibérément ‘organisées’ comme une armée nationale ou un corps élu de représentation du peuple, fut-ce avec des partis tout d’artifice, et un mégalomane rendu plus fou par la possession d’une quantité de milliards de dollars supérieure à deux centaines, dit-on.

Mais elle verra le jour.

Son arrivée se fera sur une place nette de toute force de corruption appartenant au régime antérieur. Elle aura à construire de suite son identité et celle à venir de tout le monde arabe sans passer par les métamorphoses nécessaires en Tunisie et en Égypte qui accoucheront non seulement d’un autre régime politique mais également économique.

Les soulèvements populaires se font sous deux mots d’ordre. Liberté, et le disant le peuple l’exerce pleinement, et Dignité, or cette dernière implique la justice sociale et économique.

La geste libyenne, c’est cela, la pure création d’un événement improbable, soit un miracle.

Il est en cours et il rutile de tant de sang versé. On croyait pourtant le peuple arabe fatigué d’être un martyr en Palestine et en Irak.

Il s’est faufilé dans les rares interstices du ‘réel’ médiatique pour accomplir son devoir et inventer une nouvelle règle et une autre norme.

Il puisera dans sa culture pour barrer ce qui ruine l’Occident et rend son modèle caduc et non universalisable. Il bannira ce que l’on sait mortifère pour la société humaine, le culte de l’argent.

Badia Benjelloun


(1) Au Maroc, Sebta était tombée entre les mains portugaises en 1415 et Mellilia devint espagnole en 1497. Ces enclaves n’ont jusqu’à ce jour pas été restituées.