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3113La Federal Reserve a pris la décision, ce jeudi 17 septembre, de ne pas relever son taux directeur d’intérêt, qui reste quasiment au niveau zéro (entre 0% et 0,25%) depuis fin 2008. La décision de relèvement du taux est attendue depuis un certain temps, selon les indications qu'avait données la Federal Reserve elle-même, et la réunion de la Federal Open Market Committee (FOMC) du 17 était largement désignée comme le moment où ce relèvement serait annoncé. Il n’en a rien été. Alors que la présidente de la Federal Reserve, Janet Yellen, continue à annoncer qu’une décision de relèvement (minime) devrait être prise d’ici la fin 2015, en octobre ou en décembre (les deux dernières réunions prévues de la FOMC pour 2015), le nombre de membres de la FOMC estimant que ce relèvement n’aura pas lieu “avant 2016 au plus tôt” est passé de deux à quatre.
Dans un texte du 19 septembre (en français), WSWS.org explique la décision de la Federal Reserve en s’en tenant généralement aux faits et sans sa forme commentée habituelle. Une place très importante est donnée dans cette analyse à l’évolution de l’économie mondiale, à l’image du communiqué officiel et de la présentation que la présidente de la Fed a faite des résultats de la réunion lors d'une conférence de presse.
« La réunion jeudi de l'Open Market Committee de la Fed (FOMC), qui élabore sa politique, a suscité de fortes inquiétudes à l'échelle internationale étant donné le net ralentissement de la croissance mondiale et la volatilité extrême des marchés financiers. Le fait que la réunion de la Fed ait été au centre de l'attention internationale témoigne du degré auquel l'économie mondiale tout entière est devenue dépendante des perfusions d'argent des grandes banques centrales dans les marchés financiers.
» La déclaration du FOMC a d’abord suscité une quasi-euphorie sur les marchés, faisant remonter le Dow Jones Industrial Average de plus de 100 points dans la première heure suivant sa publication. Lorsque la chaîne câblée américaine CNBC a annoncé la décision à 14 heures, il y eut une acclamation audible depuis le parquet de la Bourse de New York. Mais la reprise s'est essoufflée et les actions américaines ont terminé la journée sur des résultats mitigés. Le Dow a fermé avec 65 points de baisse et l'indice 500 de Standard & Poor a chuté de 5 points, tandis que le Nasdaq bouclait sur une légère hausse de près de 5 points.
» Il semblerait que l'exubérance initiale devant la décision de retarder la hausse des taux a été tempérée par l’inquiétude sur l'état de l'économie et du système financier mondiaux comme en témoigne la déclaration du FOMC. S’écartant nettement de déclarations précédentes de la Fed, qui se réfère rarement aux conditions internationales, ce dernier communiqué a d’abord constaté que les exportations étaient “molles” et que l'inflation avait évolué bien en deçà de l'objectif de 2 pour cent de la Fed pour dire ensuite: “Les récents développements économiques et financiers mondiaux risquent de limiter quelque peu l'activité économique et sont susceptibles de mettre davantage de pression à la baisse sur l'inflation à court terme”. C’était là une allusion à des données montrant un net ralentissement de l'activité industrielle, des exportations et de l'inflation de la Chine qui représente la moitié de la croissance mondiale depuis le krach de 2008. Les marchés boursiers chinois ont subi des pertes énormes et le yuan a été dévalué inopinément le mois dernier.
» La stagnation de la Chine a exacerbé les problèmes économiques et financiers d'autres soi-disant “économies de marché émergentes” dépendant fortement des exportations de matières premières comme le Brésil, la Russie, la Turquie, l'Afrique du Sud et certaines économies asiatiques. Ces pays ont connu une forte baisse de leur croissance, de leurs exportations et de la valeur de leurs devises, tandis que leurs dettes sont devenues de plus en plus insoutenables du à la force croissante du dollar américain. En même temps, l’économie européenne croît à peine et celle du Japon s’est contractée au deuxième trimestre.
» Les signes d’une intensification de la récession abondent... [...]
» La convergence de ces développements a suscité des bonds erratiques sur les marchés boursiers aux USA et dans le monde, le mois dernier. À un moment, après une chute de près de 1.000 points du Dow Jones quelques minutes après l’ouverture, William C. Dudley, le président de la Federal Reserve Bank de New York, a dit aux journalistes que les développements internationaux avaient rendu “moins convaincants” les arguments en faveur d’une hausse des taux d’intérêt de la Fed en septembre. Cette intervention, en rassurant l'aristocratie financière et en lui disant que la Fed continuerait à garantir ses fortunes et reporterait probablement une hausse des taux, a eu l'effet escompté de prévenir un effondrement complet du marché.
» Parmi les organisations et les individus ayant demandé à la Fed de ne pas augmenter les taux à sa réunion de jeudi il y avait le Fonds monétaire international, la Banque mondiale, l'ancien secrétaire américain au Trésor, Lawrence Summers, l'investisseur milliardaire Warren Buffett et le PDG de Goldman Sachs, Lloyd Blankfein. La semaine dernière, l'économiste en chef de la Banque mondiale a dit au Financial Times que la Fed risquait de déclencher “panique et agitation” si elle relevait les taux.
» Alors que dans les milieux financiers le sentiment prédomine pour repousser une hausse des taux aussi longtemps que possible, des forces opposées soutiennent que plus la Fed attend avant de commencer à augmenter les taux, plus l'incertitude règne et pire seront les conséquences économiques et financières. La semaine dernière, l'économiste en chef américain de JPMorgan Chase a exhorté la Fed à commencer à relever les taux à sa réunion jeudi. Un membre du FOMC, Jeffrey Lacker, président de la Fed de Richmond, en Virginie, a voté contre la décision de maintenir les taux à près de zéro, disant qu'il favorisait une augmentation immédiate de 0,25 pour cent. Son vote était la première dissidence au sein du FOMC cette année.
» Dans son communiqué, le FOMC a cherché à rassurer les marchés; même s’il commençait à relever ses taux dès octobre ou décembre, les augmentations seraient petites et progressives. La déclaration disait: “Le Comité prévoit à présent que, même si l'emploi et l'inflation sont proches des niveaux mandatés, il se peut que les conditions économiques nécessitent, pendant un certain temps, le maintien du taux de la Fed en dessous des niveaux que le Comité [de la Fed] estime être normaux à long terme”. Dans une conférence de presse suivant la sortie de la déclaration, la présidente de la Fed Janet Yellen a réitéré la préoccupation de la banque centrale au sujet des développements mondiaux. “A la lumière de l'incertitude accrue à l'étranger”, a-t-elle dit, “le Comité a jugé opportun d'attendre”, ajoutant, “Étant donné les interconnexions économiques et financières significatives entre les Etats-Unis et le reste du monde, la situation à l'étranger mérite d’être suivie de près”. »
Les critiques de la décision de la Federal Reserve n’ont certainement pas manqué. Pour eux, il s’agit d’abord de l’évolution de l’économie, et plus encore du contrôle de l’évolution de l’économie. ZeroHedge.com publie, hier 20 septembre, une longue analyse témoignant de l’état de l’économie US, notamment en s’appuyant sur des données de Ray Dalio, de Bridgewaters Associates. La conclusion est qu’en l’absence d’une hausse des taux d’intérêt et donc en conséquence de la politique que suit la Federal Reserve, l’économie US est sur la voie d’une sévère récession, sinon d’une dépression. Le même 20 septembre, Martin Armstrong met en ligne sur son site un commentaire aussi court qu’il est sans appel, avec son titre qui est repris dans la première ligne du texte : « Yellen Is Trapped in the Worst Nightmare Ever »... Voici le début et la fin de ce commentaire de Armstrong, avec l’un et l’autre mots qui nous importe principalement.
« Yellen a hérité d’un véritable cauchemar. La décision de jeudi de la Fed d’à nouveau repousser la décision de faire sortir les taux d’intérêt de sa ligne du zéro illustre le fait que l’économie du monde est totalement foutue. [...] C’est la pire des situations de désordre possibles et au plus ils attendront pour normaliser les taux d’intérêt, au plus la crise générale s’aggravera parce qu’ils n’auront absolument plus aucun contrôle sur l’économie. Une fois que cela apparaîtra au grand jour, l’enfer se déchaînera. »
Il est vrai que cette réunion du 17 septembre était attendue avec intérêt, aussi bien d’ailleurs pour son aspect symbolique que pour sa dimension opérationnelle évidente avec la question de la hausse des taux d’intérêt. Elle était attendue symboliquement aussi, parce que depuis 2013 on attend et on annonce cette hausse qui prendrait l’allure d’une sorte d’affirmation solennelle (et symbolique, certes) que “nous” sommes sortis de la crise dite de la Grande Récession de 2008-2009, au cours de laquelle ces taux furent amenés quasiment au plancher zéro (en décembre 2008). La décision de jeudi dernier, telle qu’elle a été annoncée, n’a pas déclenché de commentaires particulièrement sensationnels, ni éveillé un intérêt inhabituel ; ainsi tout s’est-il passé comme si la décision avait été plutôt de ne pas décider, alors que, pourtant, ce choix de ne pas toucher aux taux d’intérêt constituait une décision importante ; mais non, la Fed annonce qu’elle décide effectivement de ne rien faire et tout se passe dans la perception qu’on en recueille comme si elle n’avait rien décidé... C’est alors que les mots employés par Martin Armstrong ont tout leur intérêt : d’une part, le désordre de la situation générale de l’économie, qui se retrouve dans tous les autres domaines, que ce soit ceux de la politique et de la stratégie, de la culture, de la psychologie, etc., qui est donc une condition même d’une époque et d’un monde ; d’autre part, l’absence complète de contrôle des autorités en place sur cette situation de désordre (par définition certes, mais il faut le dire puisque certains croient au “chaos contrôlé”), particulièrement dans les pays du bloc BAO et aux USA par rapport au(x) rôle(s) qui leur sont impartis par le Système, dans le Système, – là aussi, cette absence de contrôle “qui se retrouve dans tous les autres domaines, [...] qui est donc une condition même d’une époque et d’un monde”.
Armstrong emploie essentiellement ces mots (désordre, absence de contrôle) pour décrire l’aspect technique des situations envisagées ; nous suggérons de les utiliser plus généralement pour décrire l’essence même de la situation, qui est littéralement en processus de complète dissolution, et qui touche nécessairement tous les domaines (en ce sens où la politique de la Federal Reserve est d’une certaine façon équivalente à la politique US en Syrie, pour ce qui est de la position des acteurs censés énoncer, conduire et appliquer ces politiques). La référence de la Federal Reserve à la situation internationale qui tient désormais une place essentielle dans ses analyses jusqu’à les influencer d’une façon décisive, aurait conduit in illo tempore à une conclusion politique intéressante, sur la réduction accélérée de l’hégémonie US dans le système financier et le système économique mondial. Si cela reste en partie le cas, il s’agit également, et même plus encore, de l’indication incontestable de la puissance du désordre de la situation générale, car c’est bien ce désordre qui pèse de tout son poids sur les prises de position, et qui accule les directions à des décisions à court terme, à potentialité contre-productive très importante, et dans tous les cas qui accroissent naturellement l’absence de contrôle de ces directions.
Si l’on veut une autre image, on admettra que la forme de la décision de la Federal Reserve, qui semble tenir plus compte de la situation économique mondiale (hors-USA) que de la situation économique des USA, constitue un indice d’une sorte de globalisation accomplie dans une sorte de “gouvernance mondiale” où des entités telles que l’UE, l’OTAN, la Federal Reserve, jouent des rôles effectivement transnationaux et supranationaux, – par exemple beaucoup plus qu’à l’ONU où les nations sont encore fermement présentes et représentées. (Dans le cas de la Federal Reserve, le fait que sa décision favorise également Wall Street et les super-riches US renforcent a contrario l’image, en confirmant que Wall Street et les super-riches US ne font plus partie de l’entité-USA avec ses intérêts nationaux mais d’une internationale de l’entassement des richesses, de la spéculation, de la dérégulation et d’une façon plus générale de la déstructuration systématique.)
Si l’on accepte l’image, alors la “gouvernance mondiale” que tout le monde annonce, qui pour l'applaudir, qui pour la dénoncer, est ainsi accomplie de facto, elle est nécessairement l’enfant naturel du désordre et elle génère nécessairement, comme par génération spontanée, l’absence de contrôle. Elle sacrifie à sa puissance et à son impunité complète tous les principes de la légitimité et de l’autorité, ratant ainsi de transmuter la souveraineté de ses composants qu’elle a sacrifiée en une nouvelle assise principielle.
Le résultat, cette décision de la Fed, qui est vraiment une façon de décider de ne rien décider parce qu’on ne comprend rien à ce qui se passe, ressemble à s’y méprendre, selon notre point de vue de non-spécialiste de la chose, à l’aveu que faisait le directeur de la DIA, que nous avons déjà repris à deux reprises, dont une fois le 13 août dernier à propos justement de l’économie puisqu’il s’agit des graves remous de la Chine ... Et le général Flynn, donc, disant, un jour avant son départ (en août 2014) de directeur de l’une des plus importantes agences de renseignement du monde, ceci qui pourrait aisément être transposé au monde financier et économique : «Ce que je vois, c’est la géographie stratégique et les frontières sur la carte du monde qui changent littéralement sous nos yeux. Ce changement est sans cesse en train d’accélérer à cause de l’explosion des médias sociaux. Et nous, dans la communauté du renseignement, nous essayons d’y comprendre quelque chose...»
Mis en ligne le 21 septembre 2015 à 13H08
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