‘Impatriation’, nouvelle essence de l’identité

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‘Impatriation’, nouvelle essence de l’identité

• Une intervention remarquée en Russie, de la part d’une jeune Italienne, qui étudie à Moscou et demande à Poutine de faciliter toutes les mesures pour les étrangers voulant s’“impatrier” en Russie. • On pourrait comprendre  “trouver une nouvelle patrie” en Russie, mais cela doit à notre avis être lu différemment. • Ce terme, ce débat, cette perspective renvoient à la bataille finale à laquelle nous assistons, entre la modernité et la Tradition (ou néo-Tradition). • Une appréciation et une interprétation fondamentales caractérisant la GrandeCrise.

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Les élites russes, sous l’impulsion d’un Poutine qui en a fait un des fondements de sa politique, travaillent avec vigueur sur la question de la Tradition.

Note de PhG-Bis : « Nous utilisons ce terme consacré de “Tradition” d’une façon arbitraire mais pour nous très significative, dans le sens du rassemblement de toutes les valeurs traditionnelles, hors de toute référence religieuse spécifique, contre la marée déconstructurante des contre-valeurs de la modernité ; si l’on veut, selon un point de vue très large, dans un sens “guénonien”. On verra plus loin qu’on peut utiliser un arrangement sémantique pour signaler une chronologie crisique en cours, en parlant de néo-Tradition. »

Une place importante est faite à une intervention d’une étudiante italienne incluse dans les travaux du ministère russe des affaires étrangères, Irene Cecchini, – avec d’autres qui vont implicitement dans le même sens, comme celle de Tara Reade, citoyenne américaine et victime sexuelle du vertueux Biden réfugiée en Russie. Cecchini se veut la promotrice d’une campagne nouvelle, dite de l’“impatriation”, qui est le concept contraire d’“expatriation”, mais les deux termes employés comme on le verra dans un sens spécifique très différent.

« La proposition de rationaliser le processus de naturalisation pour les candidats qui partagent les valeurs traditionnelles russes, de s'installer dans le pays et d'obtenir la citoyenneté, émane d'Irene Cecchini, étudiante italienne à l'Institut d'État des relations internationales de Moscou (MGIMO). “Ce serait bénéfique pour la Russie, car ces personnes apporteraient de nouvelles compétences, seraient des entrepreneurs”, dont l'apport contribuerait également à accroître la population et à stimuler l'économie, a expliqué l'étudiante en s'adressant à M. Poutine en russe.

» M. Cecchini a suggéré qu'un nouveau terme, “impatriation”, soit introduit pour décrire “le fait de s'installer dans un lieu de résidence permanent en Russie sur la base de valeurs culturelles, traditionnelles et familiales”. L'Italienne, qui étudie au MGIMO depuis quatre ans et a appris le russe en partant de zéro, s'est plainte au président que ses tentatives pour obtenir un passeport russe étaient restées vaines jusqu'à présent. »

On sait que Poutine est très favorable à cette sorte d’initiative et il est évident qu’il doit répondre à la requête de Cecchini, dans le cadre d’une politique maximale d’“impatriation”. Cela ne peut étonner nos lecteurs qui nous suivent depuis plusieurs années, depuis que nous mettons l’accent sur la position très singulière de la Russie dans la lutte pour la défense de la Tradition, – la dernière fois indirectement le 23 septembre 2023, ou bien le 26 décembre 2021, peu avant la guerre en Ukraine, et pour la première fois de façon explicite dans ce texte souvent cité autour d’un commentaire de Patrick Buchanan du 18 décembre 2013 :

« Qui connaît un peu Patrick Buchanan, celui-là sera troublé et intéressé, stupéfait dans un premier temps, finalement écartant cette surprise inutile et dépassée, en lisant le commentaire de Buchanan du 17 décembre 2013 sur le site ‘UNZ.com’ qui reprend les textes originaux et importants de personnalités US, – et commentaire de Buchanan sous ce titre : “Is Putin One of Us?” Buchanan fut le speechwriter de Nixon, partisan de Reagan, républicain et conservateur traditionnel anticommuniste et viscéralement antirusse durant l’essentiel de sa carrière, devenu “paléo-conservateur” pour se distinguer des “néoconservateurs” [...] Dans le texte cité, où question vaut réponse positive évidemment, Buchanan fait de Poutine le porte-drapeau d’un mouvement mondial, transnational, contre les ravages du “progressisme” ou “libéralisme” (ce que nous nommons le “progrès”-Système dans notre F&C de ce même 18 décembre 2013, qui constitue un excellent complément pour ce commentaire de Buchanan, – ou bien est-ce le commentaire de Buchanan qui constitue un complément par le fait d’une application concrète du discours de Poutine). »

Poutine et la Russie n’ont cessé d’accentuer cet aspect de la Russie défenderesse de la Tradition, notamment et essentiellement avec la guerre en Ukraine qui est clairement désigné comme une “guerre métaphysique” (selon le mot de Douguine) de la Tradition contre la modernité déconstructurante. En même temps s’est développé un très fort courant d’émigration vers la Russie à cause notamment, sinon essentiellement, de son point de vue sur la Tradition et ses valeurs.

Impatriation dans la néo-Tradition

C’est à ce propos, bien sûr, que l’Italienne de Moscou Cecchini emploie le mot d’“impatriation”. Le mot existe déjà mais dans un emploi assez banal sinon étriqué et médiocre. On donne quelques exemples qui ont un rapport avec l’Union Européenne, donc qui sont nécessairement “banals, sinon étriqués et médiocres”.

« Un impatrié est un salarié ou un individu expatrié rentré dans son pays d'origine, notamment dans le cadre de son parcours professionnel, en dehors d'une situation d'urgence (on parle alors de rapatrié).

» Dans le contexte professionnel, l'impatriation consiste pour une entreprise à faire venir des collaborateurs étrangers en France, pour répondre à un besoin de compétence et de main-d'œuvre, et très souvent à une recherche de maîtrise des coûts. Un impatrié est alors un salarié étranger en France.

» Pour les ressortissants de l'Union européenne, l'impatriation est facilitée par l'absence de besoin de permis de travail pour un nombre croissant de pays et de métiers. Par ailleurs les cotisations sociales peuvent être payées dans un pays autre que celui d'exercice de l'activité. »

L’emploi du mot parvient même à abaisser, sinon désacraliser le concept de “patrie” qui en est sa racine au départ spirituelle, – et, par conséquent, désacraliser le mot “nation” qui est du même domaine. Il s’agit d’une dérive bien entendu économiste, c’est-à-dire moderniste, et bien entendu globaliste. Le phénomène russe offre un tout autre sens, où impatriation signifie de facto que ni la “patrie”, ni la “nation” n’ont plus du tout l’importance qu’ils avaient puisqu’ils ont été privés de leur essence spirituelle par la modernité globaliste. (Il ne faut pas non plus, selon notre approche, définir le mot comme “trouver une nouvelle patrie en Russie”. Nous dépassons cette sorte d’appréciation, quelle qu’en soit la cohérence.)

En quelque sorte, impatriation dans ce nouveau sens implique d’offrir quelque chose de spirituellement élevé qui remplace patrie et nation devenues d’abjectes caricatures d’un passé détruit par la modernité. Il oppose à cet holocauste du sens que la civilisation offrait une nouvelle perspective qui est celle du sens qu’offre la Tradition (ou néo-Tradition, pour la facilité sémantique de suivre la chronologie métahistorique) ; non pas un retour au passé (où la Tradition majusculée ne peut se situer puisqu’étant par essence un concept hors du temps historique), ni même une résistance à une destruction achevée, mais bien une dissidence totale offrant un rassemblement qui s’impose en provoquant naturellement par sa simple existence une structure destructrice de la modernité ; une structure déconstructurante de la déconstructuration moderniste. 

Ce n’est donc pas, comme on l’a déjà dit, une démarche d’adoption de la Russie comme nouvelle patrie, même si le processus passe par cette voie, mais une démarche qui utilise la Russie comme moyen de retrouver une forme nouvelle, postmoderne, de la Tradition en néo-Tradition. Que les Russes en tirent avantage, que la Russie en sorte renforcée, c’est une évidence inévitable ni d’ailleurs déplorable, mais ce n’est en aucun cas l’essentiel. De ce point de vue, la Russie montre assez bien elle-même qu’elle est capable d’accueillir des communautés ethniques, culturelles, religieuses, qui sont d’ethnies, de cultures et de religions différentes de la sienne sans leur porter la moindre atteinte. Ce n’est plus de la géopolitique classique, comme cela semblerait être selon le mode de pensée moderniste, mais bien une “géopolitique métaphysique”’ comme définie par Douguine.

Le résultat est un bouleversement de la notion d’identité, qui n’est plus définie par la dimension nationale ou patriotique dans le sens perverti par la modernité, mais qui l’est par la Tradition perçue comme un concept qui ne se définit plus par ces notions modernes devenues soudainement vieilles par subversion. C’est effectivement rejoindre la question basique, en répondant par l’affirmative, à la question posée par Buchanan il y a déjà onze ans : « Poutine est-il l’un des nôtres ? ». Chacun peut y répondre en-dedans soi, sans nécessairement “s’impatrier” en Russie même, mais en sachant que la Russie telle qu’en elle-même aujourd’hui est la référence nécessaire à cette nouvelle forme d’identité.

Dans un même élan, les notions telles que “démocratie”, “idéologie”, “droits de l’homme” et toutes les formes de déconstruction sociétale que nous imposent les composants de la modernité globaliste deviennent des instruments de l’ultime perversion de cette même modernité globaliste. Il n’est pas nécessaire du tout de tenter de se définir par rapport à eux (pour ou contre), il est tout à fait nécessaire de ne plus les considérer, – de les “canceller” en un sens, comme fait la modernité wokeniste, –  à cause de leur compromission totale, de  leur capacité universelle de nuisance par contagion comme l’est un virus, – ou comme l’est un vaccin prétendument fabriqué pour lutter contre un virus, diront certains.  

On comprend évidemment combien une telle orientation introduit de confusion pour les individus face aux choix divers auxquels ils sont confrontés. Certaines positions qui semblaient évidentes et naturelles selon une vision patriotique et nationale, deviennent perversion complète à cause de la perversion des concepts de nation et de patriotisme. C’est à ce point qu’il faut savoir tirer son épingle du jeu, c’est-à-dire notamment de conserver ce qu’il y avait de vertueux dans la nation et le patriotisme (sa nation et son patriotisme) et de le transférer au concept de la Tradition, – ou disons, pour s’adapter au champ chronologique, au concept de la néo-Tradition.

Il faut savoir, pour cette sorte de choix, reconnaître où se trouvent les vices fondamentaux de la modernité, dont le premier sinon l’unique est la corruption sous toutes ses formes, et surtout la corruption psychologique qui désarme l’esprit devant les tentations et les simulacres de la modernité. La confusion est très grande, mais très également est la panoplie des infamies de la corruption que l’on doit savoir aisément reconnaitre. Tout cela suppose, non pas une nouvelle forme de pensée comme si l’on était dans une géopolitique normale, mais une nouvelle façon de penser que permet l’exploration d’une géopolitique métaphysique.

 

Mis en ligne le 23 février 2024 à 18H10

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