Hillary, sa sébille à la main

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La visite d’Hillary Clinton, en Chine, symbolise et marque à la fois, par la forme de la visite, une évolution aussi bien de la politique extérieure des USA que du rôle du secrétaire d’Etat. (Clinton a bien pris la précaution de préciser que, dans le dialogue stratégique qui allait s’établir entre les USA et la Chine, le secrétaire au trésor US aurait sa place avec elle, à égalité avec elle.) La principale matière de la visite fut la crise économique et la principale demande US fut pour la poursuite du soutien financier de la Chine aux USA par l’achat de bons du trésor. Ce thème confirme d'autre part l'importance nouvelle de la Chine dans les relations internationales et dans la politique extérieure US

• L’argument principal de Clinton, exposé aux Chinois, est aussi couru que les tonnes d’éditoriaux et d’analyses suscités par la situation actuelle, et notamment celles des rapports financiers entre la Chine et les USA: “Nous sommes dans la même galère («Clinton says U.S. and China are in the same economic boat»), par conséquent la Chine n’a pas plus intérêt que les USA à ce que les USA coulent et, pour éviter ce sort funeste, il faut que la Chine continue à acheter des bons du trésor US”.

• Un autre domaine important abordé lors de la rencontre fut celui de la lutte contre le réchauffement climatique, par la réduction des émissions de gaz CO2. Là aussi, la conception des USA est que Chine et USA “sont dans la même galère”, étant à la fois les deux plus gros pollueurs et les deux pays qui sont les plus en retard et les plus réticents à entamer cette lutte. Les USA proposent à la Chine un effort de concert d’une nouvelle ampleur.

• Il fut question de l’habituel sujet discordant de cette sorte de rencontre, mais pour entendre aussitôt Clinton commenter son intervention d’une façon qui signifiait que cette intervention était de pure forme et n’avait aucune importance. Les questions des droits de l’homme en Chine et du Tibet préoccupent les USA mais il n’est pas question une seconde qu’elles interfèrent sur les grands thèmes des relations USA-Chine. («Clinton had sought to focus on economic and environmental issues in Beijing, saying Washington's concerns about the human rights situation in China should not be a distraction from those vital matters.»)

«China and the United States are both dependent on a revival of the U.S. economy and will rise or fall together, Secretary of State Hillary Clinton said during a visit to Beijing on Sunday. “It would not be in China's interest if we were unable to get our economy moving again," Clinton said in an interview to Shanghai-based Dragon TV shortly before leaving China. So by continuing to support American treasury instruments, the Chinese are recognizing our interconnection. We are truly going to rise or fall together. We are in the same boat and thankfully we are rowing in the same direction.”

«China is the world's biggest holder of U.S. treasuries and Clinton said continuing to invest in them was “a very smart décision” for two reasons. “First, because it's a good investment, it's a safe investment. Even despite the economic challenges sweeping over the world, the United States has a well-deserved financial stability reputation. And secondly, because our economies are so intertwined the Chinese know that in order to start exporting again to its biggest market, namely the United States, the United States has to take some very drastic measures with this stimulus package, which means we have to incur more debt.”»

Observons quelques faits importants dans cette visite, par la forme qu’elle a prise et les propos qui furent échangés. Aucune surprise majeure par rapport à ce qui se dit de plus en plus précisément de la nouvelle politique extérieure des USA, mais des confirmations sérieuses et formelles à cet égard, – par conséquent l'officialisation d'une époque nouvelle dans les relations entre les USA et la Chine.

• On spéculait sérieusement là-dessus et cela est confirmé d'une façon éclatante et officielle: désormais, la politique extérieure des USA est toute entière conditionnée par la crise générale, économique et financière. Ce contexte détermine les sujets prioritaires, conduit au sacrifice sans la moindre dissimulation des annexes divers, notamment la politique moralisatrice qui tint une si grande importance dans la politique GS Bush, jusqu’à conduire à de graves interférences, voire à des paralysies de certaines relations. L’urgence de la crise balaye tout, pour l’administration Obama. On parlera beaucoup moins d’une politique réaliste que d’une politique de l’urgence. Il y est moins question des intérêts US présentés d’une manière équilibrés, voire arrogante, que de la survie des USA pour laquelle l’aide de tous est demandée, au nom évidemment du même argument “nous sommes tous dans la même galère”.

• Par conséquent, la diplomatie US perd évidemment de sa substance, puisqu’elle devient dépendante d’une occurrence générale très spécifique qui concerne tous les domaines et tous les départements de l’administration. Il n’est plus question de préséance, d’autorité de l’un (un département) sur l’autre (sur un autre). Pour les divers ministères et agences de l’administration Obama, de la même façon, “tout le mode est dans la même galère”. Dans ce cas, effectivement, le département d’Etat, d’habitude maître des relations internationales dans toutes ses composantes, y compris de composantes concernant d’autres ministères, devient un acteur parmi d’autres parmi ces divers composantes, et, souvent selon les circonstances, le moins important parce que le moins spécialisé.

• La diplomatie US n’a plus de crainte de se présenter nettement dans une position demanderesse. Ce qu’a fait Hillary Clinton au premier chef, c’est de reconnaître que les USA dépendent, pour leur stabilité, voire pour leur survie, de la Chine. La situation n’est pas glorieuse; c’est une chose d’en connaître l’existence en général, c'en est une autre de le reconnaître et de le proclamer implicitement par la voix de la secrétaire d’Etat. Les USA ne s’embarrassent plus de considérations trop pointilleuses à propos de leur statut et de leur prestige de “superpuissance”. Là encore, l’urgence de la crise dicte impitoyablement sa loi. Il faut aller vite, sans s’embarrasser d’artifices diplomatiques ou de considérations d’influence par l’image et par le statut.

• Aujourd’hui, les relations entre les USA et la Chine sont entrées dans une phase d’égal à égal. On avait déjà vu la prémisse de la chose avec la visite de Paulson en Chine l’année dernière. Avec la visite de Clinton, toute ambiguïté, toute hésitation sont écartées. Désormais, Chine et USA parlent d’égal à égal, avec ces deux pays intégrés dans un même système en crise. La visite de Clinton montre que les USA estiment désormais que rien de sérieux ne peut être fait dans les relations internationales sans consulter la Chine et avoir son accord. Ouverture officielle d’une nouvelle époque des relations internationales.


Mis en ligne le 23 février 2009 à 12H29