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• Un ultimatum de 50 jours, c’est tout de même très inhabituel : pourquoi pas 120 jours ou bien 450 ? Le très-très urgent et important de la forme de la dialectique de Trump se mêle étrangement à une certaine douceur de vivre paresseuse propre au fond qu’il y met. • Le philosophe Alexander Douguine se coltine une analyse de l’étrange décision et, finalement, son explication est loin d’être la plus inintéressante. • En rugby, ce sport de seigneurs pratiqué avec des méthodes de voyous lettrés, appelle cela : “botter en touche”. • Mais bon, le match n’est pas fini pour autant.
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18-07-2025 (17H30) – On hésite à prendre en compte les considérations d’Alexander Douguine sur la situation actuelle entre l’Occident et la Russie, – entre les USA et la Russie, entre Trump et Poutine. Douguine est d’abord un philosophe et l’on est tenté de croire qu’avec la sorte de jugement dont il use, il complique beaucoup certaines choses et en simplifie trop certaines autres. Ce n’est pas complètement faux, on l’admet, mais il faut considérer en regard le résultat de la démarche intellectuelle des experts et des commentateurs-polémistes, qui n’arrivent souvent qu’à rendre extrêmement incompréhensibles les choses compliquées, et très compliquées jusqu’à leur inverse les choses simples.
En d’autres termes, on pourrait dire que Douguine se montre parfois naïf et parfois visionnaire. Somme toute, nous ne sommes pas hostiles à cette combinaison, au contraire de notre jugement sur les démarches des autres. Dans le texte ci-dessous, Douguine donne son analyse des dernières “décisions” de Trump, concernant l’“ultimatum” de 50 jours à Poutine, par rapport aux forces intérieures qui font pression sur lui. Cela donne ceci, repris du début du texte cité :
« Alexander Douguine révèle ici que Trump est une figure vacillante qui, pris entre une guerre avec la Russie et la colère de son mouvement MAGA, privilégie le délai au destin, reportant l’apocalypse de cinquante jours. »
Douguine analyse ce qu’aurait pu faire Trump entre ces deux forces, – les neocon et le DeepState (peut-être pour ce dernier à qui l’on prête tant de choses) qui veulent la guerre, et sa base MAGA qui s’y oppose avec une colère embrasée par la catastrophique gestion de l’affaire Epstein. Trump, ‘The King of the Deal’, a préféré ne rien “dealer” du tout, – c’est-à-dire botter en touche, comme font les rugbymen expérimentés sur lesquels une foule d’adversaires pesant 95 kilos en moyenne se précipite.
« Fondamentalement, il avait deux options: calmer le jeu (la “désescalade”), chercher la détente et tenter de regagner de l’influence sur le mouvement MAGA — ou lâcher ce public, abandonner le mouvement MAGA complètement et déclencher un conflit direct avec la Russie, créant ainsi un état d’urgence. Il aurait pu choisir l’une ou l’autre voie, mais finalement, il n’en a choisi aucune, reportant tout à une prochaine étape. »
C’est-à-dire, comme on le sait, donner 50 jours à Poutine pour son drôle d’“ultimatum”... Drôle à plus d’un titre, point sur lequel Douguine ne s’attarde pas vraiment.
Il y a eu un coup de téléphone Trump-Poutine début juillet. Trump en est sorti en geignant plaintivement : « Je ne suis pas du tout content de ce que m’a dit Poutine. » Qu’est-ce donc que lui a dit Poutine ? Écoutons le colonel Markus Reisner, de l'armée fédérale autrichienne, sur la chaîne ORF ‘Zeit im Bild’, selon le correspondant de PolitNavigator.
« Trump a donné du temps à Poutine pour mettre fin à l'offensive estivale. Dans les 50 jours qui suivent l'annonce de l'ultimatum Trump sur le front ukrainien, la situation pourrait se détériorer considérablement... » [...]
« Début juillet, un appel téléphonique a eu lieu et, dix jours plus tard, Trump lançait un ultimatum de 50 jours, ce qui donne en réalité 60 jours à Poutine. La situation sur le front devient de plus en plus instable...
« Nous assistons actuellement à l'offensive estivale russe, qui se poursuivra. Ces dernières années, le réarmement a été interrompu avant l'arrivée du froid. Je pense donc qu'ils profitent de cette période pour réaliser la percée espérée. L'année dernière, ce n'était pas possible, mais cette année, les Russes sont convaincus de leur réussite. »
Ce que Reisner ne précise pas trop, c’est que, lors de ce coup de téléphone du début juillet, Poutine aurait précisé (gardons-nous au conditionnel) qu’il espérait être, en accélérant comme il faut, quitte de la résistance ukrainienne. Reisner interprète cela en bon militaire : « Trump a donné du temps à Poutine pour mettre fin à l'offensive estivale » ; nous aurions même dit “a donné le temps nécessaire” plus qu’un vague “a donné du temps”.
D’autres ont une autre sorte d’arguments, notamment Mercouris lorsqu’il déclare que ces 50 + 10 jours donnent à Trump du temps pour ménager Poutine sans avoir à se décider, et notamment dans un délai qui lui permet, s’il voulait envisager cela, d’éviter de se trouver sous les pressions du Congrès, précisément de la loi sur les 500% des sénateurs Graham et Blumenthal. Mercouris explique l’inextricable mécanisme du Congrès et des rapports Congrès-Président qui conduisent à cette situation. C’est d’une considérable complication.
La question est bien de savoir si les opérations décrites précédemment apportent une lumière complètement nouvelle et différente sur cette affaire, et surtout une lumière décisive. En effet, tout cela est soumis à un facteur, – notamment, il y en a d’autres, – dont on a déjà pu mesurer l’importance considérable : l’imprévisibilité de Trump, voire la “frivolité” de Trump, selon le terme employé par Douguine. Personne ne pourra rejeter son jugement à cet égard :
« Mais même après cinquante jours, il pourrait changer d’avis — ou le faire demain. Trump se comporte de manière très imprévisible, et, à cet égard, on pourrait dire, frivole. »
Alors, que conclut donc Douguine ? Eh bien, quelque chose de clair, que certains pourront peut-être juger naïf, mais qui correspond parfaitement à la marche étonnante de ces temps étranges. Dans cette clarté presque naïve par rapport aux puissants raisonnements de nos têtes pensantes, il y a toute l’humilité nécessaire devant des événements dont nous ne savons rien des maîtres d’œuvre, qui nous écrasent et nous emportent, – et la réaffirmation discrète mais inflexible d’un patriotisme sans faille, et sans la moindre illusion sur le comportement des autres.
Somme toute, nous verrions cela comme une leçon de pragmatisme vertueux, qui ne se charge pas de jugements moraux à la mode américaniste-occidentaliste et de considérations complexes, – philosophiques, justement, mais au plus mauvais des propos. C’est à ce moment qu’il écrit, en terminant par une oraison triomphale prêtée au président des États-Unis :
« Ce qui est positif, toutefois, c’est que la guerre n’a pas commencé hier. Cela signifie que son début a été quelque peu retardé. Bien que rien ne soit certain, tout peut arriver. L’histoire reste ouverte. Trump a pris une pause, prolongeant ses stratégies inefficaces, envers nous et envers l’Ukraine, de cinquante jours supplémentaires. Il a promis de livrer des systèmes Patriot à l’Ukraine, qui seront payés par les Européens, bien que cette décision ait déjà été prise il y a quelques temps. En somme, Trump a tenté de faire sensation à partir de quelque chose qui ne sera pas sensationnel. En d’autres termes, il a déclaré, en substance :
» “Maintenant, je proclame haut et fort que je ne proclame rien.” »
¨Pour le reste, eh bien, certes, nous verrons bien ; mais il ne nous faut surtout pas nous voiler la face et écarter les multiples surprises qui peuvent d’ici là, nous prendre complètement, – comment dit-on : par surprise ?
On trouve tout cela dans le texte de Douguine, sur le site ‘euro-synergies.hautetfort.com’, le 17 juillet 2025.
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Hier, beaucoup s’attendaient à ce que Donald Trump fasse des déclarations nettes, concrètes et menaçantes concernant la Russie. Cependant, il a choisi de repousser une confrontation sérieuse — une confrontation que les néoconservateurs insistaient activement pour qu'il l'enclenche. La situation équivalait, très probablement, à un pari 50/50.
Trump aurait pu annoncer des sanctions sévères ou des livraisons sans précédent d’armes à l’Ukraine et ce, en grande quantité. D’un côté, cela aurait pu détourner l’attention des Américains de sa décision de ne pas publier la liste des clients d’Epstein — une décision qui a transformé bon nombre de ses anciens soutiens en opposants.
Tout le mouvement MAGA est actuellement contre Trump parce qu’il a, à plusieurs reprises, trahi leurs attentes de manière flagrante et cynique. D’abord, il s’est lancé dans la guerre contre l’Iran. Maintenant, il refuse de divulguer les dossiers sur le lobby pédophile d’Epstein aux États-Unis — ce qui était initialement un point clé de sa plateforme électorale. En conséquence, une cascade de supporters l’a abandonné. En substance, tout le mouvement MAGA, tout le trognon du trumpisme, se dresse maintenant contre Trump.
Dans ce contexte, on aurait pu s’attendre à ce que Trump tente de détourner l’attention avec une Troisième Guerre mondiale — un « Armageddon » contre la Russie — en annonçant des mesures effrayantes et extrêmes: de véritables sanctions capables de frapper aussi la Chine et l’Inde, principaux consommateurs des ressources énergétiques russes, et des livraisons de missiles de portée moyenne à Kiev, ce qui marquerait effectivement le début d’un Armageddon ouvert.
Trump aurait pu faire cela pour détourner l’attention de ses échecs — ou choisir de ne pas le faire, sachant que MAGA lui serait alors encore plus hostile. Un des principes fondamentaux du mouvement, et celui qui a permis à Trump d’accéder au pouvoir, était de mettre fin au conflit en Ukraine et d’arrêter de soutenir Kiev. Fondamentalement, il avait deux options: calmer le jeu (la "désescalade"), chercher la détente et tenter de regagner de l’influence sur le mouvement MAGA — ou lâcher ce public, abandonner le mouvement MAGA complètement et déclencher un conflit direct avec la Russie, créant ainsi un état d’urgence. Il aurait pu choisir l’une ou l’autre voie, mais finalement, il n’en a choisi aucune, reportant tout à une prochaine étape.
Il a lancé des menaces envers la Russie tout en reconnaissant en même temps la grande compétence ès-négociations du président russe Vladimir Poutine, montrant que Poutine est un homme dur qui ne compromet pas ses intérêts nationaux. En revanche, Trump, lui, compromet ses propres intérêts. Toute comparaison entre les deux est donc clairement à l’avantage de Poutine. La Russie a un dirigeant fort, ferme, poli, qui axe sa politique sur des principes, qui ne trahit pas son électorat — contrairement au leader américain. Dans cette compétition réelle et concrète, Trump perd sans aucun doute. Il a perdu le soutien de ses électeurs et est sur une trajectoire descendante. Son charisme et ses plans s’effondrent. En réalité, comme disent les jeunes, c’est un « échec épique » — un échec complet en politique intérieure.
Cependant, il n’a pas choisi de détourner l’attention mondiale de cet échec par une escalade avec la Russie. Il n’a pas dit grand-chose; il a simplement menacé qu'une telle escalade pourrait encore arriver, mais pas maintenant, peut-être dans cinquante jours. Mais même après cinquante jours, il pourrait changer d’avis — ou le faire demain. Trump se comporte de manière très imprévisible, et, à cet égard, on pourrait dire, frivole.
Pourtant, la pire issue — une déclaration immédiate de la Troisième Guerre mondiale — n’a pas eu lieu. Cela ne veut pas dire qu’elle ne se produira pas plus tard: dans cinquante jours, dans dix jours ou dans trois. En tout cas, l’élan d’attente entourant ce lundi a été efficacement désamorcé par le retour de Trump à une position neutre. La dynamique d’escalade reste énorme. Le monde file à toute vitesse vers l’Armageddon. Mais, pour l’instant — du moins — cela ne commencera pas aujourd’hui.
En conséquence, la bourse russe a connu une légère hausse, bien qu’en réalité elle ne devrait pas dépendre de telles choses, surtout compte tenu des pourcentages négligeables qui sont impliqués. Notre marché boursier est fondamentalement défectueux, car il est surveillé par Nabiullina, qui voit la bourse comme une rivale de la Banque centrale — comme c’est habituel dans tout pays et sous tout système. En résumé, notre système est simplement mal conçu, donc ce n’est pas un indicateur pertinent. Je ne lui accorderais pas trop d’attention.
Ce qui est positif, toutefois, c’est que la guerre n’a pas commencé hier. Cela signifie que son début a été quelque peu retardé. Bien que rien ne soit certain, tout peut arriver. L’histoire reste ouverte. Trump a pris une pause, prolongeant ses stratégies inefficaces, envers nous et envers l’Ukraine, de cinquante jours supplémentaires. Il a promis de livrer des systèmes Patriot à l’Ukraine, qui seront payés par les Européens, bien que cette décision ait déjà été prise il y a quelques temps. En somme, Trump a tenté de faire sensation à partir de quelque chose qui ne sera pas sensationnel. En d’autres termes, il a déclaré, en substance :
« Maintenant, je proclame haut et fort que je ne proclame rien. »
Tout reste dès lors comme avant. Mais cette fois, l’intervalle qui nous a été donné — avant la reprise du conflit mondial aujourd'hui reporté — doit être utilisé pour renforcer notre pays, la Russie. Nous ne pouvons plus compter sur personne, ni placer nos espoirs ailleurs. Seulement sur nous-mêmes. Ce que nous construisons de nos propres mains, c’est ce que nous aurons. Par conséquent, nous devons armer, réarmer, surarmer, renforcer, consolider notre souveraineté, et orienter la société vers des trajectoires militaires à long terme. C’est ce qui doit être fait — quoi qu’il arrive. L’Armageddon ne commencera pas aujourd’hui. Mais cela ne veut pas dire qu’il ne commencera pas demain.