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17 avril 2005 — Le programme JSF sera extraordinaire à tous égards, — ou, si l’on veut d’autres termes plus explicites : ce sera quelque chose de tout à fait nouveau, un monstre, une sorte de “Frankenstein” de la coopération internationale, avec police permanente, chasse aux sorcières et liste noire. Les amis des Américains, ceux qui ont embarqué à bord du monstre, seront les cibles désignées de cette nouvelle sorte de maccarthysme technologique et aérospatial. Bienvenus à bord.
(D’ores et déjà, William Pfaff, dans un brillant article du 16 avril, nous a expliqué l’un des aspects du mécanisme qui se met en place, qui a à voir avec les Chinois, — décidément partout comme on va le constater.)
Il faut attendre bien des développements à venir, en effet, quand l’on découvre dès aujourd’hui, à ce stade du programme, qu’un des coopérants est déjà puni, et pas le moindre quant aux liens existants avec les USA: Israël. (Israël est un coopérant mineur du programme, avec $50 millions engagés à la suite d’un accord signé le 14 février 2003 avec le Pentagone. On parle ici de son importance capitale, pour les USA, comme “allié stratégique”.) Le journal Haaretz indique, dans ses éditions du 16 avril, que des mesures de restriction d’accès aux technologies du programme JSF ont été prises par le Pentagone contre Israël. Il semble qu’il s’agisse de mesures temporaires, en attendant des éclaircissements concernant des transferts de technologies entre Israël et la Chine.
« The United States has curbed Israel's involvement in development of the F-35 Joint Strike Fighter, the biggest warplane program ever, because of its arms deals with China opposed by Washington, U.S. defense officials said on Friday.
» “There are some types of technology and information involved in the Joint Strike Fighter that we are not comfortable sharing until we resolve the technology and security issues,” an official, who declined to be named, said.
» The U.S. and Israel have been at odds for years over advanced technology transfers to China. Washington fears some sales could tilt the balance of power and make it more difficult to defend Taiwan, which Beijing deems a renegade province. In recent months, Pentagon leaders have been angered in particular by what they consider an upgrading of spare parts for China's fleet of Israeli-supplied Harpy attack drones. “Technology has made its way inappropriately to China via Israel,” the official said. “There have been many violations of technology transfer agreements.” »
Cette décision américaine attire quelques remarques:
• Le JSF est effectivement utilisé comme instrument de pression et de représailles pour des affaires qui n’ont aucun lien avec ce programme. Cela confirme que les supputations selon lesquelles des restrictions de transfert de technologies du JSF dans le cadre de la coopération seraient appliquées en cas de levée de l’embargo européen vers la Chine (voir Pfaff) sont fondées. En réalité, les menaces et les mesures restrictives sur les transferts de technologies dans le programme JSF devraient devenir une des armes favorites de pression et de représailles US contre tous les coopérants. Ceux-ci sont prisonniers de ce programme, au niveau industriel, technologique, comme au niveau opérationnel pour l’emploi des avions lorsque, un jour, sans doute lointain, il leur sera livré. Inutile de dire qu’il s’agit d’un cas patent de sujétion politique.
• Aucune préférence politique ne joue dans la question du contrôle des technologies, notamment leur transfert vers la Chine. Le cas israélien est évidemment exemplaire: certains analystes ont l’habitude de considérer Israël comme intouchable à Washington, voire comme un manipulateur de la politique US. Cette sorte d’événements doit pondérer fortement, sinon radicalement, cette sorte de jugements. Israël est un allié privilégié tant que sa politique convient à Washington, particulièrement au Pentagone. En cas de dérogation, on découvre que les Américains n’hésitent pas à utiliser les méthodes les plus brutales contre Israël. En d’autres mots, Israël est bien plus prisonnier de ses liens avec le complexe militaro-industriel washingtonien que le gouvernement US ne l’est du lobby et des milieux pro-israéliens de Washington.
• D’une façon plus générale, la décision du Pentagone est le signe du durcissement US sur la question des transferts de technologies. Elle intervient alors qu’une enquête est en cours, alors que rien n’est officiellement déterminé dans le sens de la responsabilité d’Israël. De ce point de vue de la politique générale en la matière, on retrouve la conclusion déjà vue plus haut: les pressions sur la coopération du programme JSF vont être utilisées comme un outil pour peser sur la politique générale des coopérants du programme JSF, sur des faits touchant ou non ce programme. Il s’agit d’une politique du soupçon, Washington étant seul juge en la matière; l’analogie avec le maccarthysme, dans le climat régnant à Washington, est complètement justifiée. Les accords techniques ne pèseront rien devant ces considérations et les soupçons systématiques contre les coopérants, tant au Pentagone qu’au Congrès, mèneront la politique dans ce domaine.
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