Extrémisme postmoderne

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Extrémisme postmoderne


29 janvier 2003 — Il y a quelque chose de similaire dans le discours sur l’état de l’Union de GW et la réélection de Sharon.

• Le premier bataille toujours pour convaincre le monde (y compris les US) qu’il a raison, qu’il faut le soutenir, qu’il va nous montrer des preuves (de la culpabilité de Saddam) qui emporteront notre conviction (le 5 février, c’est annoncé).

• Le second a remporté un triomphe électoral hier et a choisi une telle formule de gouvernement qu’il a fort peu de chances de parvenir à le former et qu’il envisage déjà des élections anticipées.

Ces deux hommes ont en commun une chose : ce sont des extrémistes, — non de droite (ni de gauche malgré le trotskisme rentré de GW), ni religieux, ni n’importe quoi ; non, ce sont des “extrémismes postmodernistes”, c’est-à-dire extrémismes dans leurs actes, qui sont parfois de facture idéologique contradictoire, et nécessité de faire correspondre ces actes au catéchisme postmoderne (démocratie, droits de l’homme, morale) ; d’où leur choix délibéré du mensonge maximaliste diffusé par de puissants systèmes de communication, jusqu’au point où le mensonge n’est plus mensonge mais virtualisme, par conséquent création d’un monde général (avec, notamment, démocratie, droits de l’homme et ainsi de suite).

Cet étrange équipage fait que, tous les deux, ils ont besoin nécessairement d’une apparence de respectabilité. Ils n’ont pas la cohérence idéologique et la puissance d’une conviction que donne une cause nettement définie et appuyée sur des arguments renvoyant à la réalité, pour pouvoir agir seuls. Ce sont des extrémistes prisonniers d’une dialectique humaniste nécessairement “modérée”, et ainsi prisonniers de cette contradiction. Leur politique prétendument activiste conduit finalement, lorsqu’on observe globalement ses résultats, à une impuissance qui se mesure chaque jour sur le terrain où ils attaquent et détruisent des structures sans rien parvenir à mettre en place, à la place de ces structures détruites.

• GW annonce, depuis le 11 septembre 2001, et d’ailleurs même avant, qu’il se passe du reste du monde, qu’il en a les moyens et le droit. En attendant, dans l’affaire irakienne, il s’est embarrassé du “cousin” britannique, pour n’être pas complètement seul dans tous les cas, que ce soit du point de vue diplomatique, que ce soit du point de vue militaire pur (lorsque les USA affirment qu’ils sont prêts à agir seuls, ils ne précisent pas qu’il y a 30.000 soldats britanniques dans leur dispositif, soit près de 20% des forces, ce qui n’est pas rien). Qui plus est, depuis le 12 septembre 2002, GW s’est laissé entraîner dans le processus ONU, ce qu’il présente en général comme un avantage, voire comme une “victoire”, mais qui est de plus en plus perçu comme un piège par ses partisans néo-conservateurs. Sa politique se résume pour l’instant à l’annonce dialectique de la certitude d’une attaque de l’Irak et d’un vaste remembrement démocratique de la région, sans que rien de concret n’ait été fait. L’Irak est présentée comme la première démonstration de la stratégie “préventive” de l’administration, mais que vaut une telle stratégie si elle est soumise à un processus international (l’ONU, ou bien une coalition de soutien à construire) dont on attend l’acquiescement, et dont l’acquiescement est recherché au cours d’un processus long et débilitant comme l’a été celui qu’on a observé depuis la fin de l’été 2002 ?

• Sharon a assuré son pouvoir avec une attitude d’extrémiste qu’il a confirmée par le traitement qu’il réserve aux Palestiniens. Mais ils n’osent pas aller au terme de cette attitude, qui serait une partition de fait, imposée par la force, avec un déplacement de populations palestiniennes, tout cela pour donner à Israël une position stratégique défendable après un “nettoyage ethnique”. (C’est une idée défendue par des Américains tels Richard Perle et Edward Luttwak.) Sharon préfère expliquer que sa dureté répressive lui est imposée par les attaques palestiniennes, pour éviter les accusations internationales. Pour cela, il écarte toute alliance avec les autres partis d’extrême-droite, notamment religieux (qui veulent la “partition”), et favorise une alliance avec les travaillistes pour avoir leur caution d’honorabilité. Cette attitude le freine politiquement (il est prisonnier des travaillistes, jusqu’à faire dépendre des élections anticipées de leur attitude) et militairement (sa répression est du coup par coup, sans but général ni stratégie constructive  : elle entretient la tension et les conditions suscitant le terrorisme et ne tente aucune poussée décisive).

La réalité de ces deux extrémismes virtualistes recèle une impuissance d’agir de façon constructive. Il y a certes une action mais elle semble incapable de déboucher sur une nouvelle structure, l’effet étant que les anciens systèmes sont brisés par le premier stade de l’action, souvent avec des désavantages substantiels. Les mésententes nouvelles entre l’Europe, la Corée du Sud, la Turquie d’une part, les USA d’autre part, sont la marque principale de l’action de GW, sans qu’on voit, en contrepartie, le moindre avantage qui les justifie. A un autre niveau, le détachement de la Turquie de l’orbite US et sa distanciation d’Israël suivant son rapprochement des pays arabes isolent d’autant plus Israël, qui se trouve de plus en plus enfermé dans la manifestation d’une puissance impuissante elle aussi à mettre en place de nouvelles situations créatrices favorables.

Les deux pays, USA et Israël, sont engagés dans des conflits qu’ils n’arrivent pas à rendre décisifs et où ils s’enlisent, moins par manque de capacités techniques (action militaire) que par manque d’autonomie politique. Ils font dépendre tous leurs actes, souvent violents au nom d’une politique extrémiste qui leur est désormais naturelle, d’une attitude de recherche systématique d’arrangement avec d’autres forces politiques qui les freinent, au nom d’une rhétorique artificielle qui contredit leurs engagements précédents.

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