Kunstler : USA-2020 empêchée par le désordre ?

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Kunstler : USA-2020 empêchée par le désordre ?

Pour une fois, nous écoutons James Howard Kunstler hors du cadre habituel de ses billets bihebdomadaires. Les problèmes évoqués par Greg Hunter, du site USA Watchdog (reprise par ZeroHedge.com) sont décisifs et définitifs, et appellent chez Kunstler des réponses qui le sont autant. Placés devant cette directivité, notre brillant commentateur ne s’embarrasse plus de ses effets de style ou de son ironie si séduisante, mais va droit au but dans ses évocations.

Les extraits ci-dessous- sont repris d’une transcription de certains passages de l’interview sur une vidéo qui est jointe à l’article. Ils éclairent les points principaux de la pensée de Kunstler. Nous les avons placés dans un ordre qui n’est pas celui de l’interview, mais qui permet de tracer mieux la perspective générale que Kunstler envisage pour les USA. C’est peu de dire, bien entendu, qu’elle est catastrophique, sinon apocalyptique.

• D’abord, on présente les considérations de Kunstler sur la possible action de l’administration Trump contre la coalition médiatique (presseSystème) qui s’est déchaînée contre lui depuis son élection et son installation à la Maison-Blanche. Kunstler pense à des mesures légales qui, tout en ne censurant pas cette presse par interdiction ou mesures pénales, devraient l’inciter à adopter une autre attitude... Ainsi pourrait-on comprendre son propos, qui renvoie à une juridiction très complexe dont dispose le ministère de la justice. En effet, Kunstler estime que l’Attorney General Barr (le ministre de la justice) et son procureur Durham vont lancer des mises en accusation qui ne seront pas nécessairement des inculpations. 

« Je me demande si les rédacteurs en chef et les éditeurs du Washington Post et du New York Times, ainsi que les producteurs de CNN et de MSNBC, ne vont pas être désignés comme ‘co-conspirateurs non-accusés’ rassemblés dans un effort visant à tromper le pays et à organiser un véritable coup d'État pour destituer le président et annuler les élections de 2016. Je le dis en tant que personne qui n’est pas nécessairement un partisan de Trump. Je n’ai pas voté pour lui. Je ne suis pas une pom-pom girl pour ce type, mais je pense que le comportement de ses antagonistes a été bien pire et beaucoup plus dangereux pour la nation et le projet américain à long terme [que ce que lui-même a fait]. Je pense qu’il est vraiment nécessaire que des mesures soient prises pour que les responsables répondent des actes qu'ils ont commis...
» Je ne suis pas avocat et je n'ai jamais travaillé pour le ministère de la Justice, mais il me semble qu’en nommant les éditeurs et les rédacteurs en chef de ces entreprises comme ‘co-conspirateurs non accusés’, on évite de donner l'impression de vouloir censurer ou d’interdire la presse parce qu'on ne va pas les mettre en prison, mais on va les mettre en difficulté. Cela pourrait inciter leurs conseils d'administration à congédier quelques personnes et peut-être changer leur façon de faire leur travail d’information. »

• Cette observation concernant de possibles actions de justice implique évidemment des réactions extrêmement violentes de la part de la gauche radicale, des progressistes-sociétaux, des démocrates, etc. Kunstler semble assez convaincu qu’il n’y a pas assez dans les accusations qui sont en train d’être montées contre le président Trump pour le destituer.

(La Chambre des Représentants a voté hier l’ouverture officielle du processus pour rédiger l’acte de mise en accusation contre Trump, par 232 voix contre 196. Pendant ce temps, alors que les sondages généraux du public donnent une faible majorité favorable à la destitution, les résultats par États sont très diversifiés, notamment dans les États-clef de l’élection présidentielle qui sont assez anti-destitution, ce qui suggère des possibilités extrêmes d’affrontements internes, de contestations juridiques et électorales, sinon populaires.)

Le sentiment général de Kunstler est ainsi, plus encore que celui d’une potentialité de guerre civile ou d’actes politiques nettement tranchés, celui de la possibilité de désordres considérables au niveau institutionnel et jusqu’au public lui-même. Dans ces conditions, juge-t-il, il est très envisageable que l’élection présidentielle de 2020 (USA-2020) ne puisse avoir lieu et soit retardée... Jusqu’à quand, et comment, et avec quelles réactions, etc. ? Terra parfaitement et complètement incognita...

« ... Il va probablement y avoir beaucoup d'actions en justice intentées contre les personnes qui ont commencé ce coup d'État contre [Trump], et cela va être extrêmement inquiétant pour la gauche [dans la perspective de l’élection présidentielle, avec par conséquent un désordre à mesure]....
» Je pense que l'une des fortes possibilités est que nous n'ayons pas d'élections en 2020. D’une façon ou d’une autre, le pays peut de trouver dans un état de si grand désordre que nous ne pourrons pas tenir d’élections. Il peut y avoir tellement de conflits que nous ne pourrons pas régler les questions juridiques liées à la tenue des élections, et il se peut qu’elle soit suspendue. Je ne sais pas ce que cela signifie [comme perspectives politiques et pour les événements à venir], mais je suis très impressionné par le désordre dans lequel nous nous trouvons déjà. C'est plutôt une sorte de trouble mental [d’incompréhension et d’incommunicabilité] qui existe entre les deux parties qui s’affrontent, et cela pourrait [évoluer très rapidement et] se transformer en nombre de violences publiques et en nombre d’impasses institutionnelles.” »

• C’est dans ce cadre politique absolument sans précédent et sans aucune possibilité d’envisager rationnellement aucune prévision qu’il faut placer les appréciations de Kunstler concernant l’évolution catastrophique des situations financières et économiques aux USA. Il voit une évolution vers une situation de blocage et de faillite du fait notamment des dettes ; il affirme que les choses ne ressemblent à rien de ce que nous avons vu dans le passé parce que nous approchons d'un jour où notre système monétaire fondé sur l’endettement sera pris en compte.

Kunstler dit que l’on peut distinguer cette perspective, désormais... Et, dans ce cas, l’effet pourrait être un repli vers des économies locales, une sorte de vague de localisme aux USA, actant la désintégration complète du pays,de facto plutôt que par le haut, par des processus politiques de sécession, une “dissolution” de l’entité fédérale par le bas, évidemment suscitée et accélérée par la paralysie et l’impuissance totales du système institutionnel...

« Ce qui semble se dessiner, c’est un mouvement vers une sorte de démantèlement du système bancaire. En réalité, nous sommes coincés dans une situation où nous avons trop d’obligations que nous ne pouvons pas respecter et trop de dettes qui ne seront jamais remboursées. Nous essayons de diriger le pays depuis quinze ou vingt ans en nous endettant parce que nous ne pouvons plus assurer la croissance industrielle à laquelle nous étions habitués et que nous n'avons plus l’appui des dépenses de l’énorme ‘industrie de consommation’. Nous avons emprunté sur l’avenir pour payer nos factures courantes et aujourd'hui, et nous n’avons plus les moyens d'emprunter davantage...

» Je pense que nous allons perdre la capacité d’assurer un grand nombre d'activités que nous avons entreprises. Cela commence par l'énergie et sa relation avec les services bancaires et notre capacité à générer le genre de croissance dont vous avez besoin pour continuer à rembourser vos dettes. La raison pour laquelle la dette ne sera jamais remboursée et les obligations ne seront jamais respectées, c'est que nous ne générons pas ce genre de croissance. Nous ne faisons que générer des fraudes et des escroqueries. Les fraudes et les escroqueries sont amusantes pendant que vous les commettez et elles semblent produire beaucoup de profits sur papier, mais après un certain temps, elles s’avèrent complètement être des simulacres. Alors vous devez faire autre chose. Finalement, beaucoup de choses dans notre économie et notre mode de vie sont des simulacres et vont échouer puis disparaître. Alors, nous devrons prendre d'autres dispositions pour la vie quotidienne. Cela signifiera probablement que nous organiserons nos affaires à une échelle beaucoup plus locale. »

On notera, – et ce sera notre observation centrale et notre commentaire essentiel, – que Kunstler est beaucoup plus frappé par l’imbroglio institutionnel, les paralysies des institutions et l’impuissance générale du système de l’américanisme, et aussi les blocages psychologiques avec des attitudes frisant la démence collective, notamment chez les propagateurs des conceptions sociétales allant jusqu’aux extrêmes de l’absurde dans tous les domaines LGTBQ. Ce qu’il tend à nous montrer, beaucoup plus qu’une menace insurrectionnelle majeure ou, à l’inverse, une menace dictatoriale ou totalitaire, c’est une perspective d’un extraordinaire désordre dont on admettra que les prémisses que nous vivons depuis quatre ans sont notablement convaincants.

Dans ce cas, la suppression ou le report de USA-2020 ne serait pas le spectre du fascisme que ne cessent de brandir WSWS.org et les foules diverses de la postmodernité échevelée, mais le résultat direct de la dissolution complète du système dans l’impuissance et la paralysie générées par le désordre et à leur tour impuissance et paralysie génératrices de désordre. Nous serions parfaitement sur la voie de l’autodestruction après avoir subi la pression effroyable de la surpuissance.

Nous serions alors placés devant un “modèle américain” tout à fait inédit, un American Dream tout à fait original, complètement parfaitement inverti en un pimpant American Nightmare. C’est alors le monde entier qui devrait se redéfinir autour de ce “modèle” qui, évidemment, aurait toutes les tendances du monde (le même) à se répandre, – notre fascination pour l’Amérique en un sens, qui est celui de l’inversion, notre fascination jusqu’au bout, jusqu'aux abysses, – pour liquider enfin cette contre-civilisation satanique.

« Rêvons un peu », disait Sacha...

 

Mis en ligne le 1ernovembre 2019 à 11H37