JSF Fatigue” : L’avion embarqué qui ne débarquait pas

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Qui arrêtera jamais le JSF ? Nous voulons dire lorsqu’il touchera le pont du porte-avions et devra crocheter le câble d’arrêt avec sa croisse d’appontage, nécessité de base pour tout avion embarqué. Mais le JSF, version embarqué F-35C, ne peut pas, puisqu’il a sa crosse d'appontage trop proche de son train d'atterrissage… Bref, une fois de plus, les qualificatifs manquent pour qualifier les vices qu’on découvre sur cette merveille conçue par ordinateur, et cette version déclarée parfaitement conforme pour les opérations embarquées par Lockheed Martin en 2007.

…Il est vrai que nous retardons, mais peut-être sommes-nous frappés par le syndrome que les linguistes américanistes nommeraient “the JSF fatigue” (l’épuisement devant l’amoncellement d’informations sur le rapport continuel des avatars, erreurs, retards, tromperies, etc., affectant ce programme qui s’avère effectivement comme la plus pharaonique catastrophe de l’histoire de l’industrie aéronautique, équivalent du domaine de l’effondrement du secteur financier US à l’automne 2008).

C’est le 8 janvier 2012 que l’éminent Eric L. Palmer, l’un des plus constants critiques du JSF, détaillait dans F-16.net la nouvelle catastrophe.

«Back in 2007, a Lockheed Martin year in review video stated that the F-35C carrier variant (CV) JSF had passed critical design review (CDR). The video and similar public statements said, “2007 saw the completion of the critical design review for the F-35C. The completion of CDR is a sign that each F-35 variant is mature and ready for production.”

»Yet, a November 2011 U.S. Department of Defense (DOD) quick-look report relating to engineering challenges arising from what is being called “concurrency issues” revealed that all eight run-in/rolling tests undertaken at NAS Lakehurst in August 2011 to see if the F-35C CV JSF could catch a wire with the tail hook have failed.

»The report also mentions that the tail hook on the F-35C CV JSF is attached improperly to the aircraft… […] It is highly probable that this design fault could be the last straw for the F-35C. The program will attempt some more rolling tests with a different hook design, but this does not address the problem of the poor location of the tail hook on the airframe.»

Russia Today, pourtant peu habitué aux matières militaires spécialisées, consacre ce 16 janvier 2012 un article au programme JSF, en décrivant la catastrophe dans les termes habituels. Les Britanniques (les commentateurs de la presse), eux, préfèrent faire montre de fatalisme, laissant de côté leur pro-américanisme exacerbé… Les militaires britanniques ont abandonné le F-35B à décollage et atterrissage vertical, ADAC/V (trop cher, performances douteuses, – d’ailleurs toujours douteuses, avec notamment la propension à brûler tout ce qui se trouve en-dessous de lui lorsqu’il se pose sur un porte-avions à cause de la formidable chaleur de son réacteur). Ils ont cru “assurer” en choisissant le F-35C, futur fleuron de l’U.S. Navy, ce qui a nécessité un nouveau dessin pour leurs deux futurs porte-avions (abandon de la piste courte arrondie vers le haut pour le décollage court du F-35B, installation des catapultes de décollage, etc.). Et voilà qu’on leur annonce que le F-35C n’a pas vraiment les moyens de se poser sur un porte-avions. Confirmation est donc faite que les Britanniques auront un ou deux porte-avions flambant neufs sans avions à mettre dessus... En fonction des manigances habituelles, ne parlons pas des possibles Rafale ou des probables Super Hornet en remplacement de ce qui disparaîtrait avec le F-35C. Devant tant d’entêtement dans une politique aussi complètement catastrophique, ne parlons plus de rien et laissons voir venir, comme ils disent, – wait and see”, n’est-ce pas, et en avant la musique...

Le 16 janvier 2012, le Daily Telegraph relayait des révélations du Sunday Times à partir d’un rapport consterné qui circule actuellement au ministère britannique de la défense…

«The report, seen by the Sunday Times newspaper, concludes that unless a “significant redesign” of the aircraft is urgently completed the future of the aircraft is at risk. If such a redesign is proven to be too costly or difficult to implement, it warns that the entire F-35C programme may have to be scrapped.

»Britain is due to buy around 50 aircraft at a total cost of about £5 billion but senior Navy sources admitted last night that on current budget, the MoD will have just six available by 2020. They also told The Daily Telegraph that the flaws could place the entire JSF programme in jeopardy amid fears it could be axed all together despite billions of pounds spent by the British and American governments and other “partner nations”.

»They further suggested that the flaws could also have major implications for the Royal Air Force and its manned fighter programmes. Labour called on the government to “come clean on the full impact of the defence review”.»

Il est remarquable que ce dernier avatar du JSF n’ait pas provoqué un torrent de commentaires, alors qu’il constitue un quasi arrêt de mort de la version embarquée de l’avion (ce qui ne serait pas nécessairement pour déplaire à l’U.S. Navy, qui n’a jamais vraiment goûté le JSF, son prix, ses délais et autres casseroles sans nombre attachées à sa double queue, désormais quasiment privée de l’indispensable). On peut difficilement parler de désinformation ou de “censure”, ce stade étant largement dépassé avec le JSF. A notre sens, cette absence et cette discrétion seraient plutôt l’augure de décisions extrêmement importantes, évidemment déchirantes pour le programme JSF. En effet, avec cette annonce concernant le F-35C, concernant un vice majeur nécessitant une restructuration, on approche des limites du supportable, budgétairement, opérationnellement et industriellement.

Même si la chose essentielle ne concerne que le F-35C, il ne faut pas oublier que le F-35B (ADAC/V) est encore en période de probation, qu’il a lui-même des problèmes qui tiennent à sa conception, que d’autres problèmes communs aux trois versions existent, que toute réduction de la production par l’abandon d’une version fait exploser le prix du reste, etc. Il se pourrait par conséquent que l’année 2012, déjà fameuse par d’autres perspectives, soit celle de l’abandon du programme JSF, ou au moins du début du processus décisif vers cette décision, avec suspension de la production, gel du développement, examen d'urgence de solutions alternatives, etc… Cette possibilité, déjà présente dans bien des esprits depuis des mois, sinon au moins deux ans, laisse rêveur, par ailleurs, devant le fait qu’il existe encore des gouvernements pour plus ou moins accepter, non sans grogner, de faire le choix théorique de JSF. On sait que le Japon est complètement asservis aux USA, mais son choix très récent du JSF reste tout de même une performance majeure d’incompétence, d’aveuglement et de corruptions diverses, dans les circonstances qui affectent le programme. Mais on sait également que plus rien ne semble devoir arrêter les gouvernements du bloc BAO (dont le Japon fait partie) dans cette voie d’un complet abandon de toute attitude responsable.


Mis ebn ligne le 17 janvier 2012 à 13H32