La Syrie, de al Qaïda à DEBKAFiles

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La Syrie, de al Qaïda à DEBKAFiles

La situation syrienne est “la mère de toutes les spéculations” pour ce qui concerne les alliances, les desseins des uns et des autres, la démonstration des théories qui sont chères au cœur des partisans du bloc BAO comme à celui de certains de ses prétendus adversaires. Les uns et les autres sont souvent inclinés à démontrer aisément que la puissance du bloc BAO existe à relation inverse du désordre qui ne cesse de se répandre partout où le bloc fait sentir son influence. Quoi qu’il en soit, nous avons fait un grand pas en avant, ce week-end, sur la voie du fameux adage “pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?”, en amenant des acteurs et des positions nouvelles, toutes diversement contradictoires, qui permettent effectivement de spéculer sur l’accentuation exponentielle du désordre que cela implique.

Voyons les nouvelles. Nous en avons retenu de trois sortes, de sources très différentes, sur des points très spécifiques. La démonstration n’en sera que plus enchanteresse, voire magique. Le désordre, lui, est “l’inspirateur de toutes les spéculations” possibles concernant des intentions et des manipulations dissimulés.

• Al Qaïda, d’abord. Selon ses canaux habituels de la vidéo annonciatrice de la Bonne Nouvelle, le groupe terroriste, – qui existe toujours ou n’existe plus depuis longtemps, ou n’a jamais existé c’est selon, – al Qaïda, donc, proclame qu’il est absolument engagé dans la lutte pour la chute du régime Assad. Voici l’annonce de la chose par Russia Today, le 12 février 2012.

«The leader of Al-Qaeda has voiced his support for the Syrian uprising. He called on Muslims to join the opposition in Syria in their drive to oust President Bashar Assad.

»In an eight-minute video address posted on Sunday on a jihadist website, Ayman al-Zawahri called on Muslims in Turkey, Iraq, Lebanon and Jordan to aid the Syrian rebels. “Continue your revolt and anger, don't accept anything else apart from independent, respectful governments,” the successor of Osama Bin Laden urged the Syrians. He also called on Syrians not to rely on Western or Arab governments, whom he said would impose a new regime subservient to the West. […]

»Dr. Hisham Jaber, from the Center for Middle East Studies, told RT that Washington and Al-Qaeda are fighting against a common enemy in Syria. “It seems that Al-Qaeda and the Western bloc are working in the same way and they have the same target, which is to destroy the regime in Syria and to collapse it,” he said. “Al-Qaeda never denied its presence in Syria. Al-Qaeda never denied its support of insurgents in Syria.”»

• La nouvelle concernant al Qaïda est reprise par PressTV.coml du 13 février 2012, qui ajoute également les informations du week-end sur les décisions de la Ligue Arabe. Cela permet de passer à un autre sujet, pour alimenter d’autres thèses de manœuvres mystérieuses.

«Also on Sunday, Saudi Foreign Minister Saud al-Faisal said during a meeting of AL officials that the grouping had to “give all forms of support” to the Syrian opposition. The AL officials also called for a halt to ‘all forms of diplomatic cooperation’ with the Syrian government and urged ‘tighter economic sanctions’ against Damascus. The League approved unprecedented sanctions against Syria during a session in the Egyptian capital Cairo on November 27, 2011. The sanctions included cessation of transactions with the Syrian Central Bank and a boycott of investments for projects in Syria.»

• A ce propos de la Ligue Arabe, largement manipulée par l’Arabie Saoudite, l’ancien diplomate indien M K Bhadrakumar ajoute quelques détails intéressants, ce 12 février 2012. M K Bhadrakumar ne cache effectivement pas que la Ligue Arabe, pour l’instant, n’est qu’un faux nez de l’Arabie (avec le Qatar en bandouillère, dont on sait qu’il ne rêve que d’abattre l’actuelle direction saoudienne). “Détails intéressants”, notamment avec l’idée que la Ligue, chose de l’Arabie, est loin de présenter le caractère d’unanimité des pays arabes… (Antony, cité dans le texte, est le nom du ministre indien de la défense.)

«…(By the way, ‘Arab League’ is a misnomer insofar as at least 4 Arab states are known to disagree with the interference in Syria by Saudi Arabia, Qatar and Jordan — Iraq, Egypt, Lebanon and Algeria.) […]

»And the mother of all ironies is that Antony also proposes to explore the ways and means of collaborating with Riyadh in the war against terrorism. Whereas, Saudi Arabia and al-Qaeda actually go back a long way. Even in the Syrian situation, Saudis and al-Qaeda are finding themselves on the same side at the operational level. The Saudis certainly assisted the al-Qaeda in resisting the Shi’ite empowerment in Iraq. The Saudis certainly were the mentors of the Taliban, who in turn were patronised by al-Qaeda.

»Today the Saudis are bankrolling the Islamists in Egypt. The Saudi forces are violently suppressing the aspirations of the Shi’ite majority in Bahrain. The Saudis are blatantly interfering in Syria…»

• Enfin, intéressons-nous à DEBKAFiles. Le 11 février 2012, le site publie une analyse dithyrambique à propos de la position militaire et politique d’Assad. Pour DEBKAFiles, le président syrien l’a emporté, dans tous les cas temporairement. Ce n’est pas la première fois que DEBKAFiles donne de telles analyses, favorisant nettement l’appréciation de la position opérationnelle d’Assad. Que cela soit vrai ou pas importe peu ici ; ce qui importe, c’est l’ostentation avec laquelle DEBKAFiles appuie sur ce fait, par la répétition, les détails, les perspectives, etc., dans nombre d'analyses à ce propos.

On connaît les liens de ce site avec la direction israélienne, les services de sécurité israéliens, etc., à un point où l’on peut estimer que DEBKAFiles exprime à sa façon une position qui est proche du fond de la pensée et du jugement des dirigeants israéliens. D’autre part, on a déjà noté le silence assourdissant de la direction israélienne à propos de l’affaire syrienne : les dirigeants israéliens ne peuvent proclamer qu’ils sont pour Assad mais ils ne tiennent certainement pas à la perspective de le voir remplacé par un désordre où l’extrémisme islamiste pourrait aisément proliférer. C’est la même attitude israélienne que pour la Libye, mais en plus accentuée, parce que la Syrie est aux portes d’Israël… (On peut noter que les Israéliens ont, de ce point de vue, une analyse complètement différente du bloc BAO : la menace prioritaire pour eux est l’avenir de la Syrie sans Assad, et nullement le succès théorique contre l’Iran que constituerait la chute d’un ami de l’Iran, dito le président Assad.) Quelques mots de DEBKAFiles :

«Western intelligence sources reporting in real time found Saturday night, Feb. 11, that Bashar Assad's loyal military and security forces had by and large managed to subdue the rebellion against the regime. They are now purging the last pockets of resistance, especially in Syria's third largest city, Homs. Still to come are possible flare-ups here and there and inevitably more horror stories of atrocities, but to all intents and purposes Syria's eleven-month uprising is all but over. […]

»DEBKAfile's military sources report that without outside armed intervention to halt the bloodbath – and there is no sign of any repetition of the NATO action which cut short Muammar Qaddafi's long reign – Bashar Assad will soon finish crushing the popular and armed resistance against him, helped by arms and military backing from Russia, Iran and Hizballah.

»Military intervention is not on the cards for the United States – Turkish Foreign Minister Ahmed Davutoglu was told Friday, Feb. 9 when he arrived in Washington to request US participation in organizing a Turkish-Arab operation in Syria or, at least, the supply of Western and Arab arms to the Syrian rebels. […]

»Although fighting continues in some places, Bashar Assad is at the threshold of a major success. His victory may be short-lived but it is significant all the same, offering kudos for the Iranian-Syrian-Hizballah alliance and a contretemps for the US, Israel and Saudi Arabia.»

… Sans nul doute, parce que c’est la pathologie même de la raison subvertie, certains continueront à démontrer que tout cela fait partie d’un vaste plan et qu’on y voit les prémisses d’un triomphe. “Vaste plan” de qui ? “Vaste plan” du bloc BAO, et notamment des USA, parés de toutes les vertus du machiavélisme, y compris et surtout par nombre de leurs adversaires obsessionnels qui semblent ne pouvoir s’opposer au bloc BAO que dans la mesure où celui-ci leur impose sa loi ? (L‘absence d’Israël dans le concert BAO pose un problème, qui peut sans doute être résolu par l’hypothèse d’une ruse encore plus machiavélique qui implique un vaste concert sans la moindre fausse note.) “Vaste plan” de l’Arabie, elle-même au bord de l’effondrement, et des sunnites contre les chiites ? “Vaste plan” d’al Qaïda qui-n’existe-peut-être-pas et qui proclame une sorte de charia contre Assad ? Et ainsi de suite, dans le champ des “vastes plans”.

L’époque est propice aux hypothèses les plus variées, aux complots, aux manœuvres, etc., justement parce que rien ne permet de démentir rien, puisque tout se répand et devient informe dans la déstructuration et la dissolution du monde. L’important est de sembler y comprendre quelque chose de structurée, et, surtout, de parer le désordre lui-même, qui se développe à une très grande vitesse, de la vertu de la ruse suprême des conquérants du monde. Le précédent de la Libye est là pour nous éclairer, où toutes les hypothèses de désordre se sont révélées justes, et l’on vous assurerait aussi bien que tout s’est donc déroulé “conformément au vaste plan prévu”. (Les contrats commerciaux dits “juteux” du bloc BAO seront là pour en témoigner, – dans 20 ou 30 ans, lorsqu’on aura identifié le nouveau gouvernement libyen.) Cette démarche est simplement le fait de psychologies épuisées, acharnées à débusquer le machiavélisme humain pour se faire accroire que la raison humaine, même au plus mauvais des propos, joue encore son rôle et contrôle encore les évènements du monde… Le puissant mouvement métahistorique qui nous dépasse et nous emporte dans un désordre sans frein, qui accélère au cœur du Système la transformation de sa dynamique de surpuissance en dynamique d’autodestruction, doit en rire dans sa barbe. Nous voici d’autant plus justifiés, pour notre compte, dans notre démarche d’inconnaissance ; elle permet d’écarter les scories des thèses extraordinaires et enfiévrées au profit du constat pur et simple de l’établissement du désordre universel.

 

Mis en ligne le 13 février 2012 à 11H18